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LYCAON DIRA-T-ON

Un vaisseau spatial embarquant Lupus et Tony, deux amis d'enfance, se pose sur une planète pour faire leur recharge de stupéfiants en tout genre et en profiter pour se faire une partie de pêche... Au détours d'un bar, Lupus branche Saana, une jeune fille de la planète, voulant partir à tout prix de celle-ci... Ils se rendent tous les trois à la mer (acide), où commence une sorte de huis-clos entre les personnages... Qu'est-ce que le lupus ? C'est une maladie du système immunitaire et une maladie chronique. D'habitude, le système immunitaire aide à combattre les infections, les virus ; mais lorsqu'on est atteint du lupus, il est inefficace. On dit "maladie chronique" car cette maladie ne peut pas se guérir mais peut être sur contrôle si l'on fait ce que les médecins nous disent de faire. C'est une saloperie qui vous prend sans aucune raison -apparemment-, et qui risque de vous gâcher la vie, jusqu'à ce qu'elle s'achève. Vous ne pouvez pas en mourir, mais vous traversez des périodes de fatigue extrême, qui peuvent durer plus ou moins longtemps. Avant d'ouvrir la BD qui porte ce nom, j'avais des doutes sur son sujet réel. Après avoir lu les 3 premiers tomes, je n'ai plus de doute. La BD de Frédérik Peeters porte bien ce nom, à plusieurs niveaux. Tout d'abord concernant l'histoire. Un jour un événement met la vie de Lupus sens dessus dessous. Elle en sera immédiablement entachée, et il traversera de grandes périodes de doute, des coups de bambou. Il vivra des moments heureux quand même, qu'il ne pourra s'empêcher d'interpréter comme des répits, et donc il ne pourra pas en profiter pleinement. Le lupus se manifeste quelquefois par des taches spontanées sur la peau. Le changement de Lupus va peut-être déteindre sur Sanaa... Ceux qui auront lu le tome 3 comprendront ce que je veux dire. Et enfin, Lupus agit également comme la maladie du même nom sur ceux qui la lisent : elle sort de nulle part, accapare toute l'énergie (essentiellement psychique) de celui qui la lit, et il ne pourra probablement s'en défaire. De plus, elle viendra ponctuellement nous occuper l'esprit.

Si l'on passe à un second niveau d’analyse, on constate que Peeters a réussi le mariage parfait entre la SF et le roman graphique. Son univers, sa technologie se tiennent, car ils ne sont pas très éloignés de notre civilisation du début du XXième siècle. Graphiquement, tout est incroyablement efficace. Peeters n'est ni Moebius, ni Gimenez, mais il réussit, avec une économie de moyens assez hallucinante, à nous faire totalement croire à ce qu'on voit. Seule la station du tome 3 me semble un peu ridicule. Cerise sur le gâteau, les 3 premières couvertures, construites suivant le même modèle, sont toutes les trois superbes (j'aime bien celle du tome 3, avec ses dessins presque subliminaux dans le vide de l'espace)... Sur le plan de l'histoire, cette cavale est réellement palpitante, on rencontre des personnages et des créatures réellement fascinants. Résultat, on a hâte d'arriver au tome 4, qui marquera la conclusion d'un très beau voyage...

Spooky.



J'AI PAS LE TEMPS

Paris, 1893. Benjamin Kergalec est un jeune dilettante qui patauge dans une petite carrière de journaliste, plus alimentaire qu’autre chose. C’est au cours d’une de ses visites au manoir, alors qu’il fouille dans le grenier, que Benjamin tombe sur une boîte renfermant d’étranges souvenirs : une photo de 1848 où apparaît son père avec d’autres hommes, une horloge, et des poèmes. Il s’aperçoit par accident que l’horloge n’est pas ordinaire. Elle arrête le temps... Benjamin va dès lors se transformer. Vieux fantasme que celui de pouvoir arrêter le temps et déambuler à son aise alors que les autres restent figés. Les auteurs ont repris cette idée pour en faire une bande dessinée complètement atypique, renversante la plupart du temps, étonnante de bout en bout. Loin des redites, faisant fi des convenances et des grosses ficelles, il nous livre un récit à la fois très fin, pas tout à fait linéaire, et surprenant. Quant au dessin d’Audibert, proche de celui d’Alfred et de Pedrosa, il est très maîtrisé (étonnant d’ailleurs pour un "premier" album, mais il est vrai qu’Audibert a déjà œuvré sur des collectifs chez le même éditeur...). Le traitement des couleurs est impressionnant, surtout au moment des "stases" provoquées par l’horloge de Benjamin. La BD évite l’écueil des paradoxes temporels, pour se concentrer sur les conséquences directes des "arrêts" provoqués par l’horloge. A lire à toute heure.

Spooky



SANGLANT

Atsushi est venu un jour avec sa compagne dire à ses parents qu'il partait demander sa main à ses beaux-parents. Ca remonte à deux ans. Il n'a plus donné signe de vie depuis. Personne n'est jamais revenu d'Higanjima ! Ce petit îlot désert cache, en effet, le plus terrible des secrets. Une communauté de vampires ! Pour continuer à attirer les humains sur l'île, ils envoient d'exquises créatures séduire les hommes, grâce à leurs charmes puissants. L'une d'entre elles entre sans frapper dans la vie d'Aki, le frère d'Atsushi. Mais Aki, même s'il est heureux d'intéresser cette créature de rêve, se doute qu'elle cache un terrible secret... Avec ses amis, vont-ils pouvoir le percer ? Soleil Manga. A priori, pour le lecteur moyen, cette appellation peut faire sourire. C'est avec une certaine méfiance que j'ai ouvert le tome 1 de la série Higanjima, l’ile des Vampires, présentée comme le nouveau phénomène de terreur dans le pays du Soleil Levant. Un film serait même en cours d'adaptation. Finalement, c'est une assez bonne surprise. Il est trop tôt pour dire si c'est vraiment intéressant (seuls 24 tomes -série en cours- sont sortis au Japon), mais ça vaut le coup d'être lu, d'autant plus que Soleil a soigné la maquette du manga. L'histoire nous fait suivre le chemin d'Aki, un lycéen qui s'éveille à la sexualité, aux prises avec d'étranges créatures liées à la disparition de son frère. Aki est un conteur incroyable, un garçon très inventif qui a très souvent des visions. L'une d'elles, récurrente, nous montre Yuki, son amie d'enfance, en tentatrice nue. Aki a du mal à se contrôler, d'autant plus que Yuki sort avec Ken, son meilleur ami. L'idée de faire d'Aki un espèce de medium se révèle intéressante sur la longueur, mais on ne comprend pas trop l'intérêt de nous montrer ses fantasmes avec son "amie", si ce n'est pour expliquer qu'il est amoureux d'elle. Un peu superflu. Matsumoto nous dépeint des vampires myopes, que l'on peut duper facilement avec un certain stratagème, plutôt pas mal vu par rapport à d'autres. L'écriture est un peu chaotique dans le tome 1, pour se fluidifier par la suite, en adéquation avec le dessin, qui gagne nettement en rigueur. Restent cependant des effets un peu faciles, comme les yeux de certains personnages, tels Aki, gommant presque complètement le sérieux de la situation. Quelques interludes grotesques (à la City Hunter) anéantissent -par moments- la tension dramatique que peuvent avoir certains passages. C'est dommage, car l'histoire est plutôt intéressante. Espérons que la suite gagnera en rigueur graphique et scénaristique.

Spooky.



EVOLUTIONNAIRE

Je l’ai déjà clamé sur tous les toits, et dans le présent fanzine (oui, j’exagère, mais c’est moi le rédac’chef, hahahah), mais je considère Stephen Baxter comme le digne successeur d’Arthur C. Clarke, l’un des plus brillants auteurs de “Hard SF” des années 1950 à... nos jours, puisqu’il est encore vivant. Il utilise toutes les connaissances actuelles de la science pour imaginer ce qui pourrait en découler, et livrer des romans brillants dans leur rigueur et leur propos, mais un peu difficiles à digérer de par l’aridité de son écriture (Voyage, Titan...). Son dernier roman sorti en France, Evolution, témoigne une fois encore de ce défaut (qui court sur plus de 700 pages), mais cette fois-ci sa technique s’est quelque peu retournée ; ainsi, ce n’est plus (pour l’essentiel) de la prospective, de l’anticipation qui fait le terreau sur lequel il élève son arbre fruitier, mais bien de l’histoire supposée. L’ambition d’Evolution est vaste, mais inscrite dans son titre même. Proposer une histoire de l’évolution qui a mené à l’Homme, depuis un petit mammifère vivant il y a 65 millions d’années, jusqu’à son futur, 500 millions d’années dans le futur. Oh bien sûr, des humains vivant à notre époque, des archéologues qui plus est, servent de pivot, mais les neuf dixièmes du bouquin sont découpés en longues nouvelles (une vingtaine en tout) où l’on suit un personnage (une femelle essentiellement) présente à un moment-clé de notre histoire, ou plutôt de notre proto-Histoire la plupart du temps. Car, une fois n’est pas coutume, Baxter se montre plutôt inventif dans les récits se déroulant dans le passé, plus que dans celles se déroulant dans le futur. Etrange paradoxe, car l’essentiel de sa fiction rétrospective se base, comme il l’avoue lui-même, sur des suppositions pas forcément fondées, en accord avec les connaissances que nous avons de nos ancêtres. Il en résulte un ouvrage baroque, bancal, sombre le plus souvent, car l’humanité est née du chaos. Elle causera sa propre perte, et disparaîtra après avoir dévasté sa planète, si riche de promesses jusqu’à son arrivée. Dans le torrent des siècles, Baxter a pêché des éléments par-ci par-là, donnant des scènes dramatiques, comiques, intenses... ce n’est pas une thèse, mais une fiction qui se termine sur une chaîne moléculaire étincelante, partie de Purga (le mammifère qui a tout “déclenché”), avait traversé des générations de créatures qui avaient grimpé, bondi, appris à marcher et à arpenter le sol d’un monde différent. A la fin de la chaîne, ces créatures étaient redevenues petites et sans conscience, étaient remontées dans les arbres. L’ouvrage se termine sur l’image d’une étrange symbiose entre l’ultime petite-fille de Purga et les arbres. Riche en poésie darwinienne (si tant est qu’on puisse associer ces deux termes), Baxter réussit son pari à écrire une Histoire de l’Humanité excitante et plausible, mais échoue encore une fois à intéresser son lecteur.

Spooky.



PRESQUE PARFAIT

La Guerre des Mondes est une histoire particulière. Ecrit dans les dernières heures du 19ème siècle, à l’époque où la révolution industrielle commence àbattre son plein et où certains peuples sont victimes de l’impérialisme britannique, c’est l’un des récits les plus connus de Herbert George Wells, célèbre pour son Homme Invisible, Sa machine à explorer le temps, son Ile du Dr Moreau... Contant l’arrivée de belliqueux martiens sur notre planète et de la façon dont les terriens arrivent à les éliminer, il a connu des adaptations marquantes, à des moments-clés de l’Histoire. En 1938, c’est l’acteur-réalisateur Orson Welles, qui par le biais d’une saisissante adaptation radiophonique, qui réussit à semer la panique aux Etats-Unis. Rappelons qu’à cette époque, le nazisme était en pleine ascension chez les voisins allemands. En 1953, c’est Byron Haskin qui réalise un très bon film, très réussi (et qui n’a pas tant vieilli que ça), en plein début de Guerre Froide. 11 septembre 2001, le monde est secoué par les attentats sur le World Trade Center. Le 21ème siècle, celui de la peur et de l’information est né à ce moment-là. De nombreuses nations vivent désormais dans la crainte du terrorisme de masse, et de nouvelles attaques lâches sont venus se rajouter au 11 septembre. Spielberg voit là l’occasion d’adapter à nouveau cette histoire-symbole, appuyant lors d’interviews-promo sur cette fibre. Admettons. Et c’est aussi pour lui l’occasion de retravailler avec Tom Cruise, avec lequel il avait fait de l’excellent boulot sur Minority Report. Pour l’occasion, Cruise accepte même de venir également en tant que producteur, ce qui lui permet d’avoir un droit de regard sur le scénario, le casting... Signalons que ledit scenario est écrit par David Koepp (Jurassic Park, L’Impasse, Mission Impossible, Panic Room, Hypnose...) et Josh Friedman (crédité sur Poursuite, et le futur Dahlia Noir) afin de placer l’action au coeur de ce 21ème siècle décidément très particulier. Le film est un super-blockbuster, puisque deux studios -Paramount et Dreamworks- sont obligés de s’associer pour laisser au génial géniteur d’E.T., dse Dents de la Mer et de Jurassic Park, entre autres, la possibilité de laisser s’exprimer tout son talent de conteur. Ray Ferrier est un docker divorcé et un père rien moins que parfait, qui n'entretient plus que des relations épisodiques avec son fils Robbie (Justin Chatwin, dont c’est le premier second rôle après Taking Lives), 17 ans, et sa fille Rachel (Dakota Fanning, vue dans Trouble Jeu, Man of Fire, Disparition -série produite par Spielberg-, ou encore Sam, je suis Sam), 10 ans. Quelques minutes après que son ex-femme et l'époux de cette dernière lui aient confié la garde des enfants, un puissant orage éclate. Ray assiste alors à un spectacle qui bouleversera à jamais sa vie... Dès lors, il ne songera qu’à sauver sa famille. Entre la cyclothimie de Rachel et l’envie de se battre de Robbie, on a bien envie de les baffer, ces deux gamins. Tom Cruise, en père à la fois pathétique et attentif, a bien du mal à les retenir. Le scenario suit un cheminement presque inéluctable : la panique, le confinement, la capture, puis la réaction et la victoire. En cela, le film de Spielberg suit les grandes lignes du roman de Wells, ainsi que celles du film des années 1950, grâce notamment à certaines scènes très proches. Attention, la fin peut paraître “nulle” aux béotiens qui n’ont pas lu Wells. Grâce aussi à l’adjonction d’une voix off apparaissant au début et à la fin du métrage, interprétée par Morgan Freeman. Une voix profonde, rassurante, mais qui délivre en fin de parcours un message plutôt douteux, en adéquation avec une vision plutôt bushienne des événements, et qui à lui seul gâche définitivement le film. Vraiment dommage, car le film est plutôt bien foutu sur 90% de sa durée, un vrai film de trouille, pour citer un ami.

Mais attardons-nous quand même sur ses qualités : des effets spéciaux irréprochables (on a quand même des frissons à la vision des fameux tripodes inventés par Wells, et matérialisés par un design tout à fait somptueux), des effets sonores proprement hallucinants dans certaines scènes (notamment celle de la cave, que l’on pourrait trouver un peu longue), des acteurs encore une fois impressionnants. Tom Cruise nous prouve qu’il se bonifie en vieillissant, on oublie que c’est un gars d’1 m 68, haut comme les trois marches de l’escalier qu’il monte en crabe, et il ne joue pas les super-héros. C’est un père qui a une vie ratée, qui a du mal à obtenir l’intérêt de ses enfants... Un vrai rôle, quoi. A ses côtés, Dakota Fanning, si on met de côté l’aspect horripilant de son personnage, joue d’une manière incroyablement juste. Peut-être est-elle vraiment le prodige qu’on nous promet ? Lors de leur errance, Ray et Rachel rencontreront un drôle de bonhomme dans une cave, Harlan Ogilvy, un homme que la raison a quitté, et superbement interprété par Tim Robbins (L’Echelle de Jacob, Les Evadés, Mission to Mars, Mystic River...) , saisissant dans son interprétation hallucinée, comme d’habitude. Clin d’oeil au film des années 1950, Spielberg offre une scène aux acteurs de l’époque, Gene Barry et Ann Robinson. Il reste quand même un réalisateur très doué, il arrive à installer une atmosphère très inquiétante. De par son sujet, on retrouvera des réminiscences de films très connus, tels que l’Independance Day d’Emmerich ou Signes, de Shyamalan, mais il est à noter que ce n’est pas le créateur de Rencontres du troisième type qui a copié ses devanciers, mais bien eux qui se sont inspirés du grand classique de Byron Haskin, lui-même rendant un bel hommage au matériau superbe de Wells. Entre respect de la matière originelle et modernité salutaire, Spielberg réalise quand même un beau film, malheureusement entaché en fin de course par un message un peu maladroit. Pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin dans l’analyse du roman original de Wells, je recommande la lecture de la page dédiée sur le site Internet www.cafardcosmique.com.

Spooky.



REMISE A ZERO

Comment un homme seul peut-il changer le monde ? Telle est la question qui hante Bruce Wayne depuis cette nuit tragique où ses parents furent abattus sous ses yeux, dans une ruelle de Gotham City. Il cherche dès lors à se familiariser avec la mentalité et le comportement criminels, Bruce rencontre le mystérieux Ducard. Devenu son mentor, celui-ci l'initie aux disciplines physiques et mentales nécessaires à ses futurs combats. Bruce est bientôt invité à rejoindre la Ligue des Ombres, une puissante organisation subversive, adepte d'une justice expéditive, que dirige l'énigmatique Ra's Al Ghul. De retour à Gotham, Bruce retrouve une ville en décomposition, ravagée par le crime et la corruption. Dans l'intervalle, la plus proche amie d'enfance de Bruce, Rachel Dawes est devenue substitut du District Attorney. Cette jeune et courageuse idéaliste se bat pour obtenir la mise en examen des plus grands criminels de la ville, mais se heurte à un système judiciaire profondément corrompu, manipulé par des requins comme Carmine Falcone et son âme damnée, le brillant psychiatre Jonathan Crane, directeur de l'Asile d'Arkham. Avec l'aide de son fidèle maître d'hôtel Alfred, de l'inspecteur Jim Gordon et de Lucius Fox, son allié au sein du département Sciences Appliquées des Wayne Enterprises, Bruce se fabrique un terrifiant alter ego : Batman, le justicier masqué qui utilise sa puissance, son intelligence et sa vaste panoplie high-tech pour combattre les forces maléfiques qui menacent sa ville de destruction… Je pense que tout le monde ici connaît Batman, l’une des franchises grand public ayant connu le plus d’adaptations cinématographiques. Pour ceux qui n’ont pas eu le courage de voir les quatre premiers films, rappelons que les deux premiers, réalisés par Tim Burton, tiennent de l’aimable divertissement mais sans plus, le personnage central étant interprété par un Michael Keaton carrément ridicule. Lorsqu’un nouveau film est lancé, en 1995, c’est Val Kilmer qui endosse le costume du “Caped Crusader”, sous la férule d’un Joel Schumacher qui fait du travail de commande. Peu convaincant, l’acteur est remplacé par George Clooney deux ans plus tard pour un Batman & Robin (par Schumacher encore) catastrophique, et dont le seul atout est... Arnold Schwarzenegger en méchant. Les amoureux du bon cinéma et les fans du personnage pensaient, les uns rassurés, les autres résignés et désolés, que la franchise sur grand écran connaissait alors son ultime épisode. Mais la firme DC Comics, qui publie les aventures de papier du justicier de Gotham, face aux adaptations réussies des vedettes du concurrent direct, Marvel (en vrac, Spider-Man, X-Men...), lancent l’idée de l’adaptation d’un Batman vs Superman un peu utopique. Les scripts s’enchaînent, et c’est finalement David S. Goyer, scénariste de The Crow, Dark City, les trois Blade (il réalise même ce dernier). l’homme presque idéal, en résumé. Restait à trouver un réalisateur. De nombreux noms circulent, parmi les plus prestigieux, mais c’est finalement Christopher Nolan, auteur des excellents Following et Memento et du tout juste honnête Insomnia, qui récupèrera le bébé. Nolan est un peu comme Bryan Singer (X-Men) : un réalisateur touche-à-tout, peu adepte des effets spéciaux, plutôt tourné vers la psychologie de ses personnages. C’est en outre un artisan sûr, qui fait toujours des films intéressants, même s’ils manquent parfois de maturité. Cela explique -en partie- que ce Batman Begins soit une grande réussite. faisant table rase du passé, en clair des quatre aimables farces que constituent les films que j’ai cités en ouverture d’article, Nolan emmène notre justicier sur des chemins inédits, ceux du vrai cinéma, du grand spectacle, du réalisme tant formel que narratif. Et, élément inédit, le personnage-titre est ENFIN incarné par un acteur, un vrai. J’ai nommé Christian Bale, le psychopathe glaçant et glacé de American psycho, le justicier du Règne du feu et d’Equilibrium, l’ouvrier émacié de The Machinist, après avoir réellement débuté dans l’Empire du Soleil, de Spielberg. Pourquoi vous livrè-je la liste presque complète de sa filmographie ? Pour vous prouver l’étendue du répertoire de cet acteur gallois de 31 ans, à mon avis d’ores et déjà l’un des meilleurs de sa génération. Il explose littéralement dans Batman Begins, auquel il apporte l’intensité de son jeu, des performances physiques appréciables, et je suppose que cela intéressera mes lectrices, sa belle gueule. Bale, ex-Bateman d’American psycho, est donc le Batman des années 2000 (il a d’ailleurs resigné, comme tous les acteurs principaux, pour une suite). Il est flanqué d’un casting impressionnant, l’un des meilleurs du moment : le classieux et toujours charmeur Michael Caine, la mignonne Katie Holmes, le désormais irremplaçable Morgan Freeman, le caméléon Gary Oldman, le surprenant Liam Neeson, et l’un des acteurs à suivre, l’anglais Cillian Murphy. Le casting est complété par Rutger Hauer, qui assume enfin son âge après avoir incarné pas mal de méchants à l’écran, et Ken Watanabe (Le Dernier Samouraï).

Revenons sur chacun de ces acteurs. Michael Caine, qui joue un peu sur le même registre que Sean Connery, mais en moins cher, incarne Alfred, l’inamovible majordome/tuteur de Bruce Wayne, l’alter-ego civil de Batman. Il apporte au personnage beaucoup d’humour -y compris envers son employeur- et sa british Touch. Le point faible du casting est peut-être Katie Holmes (Dawson, Intuitions, The Phone Game) est un ton en-dessous de ses camarades de jeu. C’est une actrice de seconde zone, dont la carrière ne décolle pas. Plus encline à vanter les mérites de son scientologue de compagnon, Tom Cruise, qu’à parler de Batman begins, elle ne sera peut-être pas présente dans la suite des aventures masquées de Christian Bale. Cillian Murphy a surpris tout le monde dans le film 28 jours plus tard, de Danny Boyle(2003) ; cela lui vaut d’apparaître dans Retour à Cold Mountain, ou encore La Jeune fille à la Perle. Son visage angélique commence à être vu, et il campe dans notre film un Dr Crane assez inquiétant, un rôle ma foi plutôt surprenant. James Bond a son Q, Batman a désormais son Lucius Fox en la personne de Morgan Freeman. Cet acteur désormais reconnu campe une espèce de génie des techniques en tout genre, assistant malicieux et compère d’Alfred. Dans le prochain épisode, ces deux-là devraient composer un duo intéressant. Le protéiforme Gary Oldman (JFK, Dracula, le Cinquième Elément, Harry Potter 3, rien que ça !) incarne ici Gordon, le policier intègre (l’un des rares de Gotham City !) qui appelle Batman à la rescousse. Encore une fois, il est là où on ne l’attend pas, tout en nuances et au service du film. Et il est anglais, on a tendance à l’oublier... Autre surprise du film, la présence de Liam Neeson. Le “maître” de Bruce Wayne joue sur un registre assez ambigu, poussant le jeune milliardaire dans les cordes. Ca ne vous rappelle rien ? Acteur irlandais reconnu internationalement (La Liste de Schindler, Gangs of New York, Kingdom of Heaven...) est le maître d’Obi-Wan Kenobi dans la récente trilogie de Star Wars... Il manie plutôt bien le katana (sabre japonais), le bougre...

Face à cette masse de talent, il ne fallait pas rester à la traîne chez les techniciens. Christopher Nolan est au diapason, ayant musclé son jeu, filmant de près -trop près, parfois- l’action du film, nous proposant carrément 3 ou 4 scènes d’anthologie (la scène de la grotte, la poursuite de l’incroyable Batmobile sur les toits de Gotham -!!-, un travelling sur un Batman songeur, pareil à une gargouille...). Mais il n’a pas renié ses qualités premières : co-signant le scenario, il s’attarde -un peu- sur la psychologie de son héros, permettant de nous le rendre bien plus attachant. Les décors, sans être staliniennement cyclopéens, comme dans les Batman de Tim Burton, sont sobres et efficaces, et la nouvelle Batmobile vaut à elle seule le doup d’oeil. Les effets spéciaux n’envahissent pas l’écran à tout instant, mais savent rester relativement discrets, et sont bien faits. Le film est plongé dans une atmosphère inquiétante grâce à la musique de James Newton Howard et Hans Zimmer. Bref, si vous aimez le bon cinéma d’action un brin fantastique, ne passez pas à côté de ce très non film qui, malgré certaines longueurs, est une bonne remise à zéro de la franchise vedette de DC Comics.

Spooky.



EPIQUE

La vie coulait paisiblement dans la grande cité d'Armon Zurath. On venait de toute la terre basse pour assister aux combats des champions. La noblesse savourait son oeuvre et contemplait son peuple. Nul ne pouvait imaginer que la plus grande championne serait la source d'ennuis et rien ne le laissait présager, car elle vivait avec son compagnon de toujours, le guerrier Encenzo. Tous deux vivaient dans un palais, dont les nombreuses fêtes orgiaques n'étaient pas du goût de la noblesse mais on fermait les yeux. Car Ganarah était unique ! Au cours des combats, les guerriers du dôme voyaient leur courage récompensé par le pouvoir d'un des neufs magiciens, et c'est lors d'un combat, qu'un pouvoir fit perdre à la puissante guerrière tout contrôle et engendra le terrible massacre, encore aujourd'hui inexpliqué.Depuis, Ganarah vit à l'écart du monde. Seule la rencontre avec Tchénée, jeune femme sauvage surgie de nulle part, va provoquer son réveil. Mais leur relation ambiguë et sensuelle est-elle possible ? La lecture du résumé ne laisse pas beaucoup de place à l'ambigüité : Ganarah est un mélange de Krän, de La Quête de l'Oiseau du temps, et d'autres encore... Si l'on regarde la couverture, on pourrait croire que c'est une BD comme celles que Soleil en produit à la chaîne ; seul le logo de Vents d'Ouest vient démentir cette impression. Non seulement sur le plan des l'histoire, mais aussi sur le plan graphique : merci aux grands pionniers du genre ! Cependant, c'est une BD qui se laisse très bien lire, on est rapidement intrigué par le passé de l'héroïne, par la façon dont son aura est perçue par les habitants d'Armon Zurath... Le premier tome est une introduction nous présentant une partie du système géopolitique de la ville, l'apparition d'une troublante sidekick à Ganarah (la couverture est trompeuse quant à l'attitude de Tchénée...). Et puis Ganarah est très belle, joliment dessinée graphiquement et psychologiquement parlant. La suite est à lire avec intérêt.

Spooky.



LE TEA-TIME DES MORTS-VIVANTS

Réalisé en 2003 par Edgar Wright, Shaun of the Dead ne sort que cet été dans les cinémas français (mais est déjà culte pour les amateurs d’imports DVD) après avoir fait rire à peu près tout le reste du monde. Vraiment, remercions les distributeurs français de nous abreuver à flot continu, à longueur d’année, de comédies aussi "subtiles" que Brice de Nice, mais de garder aussi longtemps des petits bijoux comme celui-ci dans leurs tiroirs… Nous vivons vraiment dans le pays du bon goût.

Bref, voilà, réjouissons-nous, il lui aura fallu du temps mais Shaun of the Dead débarque enfin chez nous. Se présentant comme "une comédie romantique avec des zombies", coécrit et interprété par Simon Pegg, vedette de la sitcom britannique Spaced (inédite en France), le film raconte comment un malheureux loser un peu neuneu sur les bords va profiter d'une invasion de zombies à Londres pour tenter de reconquérir le coeur de sa belle.

Shaun, le piteux héros de cette histoire, a un boulot merdique, un porc débile et un pauvre con en guise de colocataires, une mère et un beau-père envahissants. Presque trentenaire, mais éternel ado dans l’âme, il est trop paresseux pour changer et se satisfait plus ou moins de sa vie de tocard, ce qui n'est plus le cas de Liz, sa copine qui, lasse de passer toutes ses soirées dans le même pub minable, décide de le larguer. Comme un malheur n’arrive jamais seul, voilà qu’un virus transforme les londoniens en zombies ! Mais contre toute attente, Shaun va profiter de l’occasion pour devenir enfin un homme, un vrai, en partant sauver sa chère et tendre des griffes de ces créatures en quête de chair fraîche.

Plutôt que de s’acharner à parodier grassement des scènes emblématiques de films d’horreur plus ou moins connus en y ajoutant des bites, des bruits de pets et des blagues sur le cannabis comme l’ont fait les frères Wayans avec la série des Scary Movie (qui a eu ses bons moments quand même admettons-le, mais enfin bon…), Wright et Pegg ont opté pour la voie du pastiche plutôt subtil. Ils détournent les clichés du film de zombies avec un humour absurde et pince-sans-rire plutôt réjouissant, servi par un casting d’acteurs peu connus en France mais impeccables dans leurs rôles respectifs (Simon Pegg en tête, excellent en brave crétin velléitaire constamment dépassé par les événements). Je ne dévoilerai aucun des gags pour ne pas gâcher le plaisir, mais Shaun of the Dead est l’un des films les plus drôles que j’aie pu voir depuis longtemps.

Si on veut chipoter, on peut dire que l’intrigue n’est pas tellement originale puisqu’elle se contente de suivre la trame classique du film de morts-vivants lambda (un groupe de survivants piégés dans un bâtiment entouré de zombies tente de trouver un moyen de repousser l’invasion), et que le rythme des gags faiblit sensiblement par moments. Malgré sa drôlerie, Shaun of the Dead est d’ailleurs loin d’égaler dans le délire les meilleurs films des Monty Python ou des ZAZ. Signalons aussi qu'il ne s'agit pas d'une innocente comédie tous publics mais quand même d'un vrai film de zombies, avec sa dose de séquences gore qui pourront heurter les plus sensibles.

Le film a néanmoins de quoi séduire les amateurs de comédies d’horreur à la Evil Dead comme les amateurs d’humour anglais, qui ne devraient pas se priver d’un tel plaisir au cours d’un été cinématographique qui promet par ailleurs d’être, comme tous les ans, riche en navets.

Toxic.



EPHEMERE

Asphodèle… Fleur des Enfers suivant la mythologie classique. Ce nom est ici porté par une sorcière au passé trouble. Une femme à la beauté du Diable et extrêmement maline. Nous faisons sa connaissance alors qu'elle est engagée par un brelan de nantis victimes d'un envoûtement, ou plutôt d'une hantise. Une hantise qui va chercher ses racines dans leur passé commun. Voilà l'une des dernières créations d'Eric Corbeyran, scénariste réputé dans le fantastique, dans la collection " Insomnie " des Editions Delcourt… Pour illustrer son dernier cauchemar, il s'est adjoint les services de Djillali Defali, l'auteur de Garous (Soleil). Celui-ci trouve rapidement ses marques, dans un style à la fois nerveux et racé, proche de celui de Guérineau, l'auteur du Chant des Stryges, également scénarisé par Corbeyran. Très vite, les références à cette dernière série apparaissent. En effet, l'un des personnages principaux travaille chez " Sandor Weltman Industry ". on ne sait pas trop quelle est l'activité de la société en question, mais le fan strygien a tôt fait de repérer le clin d'œil. Le second cycle de deux tomes verse carrément dans le multivers des stryges, avec l'arrivée de Richard Guérineau en tant que co-scénariste. L'un des personnages, Graham Gallagher, est même commun aux deux séries. Les références se multiplient à partir de ce tome 3 : un certain tableau est vendu dans un célèbre magasin d'antiquités, on a une scène (racontée) commune avec Le Maître de Jeu, une autre anecdote se déroule dans l'univers du Clan des Chimères… Et les stryges envahissent la scène. Ce n'est là qu'une partie des éléments communs, Asphodèle en regorge. Plus que le personnage d'Asphodèle, c'est la lecture " latérale " de la mythologie des stryges qui fait le sel de la série. […] Car ne nous leurrons pas. Fidèle à ses inspirations, Corbeyran nous propose une série à la X-Files : d'un côté le " monstre de la semaine " (correspondant aux deux premiers tomes) et la semaine suivante un épisode sur le " Complot " (tomes 3 et 4). Sauf que là, contrairement à la célèbre série TV, et peut-être aussi à cause des critiques dont a fait l'objet la série " initiale " après la fameuse " non-fin " du tome 6, on progresse beaucoup plus vite (effet Guérineau ?), et certaines zones d'ombre nous sont révélées. […] On a même droit à une référence à la future série se déroulant dans ce multivers, Les Hydres d'Arès (cf. cahier Ansible rencontre…). Chronologiquement, le second cycle d'Asphodèle se passe avant Le Chant des stryges. Comment pouvait-on justifier la présence de Graham Gallagher, accompagné par Angela Cooper, qui n'est pas là dans la série dessinée par Guérineau. Un nouveau personnage à explorer ? certainement. Enfin moi ça m'intéresserait. Comme Gallagher, elle est medium, et se montre particulièrement intéressée par les stryges… Peut-être en saura-t-on plus dans l'une ou l'autre des séries ?

Je ne saurais terminer cette brève typiquement spookyenne (entendez par là : confuse et passionnée) sans évoquer les quelques détails qui ont attiré mon attention. D'abord les clins d'œil : Corbeyran et Defali ont salué l'arrivée de Richard Guérineau dans le tome 3 en donnant à un lecteur d'Asphodèle les traits du dessinateur bordelais, dégaine et veste préférée comprises ! On appelle ça un caméo. Autre clin d'œil, les références cinématographiques. Je citerai par exemple le café " Black Cat ", récurrent dans de nombreuses BD et films, et reprenant une scène de Pearl Harbor (désolé, je l'ai vu par curiosité). Notons une petite pinaille dans le tome 4 : la " corde d'argent " d'Asphodèle a mystérieusement disparu, corde d'argent qui est pourtant un élément essentiel du voyage astral d'Asphodèle, et donne même son titre au tome 2.

Asphodèle est donc la série inattendue de ce multivers des stryges, et la taille et l'abondance des éléments strygiens dans son second cycle plaident pour son inclusion dans cet univers. […] un gros bémol cependant. Que ce soit dans le premier cycle, où elle apparaît à la fois mystérieuse et ténébreuse, ou dans le second, où elle se montre fragile, amoureuse et déterminée, on n'arrive pas à s'intéresser à Asphodèle. Son personnage est fade, mal servi par un scénario un peu insipide dans les deux premiers tomes, et par le dessin un peu artificiel de Defali, peu aidé il est vrai par des couleurs synthétiques.

Spooky.



TRANSPARENT

Dans la lignée du classique de Marcel Aymé, le Passe-Murailles, voici son rejeton au sein du 9ème art. Jean-Luc Cornette, qui a fait ses armes de scénariste chez Dupuis, nous propose une série de nouvelles illustrées qui montrent diverses situations où le « talent » particulier de ces passe-murailles s’expriment. Que ce soit pour échapper à des voleurs de rue, se soustraire à un dragueur entreprenant ou observer en cachette une jeune femme –comme le suggère la couverture-, les possibilités sont légion.

Cornette nous en propose quatre, mises en images par Stéphane Oiry, un nouveau venu dont le graphisme rappelle un peu celui de Dupuy-Berbérian (Le Journal d’Henriette, Monsieur Jean...), mais aussi celui de Riad Sattouf (les pauvres aventures de Jérémie). Mais si l’entreprise semble sympathique, quoiqu’un peu éculée, il faut avouer que les histoires manquent singulièrement de piquant, malgré quelques inspirations salvatrices (le papier-toilette coincé dans la porte, quelques dialogues savoureux ça et là…). De plus, le dessin de Stéphane Oiry manque encore de maturité, de précision. Son style semi-réaliste convient bien à ce genre d’histoires, gentiment fantastiques et politiquement correctes, mais il doit "muscler" son trait ».

On le voit, le thème du passe-murailles n'est pas neuf, et ce n'est pas avec cette BD qu'il va trouver son public.

Spooky.



DEFINITIF

Ca y est, je me suis laissé entraîner malgré mes craintes (faut dire que j’ai trouvé l’Episode I mauvais et le II absolument pitoyable) et je l’ai vu.

Première constatation : qu’on aime ou pas, cet Episode III est * nettement * meilleur que les deux précédents. Oh bien sûr il y a toujours une course poursuite avec moult acrobaties et cascades, le tout créé par ordinateur avec une cinématique aussi improbable qu’insupportable, on a les yeux qui tournent, du mal à suivre et le cerval qui dégouline par les oreilles (traduction : l’abus de cinématique tout info nuit gravement à la “crédibilité” et à la compréhensibilité de certaines scènes). Mais il y a aussi plein de très jolis décors et plans bien sympas. Visuellement ça le fait pas mal.

Deuxième constatation, les acteurs ne sont pas bons. Et deuxième constation (suite), le doublage en français est très médiocre. Exemple parfait : Natalie Portman, avec un jeu absolument affligeant et une voix en VF franchement laide. A noter ses différentes coiffures qui l’enlaidissent systématiquement. On est bien loin de la Natalie Portman de Garden State, ravissante, elle. Palpatine c’est un peu la même chose. Son jeu est souvent (trop) outré, et son maquillage de seigneur Sith est assez ridicule (et pas bon). Mention spéciale mauvais goût à sa voix de Sith, même si le grand gagnant reste quand même Anakin, qui dès qu’il passe du côté obscur commence à parler lentement, d’une voix plus grave, plus basse, du genre “tiens, je vais faire comme mon nouveau maître, ça va faire trop classe”. Mais il faut bien reconnaître que ledit Anakin s’est vachement amélioré par rapport à l’Episode II (pas difficile !) et que son jeu est même meilleur que la plupart des autres...

Troisième constation : à l’intérieur de l’univers Star Wars, le scénario est plutôt bien foutu. Je crois que le montage a gommé pas mal de “subtilités”, parce que parfois (souvent ?) on a un peu de mal à comprendre les réactions des personnages, même si en y réfléchissant un peu on leur trouve des raisons (exemple type déjà cité, Anakin qui passe du côté obscur en deux minutes chrono). Surtout, l’intrigue est agréablement dense. Parfois un peu survolée (le sénat qui “élit” et acclame le nouvel empereur en cinq minutes, seule Padmé est navrée... moi ça me paraît pas cohérent du tout) mais dans l’ensemble bien touffue, et surtout sombre (à rapprocher de “L’Empire contre attaque” sur ce point). Un point que j’ai vraiment aimé, c’est la transformation d’Anakin en Dark Vador après qu’il ait été mutilé et brûlé. Je m’explique : Anakin est devenu Dark Vador pour sauver Padmé d’une mort certaine. C’est sa motivation principale, celle qui le fait vraiment basculer, qui lui fait accomplir trahisons, crimes, meurtres. Au moment où il est transformé en Dark Vador la première chose qu’il demande c’est si Padmé est en vie. Et Dark Sidious lui répond que non, Dark Vador l’a tuée. Et là quand même, Anakin perd la SEULE chose qui le retenait encore à l’Humanité, qui l’excusait aux yeux des spectateurs. Il tombe complètement et irrémédiablement dans le côté obscur et en même temps les bases psychologiques (regret et culpabilité) sont parfaitement posées pour l’Episode VI. Ca m’a fait penser à la damnation de Faust, par exemple dans l’excellent “Phantom of the Paradise” de Brian de Palma, où le héros est dépouillé peu à peu de tout ce qui lui est cher. Impressionnant. Par contre je me prends à rêver de ce qu’aurait pu être cet Episode avec de la réelle subtilité... ici l’ensemble reste tout de même plutôt pesant, en tout cas pas subtil dans le montage.

Quatrième constatation, malgré tous ses défauts, le film parvient à être fort et à susciter de l’émotion. Par exemple lors du massacre des Jedi... Quatrième constation bis, l’humour est assez présent presque sous forme de dérision, principalement dans la première moitié (évidemment, après il est beaucoup plus sombre).

Au final je pensais voir un gros nanar (voire une bouse comme les deux précédents épisodes) et non, ce film est d’un niveau tout à fait honorable, dense et assez prenant. Très inégal par contre : certains thèmes sont assez “profonds”, certaines scènes sont très bien traitées, d’autres le sont nettement moins.

Bref, pour donner une note, 3/5. Et vu mon opinion sur les précédents c’était très loin d’être gagné.

Cœur de Pat.



ECLIPTIQUE

Ahhhh. Star Wars. La saga cinématographique la plus célèbre et la plus rentable de tous les temps... Ses trois “premiers” volets, tournés entre 1975 et 1981, d’incroyables aventures aux confins de la galaxie, des personnages immortels et maudits (qui, à part Harrison Ford, a réussi à faire carrière au-delà de ces films ?), des images inoubliables pour toute une génération de bambins (comme votre serviteur, même s’il a découvert le tout sur la télé familiale, car il était un peu jeune à l’époque). La voix caverneuse de Dark Vador, l’air ahuri de Luke Sales Waters, les macarons sur la tête de la Princesse Làlà... trente ans plus tard, George Lucas, l’homme qui a révolutionné l’industrie du cinéma (il a relancé les effets spéciaux, créé plusieurs boîtes de production et de techniques dédiées au cinéma et aux jeux video... Pixar, c’est lui...) boucle enfin sa boucle, après nous avoir livré en 1999 et en 2002 des Episodes I et II plus que décevants, et “remasterisé” les Episodes IV à VI. Je l’ai dit, les Episodes I et II ont refroidi un certain nombre de fans, qui n’y voyaient qu’une ébauche d’effets spéciaux mâtinée d’intrigues aussi ridicules que mal filmées. Votre serviteur avoue qu’il faisait partie de cette frange, et qu’il craignait le pire pour cet épisode ”final”. Pour une fois, le pire n’a pas contre-attaqué (oui, bon, je sais, c’était facile). Car, comme l’ont souligné mes petits camarades ci-dessus, c’est le meilleur des trois derniers films de la saga. Sur bien des plans. L’intrigue est plus sombre, donc débarrassée des oripeaux à la fois fleur-bleue et enfantins (Jar-Jar Binks n’a que deux secondes dans le film, le pied !), et nous plonge au coeur de l’afrontement final qui verra l’éclosion de l’Empire galactique, la révélation de Palpatine comme le seigneur Dark Sidious, maître des Siths et futur empereur (mais c’est du réchauffé, bien sûr), la naissance de Luke et Leia, enfants de Padmé et d’Anakin, et le basculement d’Anakin Skywalker du Côté Obscur de la Force (oui, je mets des majuscules partout, c’est pour montrer que c’est Vachement Trop Important Pour Le Sort De l’Univers). L’intérêt du film était surtout concentré sur ce dernier élément, charnière entre les deux trilogies. Ce passage est un peu bâclé à mon goût, car Anakin dit “Non !” à Palpatine à un moment, pour lui dire “Oui !” à peine trois minutes plus tard... De même, lorsqu’il revêt l’armure qui le fera connaître sous le sobriquet de Darth Vader (le nom original, étrangement déformé en France), c’est dans une atmosphère tellement théâtrale que l’on a du mal à ne pas pouffer de rire. On nous présentait le Général Grievous comme le grand méchant de ce film ; au bout de 3 minutes de présence, il se fait dézinguer, pouf ! Pour le voir en action, autant regarder la bonne série animée Clone Wars, qui se situe entre les épisodes II et III. Le film est truffé de petites saynètes, avec beaucoup de personnages que l’on retrouvera dans les 3 Episodes suivants, histoire de raccrocher les wagons entre les deux segments. Certaines sont habiles, d’autres un peu précipitées, genre “m... il reste 3 minutes de métrage, il faut que je case un Wookie acariâtre !”. Le film comporte énormément de plans d’effets spéciaux, justifiés par les nombreuses scènes de bataille et les créatures diverses qui peuplent l’écran. Mais cette fois-ci, contrairement à l’Attaque des Clones, les scènes ont une âme, et sont plutôt bien réglées. j’ai particulièrement apprécié la séquence où les clones se retournent contre les Jedis, bien montée. On attendait beaucoup de l’affrontement entre Anakin et Obi-Wan Kenobi, je ne l’ai pas trouvé particulièrement bon, mais ce n’est qu’un détail... Ah, sinon, Mace Windu (Samuel L. Jackson) et Yoda (Frank Oz) sont trop forts ! Du côté des acteurs, signalons que Hayden Christensen (Anakin/Darth Vader) donne enfin l’impression qu’il est un acteur, et même si son jeu n’est pas exceptionnel, il a beaucoup progressé. Face à un interprète comme Ewan Mc Gregor (Obi-Wan Kenobi), il valait mieux ! La toujours charmante Padmé (Nathalie Portman) illumine encore une fois l’écran, malgré ses toilettes au goût quelquefois un peu limite. Pour faire court, je dirai que cet Episode III - la revanche des Slips, ne fait pas oublier les égarements des Episodes I - La menace fantoche et II - l’Attaque des Clowns, mais que Lucas se rattrape in extremis pour faire le lien avec les trois autres épisodes.

Spooky.



TU SERAS UN GNOME, MON FILS

Le public était sans nouvelles de l’ami Chucky depuis 1998. Pourtant à l’époque, la fin de La Fiancée de Chucky annonçait assez clairement que la série aurait une suite. C’est désormais chose faite sous la caméra du papa de Chucky lui-même, Don Mancini, qui succède à Ronny Yu et signe ici sa 1ère réalisation en plus du scénario, après avoir déjà écrit ceux des 4 premiers films. Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore ce sympathique petit personnage apparu en 1988 dans Jeu d’enfant, Chucky est un poupon habité par l’esprit d’un tueur en série, en quête d’un nouveau corps de chair et de sang qu’il pourra posséder grâce à une formule vaudou (“Ade Due Dambala”, si ça vous intéresse d’essayer ça chez vous). Depuis peu, il poursuit ses crimes en compagnie de Tiffany, qui était sa petite amie lorsqu’il était encore humain, et qui s’est retrouvée elle aussi emprisonnée dans un corps de poupée. Les deux tourteraux finissent mal dans La Fiancée de Chucky, mais ont eu le temps de se reproduire avant de mourir...

Le début de ce nouveau film nous montre le triste sort de leur rejeton, affreux petit jouet qu’un individu sans scrupule a capturé et amené en Angleterre pour l’utiliser dans un numéro de ventriloquie. Baptisé “Shitface” (dans la V.F. c’est “P’tite Merde”) par son geôlier, le malheureux enfant a un jour la surprise de voir ses parents à la télé ! En effet, un studio hollywoodien s’est procuré les corps sans vie de Chucky et Tiffany pour les utiliser dans un film narrant leurs aventures. Shitface parvient à s’évader et à s’envoler pour Los Angeles. Il y retrouve ses géniteurs, les ressuscite à l’aide du médaillon vaudou de son père... et les vrais ennuis commencent pour le pauvre gamin : déjà incapables de s’entendre en temps normal, ses psychopathes de parents se disputent encore plus depuis son arrivée, aussi bien au sujet de l’éducation qu’il doit suivre que sur le sexe qu’il doit adopter (car contrairement à ses parents “anatomiquement corrects”, le bambin est né sans RIEN entre les jambes). Shitface (renommé Glen par Chucky et Glenda par Tiffany) étant aussi doux et fragile que ses parents sont tarés et violents, sa santé mentale empire à vue d’oeil...

Le virage de la série vers le comique grand-guignolesque plutôt que vers l’épouvante, déjà bien amorcé dans l’épisode précédent, se confirme nettement dans Le Fils de Chucky (le distributeur français a renoncé à toute ambiguïté dans la traduction du titre) où les scènes sanglantes sont moins nombreuses que les scènes de comédie, et où même les meurtres sont toujours placés sous le signe de l’humour (noir). Malgré un scénario sans génie et une réalisation plan-plan, le film parvient néanmoins à tirer son épingle du jeu en multipliant les gags tordus et les piques caustiques sur le petit monde d’Hollywood. Il doit également beaucoup à ses acteurs, impeccables (et à propos, soyons clair : seuls les hérétiques iront voir le film en version française). Brad Dourif a toujours été parfait dans le rôle de la voix de Chucky, Jennifer Tilly est excellente pour celle de Tiffany, et le petit nouveau, Billy Boyd, s’impose très vite comme le choix idéal pour assurer le doublage de l’androgyne et délicat(e) Glen/Glenda. Mais le clou du film est finalement... Jennifer Tilly, encore elle, dans son propre rôle cette fois. Absolument irrésistible en actrice has been prisonnière de son image de pétasse sans cervelle, elle fait preuve d’un sens de l’humour et de l’autodérision rarement vu (pour ne pas dire jamais) chez ses consoeurs plus connues. Mancini affirme d’ailleurs qu’elle a elle-même suggéré certaines des vannes vachardes à son propre sujet que l’on peut entendre dans le film.

Les vieux réacs comme moi apprécieront également le côté très “old school” du film : pas d’images de synthèse mais des marionnettes électroniques pour donner vie à Chucky et sa famille, pas d’insipides morceaux de nu metal à la Nickelback sur la bande originale... Quant aux idoles de nos amis les ados (une starlette évadée de la série S Club 7, un rappeur et un sosie de Britney Spears), un sort bien affreux leur est réservé à l’écran. Je dois vous avouer, vraiment, à une époque où Hollywood prostitue les anciens ténors du cinéma de genre (Raimi, Jackson...) pour raccoler les bouffeurs de pop-corn de moins de 25 ans, un film d’horreur aussi délicieusement anti-jeunes, ça ne pouvait que me séduire.

Bref, sans être le chef-d’oeuvre du siècle, Le Fils de Chucky est un petit film assez réjouissant qui fait honneur à la série après un 4ème épisode déjà bien fendard.

Cela peut paraître paradoxal, mais dans le fond on ne peut que regretter que Mancini et le studio New Line soient déjà d’accord pour tourner un sixième épisode... On aurait apprécié que la série se termine sur une réussite plutôt que de risquer de se transformer en un nouveau Vendredi 13 ou Massacre à la Tronçonneuse. On ne peut pas réutiliser indéfiniment les mêmes personnages sans finir par se répéter et tourner en rond ; que Chucky ait trouvé un vrai second souffle grâce à l’adjonction d’une fiancée puis d’un fils, c’est un fait, mais désormais on aura beau nous servir La Fille de Chucky, Le Chien de Chucky, Chucky aux sports d’hiver ou Chucky fait du poney, toute nouvelle suite risque fort de sentir le réchauffé. En attendant, les fans du personnage et les amateurs du genre peuvent se ruer sans hésiter sur Le Fils de Chucky, c’est du tout bon !

Toxic



CHIANT COMME UNE VRAIE TRAGEDIE GRECQUE

Les adaptations de comics au cinéma donnent presque toujours des films catastrophiques (je ne cite pas de titres, je ne voudrais pas me fâcher avec les nombreux fans de Spider-Man) mais malheureusement, on n’a pas fini d’en bouffer : Iron Man, Les 4 Fantastiques, Cage, Ghost Rider, Sub-Mariner, Black Widow, Shang-Chi, Shazam!, Watchmen, la liste des navets en puissance qui envahiront nos écrans au cours des 2 ou 3 années à venir s’allonge jour après jour, à la plus grande joie des fabricants d’effets spéciaux numériques, des éditeurs de jeux vidéos et des marchands de jouets. Combien faudra-t-il de bides au box-office pour que les producteurs lèvent le pied ? Allez savoir. En attendant, vu le score lamentable d’Elektra aux Etats-Unis, on peut déjà être tranquille sur un point : il n’y aura certainement pas de 2ème épisode, et c’est pas dommage.

Apparue au cinéma dans le médiocre DareDevil avec Ben Affleck, Elektra a été ressuscitée pour devenir l’héroïne de son propre film, en solo, toujours sous les traits de la fade Jennifer Garner (qui ne voulait même pas faire le film, mais y était obligée par contrat). Tueuse à gages redoutable, notre demoiselle traîne sa mélancolie aux 4 coins du monde, vendant ses services meurtriers au plus offrant. Sa dernière mission en date consiste à exécuter le Dr. Kovacz et son insupportable fille, mais comme aucune femme ne peut résister au charme du beau ténébreux de la série Urgences et d’une petite peste pleurnicharde, Elektra renonce à ce contrat et se met en tête de sauver Mister Chien-Battu et Miss Tête-à-Claques des griffes de la Main, un club de ninjas magiciens. Notre barbie-karatéka parviendra-t-elle à vaincre les méchants avant que le spectateur ne s’endorme ? Suspense…

Comme toujours, les auteurs et éditeurs de chez Marvel n’ont eu qu’un droit de regard minimum sur le contenu du film, écrit et réalisé par des gens qui ne connaissaient pas du tout la BD (derrière la caméra, Rob Bowman, réalisateur du Règne du feu, et au scénario, l’auteur de l’adaptation cinématographique de L’Inspecteur Gadget) avant d’être recrutés par ce cher Avi Arad, producteur à qui nous devons déjà tous les impérissables chefs-d’œuvre estampillés Marvel sortis ces dernières années. Ceux qui espèrent une adaptation fidèle au personnage en seront donc pour leur frais : Garner n’est absolument pas faite pour le rôle (c’est pas parce qu’on sait faire du karaté et qu’on a une tête à faire des pubs de cosmétiques qu’on est crédible en assassine aussi séduisante que cruelle et aussi infaillible qu’instable), alors il a bien fallu le réécrire pour que le personnage lui corresponde plus. Ne restent donc que ses longs poignards “sai” et la couleur du costume (rouge). Toute l’ambiguïté du personnage disparaît, et Elektra devient donc une gentille petite fée du logis (quand elle n’est pas en train de faire le parquet, elle astique ses dagues ou se bat contre des draps) qui cache un cœur d’or sous ses dehors froids, et se montre prête à mettre son existence en péril pour sauver deux parfaits inconnus. Seuls détails destinés à la faire passer pour une femme tourmentée : elle a des TOC (la dernière mode à Hollywood, voyez Aviator) et revoit sans cesse sa mort et celle de ses parents en flash-back.

A la limite, la “trahison” du personnage inventé par Frank Miller ne serait même pas grave si ça donnait un film d’action divertissant mais, hélas, ce n’est même pas le cas. L’intrigue indigente et prévisible est aussi insipide que l’héroïne, le mystère que le scénario prétend entretenir sera percé par le spectateur bien avant d’être dévoilé à l’écran, les scènes d’action sont rares et molles, les effets spéciaux sont insignifiants (ennemis qui explosent dans un nuage de fumée, façon Buffy contre les Vampires…). Même le costume est raté : visiblement conçu pour satisfaire un public ado mâle ne jurant que par les gros bonnets, il donne l’impression que l’actrice (qui à vue de nez, remplit à peine du B) porte les habits de sa grande sœur pour s’amuser. Si au moins le film était aussi involontairement comique que son prédécesseur dans le genre “film de super héroïne sexy”, le grotesque Catwoman ! Mais non. Elektra ne sniffe pas d’herbe à chat, ne grimpe pas sur les meubles, ne mange pas 12 boîtes de thon avec les doigts, ne prononce pas des répliques débiles à base de “RRRRR” et de “Miaou”, ne roule pas de grands yeux dans tous les sens en tortillant exagérément un cul en images de synthèse. Elektra ne parvient jamais à transcender son statut de navet pour accéder à celui, autrement plus rigolo, pour ne pas dire plus noble, de nanar. Du coup, il ne reste qu’un film morne, sans rythme, sans saveur, auquel même la présence du charismatique Terrence Stamp (dans le rôle de Stick, le mentor) ne parvient pas à insuffler une once d’intérêt. Si vous aimez les films de bagarre, faites donc l’impasse sur les soporifiques exploits des péronnelles ninjates d’Elektra et allez plutôt vous louer un bon vieux Tai-Chi Master.

Toxic



ANNEAU EN TOC POUR HISTOIRE EN OR

Sur le papier, Das Nibelungenlied/Ring of the Nibelungs, diffusé en France sous le titre L’Anneau sacré, ne fait pas tellement envie. Coproduction germano-américano-britannico-italienne de 3 heures, destinée à la télévision, réunissant quelques acteurs dont la carrière hollywoodienne est dans l’ornière, budget de 20 millions de dollars un peu léger pour une épopée à effets spéciaux, et derrière la caméra, le réalisateur de Body (film avec Madonna sorti en 93, à l’époque où Basic Instinct avait lancé la mode des erotic thrillers). Ça sentait à plein nez la mauvaise copie bon marché du Seigneur des Anneaux. Et à vrai dire, il faut reconnaître que les premières minutes confortent dans cette idée, le film s’ouvrant sur une sorte de remake hyper fauché de la bataille du gouffre de Helm : sur une musique façon “Howard Shore du pauvre”, de vilaines brutes qui grognent comme des bêtes prennent d’assaut un rempart à la faveur de la nuit… L’acteur principal, qui joue le roi déchu qui s’est forgé une belle épée avant de partir reconquérir son trône (ça ne vous rappelle rien ?), a quant à lui de faux airs de Viggo Mortensen jeune, sans la barbe (mais avec le même menton en galoche). Bref, quand on voit apparaître le vilain bossu sautillant qui convoite le trésor, on se met à craindre qu’il ne marmonne des “mon précccccieux...” a tout bout de champ. Mais en fait, rapidement le film se démarque nettement de la trilogie de Peter Jackson. Au passage, remettons quand même une petite pendule à l’heure : le film est tiré de la saga des Nibelungen, et c’est elle qui a inspiré (en partie) Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, et non l’inverse ! Pour ceux qui l’ignorent, il s’agit d’une légende que partagent les mythologies scandinave et germanique, qui parle d’un trésor maudit, symbole de la cupidité des hommes, qui causera la perte de tous ses possesseurs successifs. Le film L’Anneau sacré s’intéresse uniquement à l’épisode le plus connu de la saga, qui raconte le destin tragique de l’invincible héros Siegfried, cher à nos amis d’outre-Rhin.

Alors qu’il est encore enfant, le prince Siegfried se retrouve orphelin après l’invasion du royaume de Xanten et le massacre de la famille royale par de cruels barbares. Recueilli par un forgeron, il oublie tout de son passé et apprend le métier de son père adoptif en même temps que le maniement des armes. Devenu à son tour le meilleur forgeron et le meilleur guerrier de Burgondie, il part à l’aventure. Il tombe amoureux d’une vierge guerrière aussi belle que farouche, qui n’est autre que la reine d’Islande. Il se forge une épée dans un métal provenant d’une météorite. Il combat un dragon, trouve un trésor, devient invulnérable, devient roi, épouse une princesse, bref, il vit au quotidien le rêve de tout joueur de Donjons & Dragons. Mais le Grand Dé à 20 Faces du Destin lui réserve un sort bien triste, évidemment, puisque le trésor auquel il est lié par l’Anneau des Nibelungen est maudit… Loin d’être le navet que je craignais au début, le film se révèle plutôt plaisant, et se suit sans ennui malgré sa longue durée. Les effets spéciaux font tous très cheap, c’est vrai (à part le dragon, étonnamment réussi, et plus crédible et vivant que la majorité des créatures en images de synthèse des productions à gros budget), costumes et décors n’ont pas eux non plus l’éclat de ceux qu’on peut voir au cinéma, et la musique est en-dessous de tout, mais malgré ça L’Anneau sacré s’en sort honorablement. L’histoire est bonne (c’est l’avantage quand on adapte une légende qui a su traverser les siècles) et, comme toutes les bonnes tragédies, réserve son lot de complots, rebondissements et retournements de situation bien sentis. Les personnages ont un peu plus d’épaisseur que les héros de Tolkien : ici, pas de lutte entre les blondinets de l’Axe du Bien et les basanés de l’Axe du Mal, mais des hommes et femmes poussés à s’entretuer en famille par leurs faiblesses humaines (cupidité, jalousie…). Côté casting, ce n’est pas la catastrophe mais ce n’est pas forcément le plus gros point fort du film. Benno Fürmann campe un Siegfried souriant et sympathique, mais ses mimiques goguenardes rappellent plus le jeu d’acteur/catcheur de “The Rock” (Le Roi Scorpion) que celui d’un élève de Lee Strasberg. Alicia Witt (qui jouait la petite Alia dans le Dune de David Lynch) est bien jolie et bien souriante mais fait un peu godiche... quand elle n’a pas carrément l’air de se demander “Mais qu’est-ce que je fais dans ce film ?”. Le britannique et habituellement charismatique Julian Sands se contente d’assurer le minimum syndical ; c’est clair qu’il a pris ce rôle pour payer son loyer, pas pour concourir aux Oscars. Finalement, ceux qui tirent le mieux leur épingle du jeu sont Sam West en roi faible et veule et, plus surprenant, la charmante Kristanna Løken, qu’on a découverte involontairement comique dans son rôle ridicule de poupée Barbie-tueuse dans Terminator 3, et qui se révèle ici assez convaincante en reine viking indomptable et jalouse.

Mais la plus grande qualité de L’Anneau sacré (outre une bonne histoire), et surtout si on le compare au Seigneur des Anneaux de Peter Jackson, est de ne pas se prendre exagérément au sérieux. Entendons-nous bien, ce n’est en aucun cas une parodie, un pastiche, une comédie, on n’est pas dans Princess Bride ni Sacré Graal. C’est une tragédie, ça se finit très mal après beaucoup de trahisons et de soufrances. Mais comme ce n’est pas un gros blockbuster à budget pharaonique censé en donner pour leur argent à des dizaines de millions de spectateurs, ni une adaptation d’un auteur dont les fanatiques et les héritiers ne manqueront pas de hurler au scandale si les barbes des Nains ne sont pas assez broussailleuses, les pieds des Hobbits assez velus, ou la mine de l’aspirant-roi assez solennelle et compassée, le film n’est jamais lourd, figé, raide, surchargé comme peut l’être la trilogie de Jackson. Les péripéties s’enchaînent de façon fluide (certains trouveront même peut-être que les choses vont parfois un peu trop vite ; ainsi, le combat contre le dragon est plié en quelques minutes).

Bref, à condition de savoir à quoi vous attendre, à savoir que vous n’allez pas voir un chef-d’oeuvre, ni une grande fresque épique et ultra-spectaculaire, ni une démonstration des meilleures images de synthèse du monde, mais un gentil petit divertissement sans grande prétention, L’Anneau sacré occupera agréablement une après-midi de vacances pluvieuse le jour où il sortira en DVD (ou si Canal + le rediffuse).
Toxic.




LE CHATEAU EN BULLANT

Au Japon, Hayao Miyazaki est un demi-dieu. En France, il commence à être connu grâce à des titres comme Princesse Mononoke, Le Voyage de Chihiro ou Mon Voisin Tototro, et d’une exposition de son oeuvre, conjointe à celle de son ami Moebius, autre géant des univers dessinés. Le Château ambulant, précédé d’une flatteuse réputation, est donc sa dernière création à débarquer sur nos écrans. Cette adaptation d’un conte classique anglais de Diana Wynne Jones (édité en France sous le titre de Le Château de Hurle) nous conte l’odyssée de la jeune Sophie et d’un sorcier, hauru. Sophie est une jeune (18 ans) chapelière qui croise un jour la route d’un sorcier, Hauru. mais la Sorcière des Landes, jalouse, lui jette un sort, et Sophie se retrouve dans le corps d’une mamie de 90 ans. Fuyant la ville pour éviter la honte, elle la quitte, et rejoint, presque par hasard, le château ambulant d’Hauru, assemblage hétéroclite de maisonnettes, bunkers, cheminées, etc., mû par un démon du feu. Sophie entre au service d’Hauru, espérant qu’il pourra le délivrer du sort qu’on lui a jeté. Le reste du film, malheureusement, sombre dans une suite de scènes quelque peu confuses. Hauru disparaît régulièrement, apparemment pour participer (mettre fin ?) à la guerre qui vient d’éclater au-dehors. Sophie rajeunit de temps en temps, apparemment lorsqu’elle parle d’amour. mais cela ne semble pas très cohérent. de plus, plusieurs personnages apparaissent, sans qu’on comprenne réellement leur utilité, ni même leur positionnement exact. Peut-être cette fois-ci a-t-on un “effet The Grudge” * inversé : l’introduction de symbolisme oriental dans un conte anglais nuit à sa lisibilité.

Alors bien sûr, on ne peut, malgré cette gêne quant à l’histoire, manquer de la regarder avec des yeux d’enfant. Car Miyazakiinstille toujours une certaine poésie dans ses films. son amour du beau s’exprime non seulement dans les décors, les paysages, extrêmement léchés, mais aussi sur les personnages (Hauru est androgyne, Sophie, bien que “très âgée”, reste belle...). Il y a aussi une inventivité, des détails qui rendent l’univers du film charmant : le démon du feu, l’épouvantail... Et toujours, Miyazaki oblige, une attirance folle pour la nature et la sérénité, au détriment des machines, de la guerre... Mais là où ces messages sont clairs dans Mononoke ou Chihiro, c’est plus ambigu dans Le Château ambulant... ce qui a gâché mon plaisir.
*lire la kronik dans le même numéro.
Spooky.




THE GRUGE

Rappelons un peu les circonstances. Depuis quelques années, le renouveau du cinéma d'horreur et/ou fantastique semble venir d'Extrême-Orient, et plus précisément du Japon. Les têtes de pont se nomment Ring et Dark Water. Le premier a engendré deux autres "suites" au pays du Soleil Levant, un remake (fort honnête) américain, un remake américain de suite (The Ring 2) réalisé par le créateur (japonais, il faut suivre) des trois films initiaux, et le second un remake américain réalisé par un brésilien. Arrive sur nos écrans en ce début d'année un remake (américain) réalisé par le créateur de l'original (japonais), produit par un américain fou de gore (Sam Raimi, entièrement dévoué en ce moment à la franchise Spider-Man). Vous suivez ? Bon ce n'est pas grave, en fait. Ce qui compte, c'est de faire des bons films, respectueux de l'œuvre originale -si elle est de qualité- et de montrer au public qu'il n'est pas un crétin nourri aux hormones. Sam Raimi, disais-je, a donc vu Ju-on, film réalisé par Takashi Shimizu, histoire de maison hantée fortement ancrée dans la tradition japonaise. Illico presto, et parce qu'il a gagné plein d'argent avec ses deux films sur une araignée qui se pose plein de questions, il décide de produire un remake au pays du Dollar Levant. Mais comme il est trop occupé et qu'aucun réalisateur américain ne lui semble assez bon, il propose à Shimizu de rempiler derrière la caméra. On réécrit le scénario pour y mettre quelques " stars " américaines (Sarah Michelle Gellar, l'éternelle Buffy contre les vampires et reine de beauté dans le premier Scream ; Bill Pullman (Malice, Casper, Lost Highway, ID4…), mais on garde le décor de Tokyo, car l'histoire fait quand même fortement appel aux traditions japonaises. Cela donne The Grudge. Voilà pour le décor. Parlons de l'histoire en elle-même. On dit au Japon que lorsque quelqu'un meurt dans un état de colère, ou de rage profonde, l'endroit où il meurt reste imprégné de cette rage, de cette colère. C'est un sujet récurrent dans pas mal d'œuvres japonaises, comme Le Voyage de Chihiro ou certains mangas (Spirale…). Ici, c'est l'histoire d'une femme, Ayako, amoureuse d'un professeur américain, dont le mari découvre la passion secrète. Il la tue dans leur maison, ainsi que leur fils. L'âme d'Ayako éprouve une immense rancœur (celle du titre), et attend 3 ans dans la même maison d'assouvir sa colère. Celle-ci s'adresse à tous ceux qui entrent dans la maison. Comme cette famille d'américains qui vient d'emménager. Ils laissent la mère du mari sous la garde d'une assistante sociale, qui disparaît mystérieusement. En remplacement, on envoie Karen (SMG), jeune américaine qui vient de rejoindre son petit ami au pays des sushis. Elle se arrive dans une maison visiblement passée au lave-vaisselle, se bute à la légère démence de la vieille femme qui dit voir une entité démoniaque. Et elle trouve un enfant enfermé avec un chat dans le placard. La malédiction est dès lors sur elle… Et sur d'autres, même s'ils s'éloignent de la maison. Alors bien sûr, on pense à Ring, Dark Water, Hypnose et Scream même par endroits.

Scénario simple, propice à toutes sortes de variations sur les histoires de fantômes à la sauce wasabi. Pas facile à mettre en œuvre, même si l'on est le maître en la matière (Ju-on est encensé par ceux qui l'ont vu). Du coup, Shimizu semble s'ennuyer à refilmer la même histoire. Le premier tiers du film est quand même carrément flippant. Du niveau de L'Exorciste par moments. Quand vous arrivez au terme de ce premier tiers, vous n'avez plus un poil de sec, et votre voisine se moque de vous. Vous pensez pouvoir profiter d'un moment de calme dans le film, quand tout à coup, un rire discordant vous fait à nouveau sursauter dans votre siège ! C'est la blonde à votre gauche. Pendant 10 bonnes minutes, vous essayez de comprendre ce qui a pu la faire rire à ce point, mais vous n'y arrivez pas. C'est aussi ça la magie du cinéma, hein. Bref, revenons à nos makis. La simplicité du script et les libertés qu'il offre n'ont tout de même pas permis à Shimizu de gommer nombre de raccourcis narratifs. Pourquoi certaines personnes (des policiers, par exemple) ne sont-elles pas touchées par la malédiction ? Pourquoi le fils d'Ayako est-il lui aussi un instrument de vengeance, alors que c'est elle qui est dans une rage folle ? Pourquoi Karen tient-elle aussi longtemps face à ce démon qui démembre Yoko, l'autre assistante sociale, en 3 secondes ? Sans doute faudrait-il regarder le film plus en profondeur, s'immerger dans la culture japonaise pour avoir une idée plus précise et comprendre certaines choses. Mais peut-être que le problème est-il là. La transposition d'un film typiquement asiatique vers un public occidental, même en gardant un décor tokyoïte, doit impliquer une forte perte de symbolisme, de sens, et donc, de cohésion narrative. Car les deux autres tiers du film se révèlent besogneux, lents (malgré les 1h31 du métrage final), et l'on finit presque par se désintéresser par l'histoire, même si l'on sursaute encore de temps à autre. La réalisation de Shimizu est donc nerveuse, serrée, sur le début du film, pour se déliter et ralentir par la suite. Elle est bien secondée par les effets sonores du film, un must incroyable. Le moindre frottement, le moindre souffle exhalé vous donne des sueurs froides. Le film est de ce point de vue très efficace. Au niveau de la direction d'acteurs, visiblement la barrière de la langue n'a pas posé trop de problème à l'équipe, car SMG est plutôt convaincante, même si elle reste encore en-deça de ses possibilités, à mon humble avis. De même pour le trop rare Bill Pullman, qui joue un rôle très intéressant. La musique est plutôt bien sentie, les éclairages sont bons. Le film est globalement assez agréable, esthétiquement réussi. Mais le Japon n'a pas encore produit son chef-d'œuvre du genre, réussi tant sur le plan artistique que narratif.

Spooky.




PAS PETER !

Peter Pan : un nom magique, qui évoque beaucoup de choses dans notre imaginaire collectif. Un imaginaire fortement teinté de Walt Disney, bien sûr… Quel est l'incongru qui a osé citer le très moyen Hook, de Steven Spielberg ? désormais il faudra compter avec le Peter Pan dessiné et adapté par Régis Loisel, aux Editions Vents d'Ouest. Loisel, le gars qui a relancé la BD d'heroic fantasy avec La Quête de l'Oiseau du Temps (scénarisé par Serge Le Tendre). Loisel, qui a su faire fantasmer toute une génération de lecteurs avec sa plantureuse et adorable Pélisse… La femme ultime, qu'on n'aura jamais… L'aventure à l'état pur, qu'aucun de nous ne vivra sans doute… Et un beau jour, à la fin des années 1980, Loisel s'attaque à un autre défi : adapter à son tour Peter Pan, œuvre de Sir James Matthew Barrie, monument de la littérature pour enfants, passé à la postérité, comme je l'ai déjà dit, grâce au roi de l'animation. Attention, je parle de vrais monuments, ceux qui ont traversé les âges, comme les histoires de Dickens ou Le Vent dans les Saules… Bref, une perle comme seuls les Anglais seuls savent les raconter. Mais il décide raconter cette histoire-là à sa manière, en y rajoutant de la roublardise, une nouvelle part de rêve, et surtout, son trait inimitable. Dès le premier tome, le public répond présent, adoptant ce Peter-là, pauvre gamin déshérité se réfugiant dans ses rêves et les partageant avec une bande d'orphelins gouailleurs. Un Peter qui ne veut pas grandir, se confronter au monde des adultes. Et un beau jour,euh non, un jour maussade comme les autres, une petite fée (que nous connaissons tous) vient le chercher, voyant en lui celui qui pourra sauver un monde. Ce monde, c'est celui des êtres de légende, des demis-dieux, des petites fées, des sirènes… des êtres qui se sont regroupés dans une île, qui menace à son tour de disparaître face aux assauts d'un méchant capitaine et de sa bande de pirates. Embarquement pour l'aventure avec un grand A !

Loisel nous emmène dans l'intimité de ces créatures, qui ne demandent rien d'autre que de vivre en intelligence avec leurs voisins, les Indiens, mais qui voient d'un mauvais œil ces pirates sans pitié ni vergogne. Un monde féerique, où les gens oublient ce qu'il s'est passé quelques jours plus tôt, où la notion du temps n'existe plus, bref, l'insouciance, l'oubli du Grand Gourmand, le bonheur selon Sir Barrie. Peut-être a-t-il raison, après tout.

Loisel a mis près de quinze ans pour réaliser ses six albums. La dernière planché a été réalisée en décembre 2003. l'attente des fans a enflé au fil des lectures, des relectures de ce roman illustré. Les suppositions, les théories ont eu le temps de s'échafauder sur l'acharnement du capitaine (que l'on n'appelle à aucun moment Crochet) à vouloir tuer Peter. Une forme de némésis ? peut-être. Mais on a aussi des théories sur l'identité de Jack l'Eventreur, dont l'histoire apparaît en filigrane dans l'histoire. Car Peter est originaire de Whitechapel, quartier à l'histoire chargée, et il y revient régulièrement, selon ses besoins. Curieusement, chacune de ses incursions correspond à un meurtre sanglant… C'est un aspect, qui visiblement, n'apparaît pas dans le roman original, mais, dixit Loisel lui-même est la théorie de Pierre Dubois, spécialiste des lutins et autre féeries. Une thèse intéressante, pas entièrement affirmée par Loisel. Car il laisse planer le doute sur l'identité du plus célèbre serial-killer de l'Histoire.
Et c'est ça, la force de ce Peter Pan : laisser à chacun des lecteurs la possibilité d'inventer une explication qui lui conviendrait. Ne pas tout dévoiler. Peter pan est un roman qui laisse une part gigantesque à l'imaginaire. Loisel a habilement prolongé cette vocation en rajoutant des éléments qui viennent enrichir l'histoire, tressant inextricablement une toile dont on ne peut sortir. Certaines scènes du tome final, voire le tome lui-même, peuvent provoquer une certaine frustration chez le lecteur. Je l'avoue, arrivé à la dernière page, et malgré l'épitaphe de Loisel la suivant, j'ai cru qu'il y avait encore quelques pages à la suite. Mais Rien. Avec un grand R. Loisel nous laisse seul avec notre vécu, la lecture passée, des centaines d'images inoubliables, et des interrogations sans fin. Très habile. Attention, ce tome final est très noir, pessimiste.

Si l'on s'attaque au graphisme de l'œuvre, je dirais qu'il y a deux Peter Pan. Il suffit d'ouvrir les albums pour s'en convaincre. Du premier au troisième, Loisel utilise son style crasseux, granuleux, avec des couleurs falotes ; style qui me gênait un peu dans La Quête de l'Oiseau du Temps. Et puis, à partir du tome 4, on a un dessin plus épuré, plus " propre ", nettement plus agréable. C'est là, je dirais, que se situe la seule faute tactique de Loisel. Car j'aurais bien vu cette dichotomie chromatique pour différencier Londres et l'Ile. Une Londres merveilleusement bien rendue, avec son fog, ses ruelles informes, sa population anonyme et pouilleuse… Cette différence m'a sauté aux yeux en ouvrant le tome 4. Je me suis dit " ça y est, les horreurs des premiers tomes sont passées, on passe au temps de l'innocence, à l'oubli… Et paf ! Voilà que Loisel nous envoie en pleine figure un tome 6 extrêmement sombre, bourré de retournements incroyables… Avec toujours ce style très pur, très éclairé… Peut-être parce que les habitants de l'Ile continuent d'oublier, de vivre dans leur insouciance ? C'est peut-être une explication. Qui ne me satisfait pas. Cela dit, malgré ce bémol, ça reste une très belle BD, comme en témoignent certaines des couvertures : je vous recommande particulièrement celles des tomes 4 et 6. cette dernière est d'ailleurs très intéressante : scrutez le regard de Clochette. Quelles pensées se nichent-elles dans les profondeurs de son âme ? Vous ne le saurez qu'en lisant cette très bonne série.

Spooky.




MILLE MAUX

Milmo a 10 ans. Alors qu’il a pris la mer avec deux de ses amis, il est arraisonné par un navire pirate. Dans le fol espoir de s’en tirer, il en appelle au légendaire Dragon du Lac. C’est alors que l’animal surgit des flots et s’en prend aux pirates, tandis que Milmo, déséquilibré, se retrouve projeté dans l’eau. Quand il refait surface, Milmo a 20 ans. Fils d’une fée et d’un Maître Noir, Milmo possède sans le savoir le pouvoir d’invoquer les légendes et de les faire renaître. Or, chacune de ses invocations le projette 10 ans dans le futur et le fait vieillir d’autant. Confronté à ce pouvoir, dont il ignore l’origine, l’étendue et les effets, Milmo va devoir décider de son destin et de celui des légendes. Mais sur le chemin de sa destinée, il va devoir affronter deux terribles ennemis : le temps et la mort. Ce qui frappe d’abord, c’est la couverture, très belle. Ensuite, lorsqu’on ouvre l’album, on se dit que ce n’est qu’une saga d’heroic fantasy de plus. Mais cette première impression ne résiste pas à la lecture. Car le sujet, l’invocation de légendes et le prix à payer (le vieillissement), incitent à se plonger plus profondément dans l’histoire. Mais attention, il s’agit là d’un premier album, tant pour le dessinateur que le scénariste ou la coloriste. Ce qui explique les petits défauts aperçus ça et là. Des couleurs un peu fades, mais avec déjà de la recherche. Une dessin déjà assez maîtrisé, typique du genre, mais porteur de belles promesses, et déjà quelques audaces visuelles. Et enfin un scénario intéressant, mais un peu confus : il y a beaucoup de personnages tout de suite, et il faudra sans doute une deuxième lecture pour saisir toute la portée des déjà nombreuses péripéties des personnages. Et dernier point, positif celui-là, la restriction à 3 (ou 4, suivant la densité de ce qu’il reste à réaliser) albums dès le départ, évitant par-là même la maladie actuelle de la BD consistant à tirer sur la corde. Une série à suivre, en tout cas.

Spooky




TROU DE MEMOIRE

Les ravages du temps, la manipulation de la vie d’autrui par le lavage de cerveau… Voilà des sujets qui ont nourri des tonnes de films depuis qu’on sait en faire. Alors qu’est-ce que Mémoire effacée a de particulier ? Eh bien pas grand-chose. Mis à part que la tête d’affiche est la jolie et talentueuse Julianne Moore, plus habituée à des rôles assez dramatiques et « sérieux » (Le Fugitif, Psycho, The Hours, Loin du Paradis, Magnolia…). Mais cette oscarisable se permet également quelques écarts vers un cinéma plus commercial (Hannibal, Le Monde Perdu, Assassins…). C’est le cas avec ce film du multicarte Joseph Ruben (Les Nuits avec mon ennemi, Money Train, Loin du paradis, justement), qui pour le coup s’essaie au thriller surnaturel. Un avion avec à son bord un groupe d’enfants s’écrase. Mais, un événement inexplicable survient : la mémoire de leur existence disparaît complètement de la société, c’est comme s’ils n’avaient jamais existé même pour leurs parents proches. Seule la mère d’une des victimes a gardé intact le souvenir de son enfant... Cette mère, c’est Julianne Moore, bien sûr, qui éclaire toujours la pellicule de sa chevelure rousse et de son talent incroyable. Elle est cette mère qui est persuadée que son enfant a bel et bien existé, et bientôt, qu’il n’a jamais été tué dans un accident d’avion ! Elle parvient à convaincre le père d’une camarade de son fils (Dominic West, vu dans Chicago et Le Sourire de Mona Lisa) qu’il y a une manipulation derrière tout ça, et va tenter de faire éclater la vérité. Le film commence bien, la douleur de la mère est palpable, on comprend son combat pour ne pas oublier son enfant, et aussi son désespoir quand tout s’écroule autour d’elle. Mais lorsque le film bascule dans le surnaturel, que des toits de maisons s’envolent, que la quête de Telly (Moore) ressemble à une poursuite poussive… On n’y croit plus. Tout simplement parce que c’est poussif, justement, que le scénario se perd dans ses contradictions, et que le côté fantastique est plutôt mal exploité. Telly essaie de retrouver son enfant ; « quel enfant ? », lui rétorque-t-on. Puis elle essaie d’approcher son mari, qui lui demande « Qui êtes-vous ? ». Le film hésite dès lors entre le drame social et le thriller de série, y perdant le début d’âme qu’il avait pu avoir en début de métrage… Les acteurs, au demeurant très sobres, semblent perdus, même les très bons Gary Sinise (Apollo 13, Snake Eyes ) et Anthony Edwards (échappé des Urgences). L’ambiance est un peu sauvée par la musique de James Horner, envoûtante à souhait, ainsi que par quelques effets de surprise savamment dosés. Mais ça ne suffit pas pour sauver un film à oublier. Quel film ?
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Spooky.




LUMINEUX MAIS PAS SANS TACHES

Un beau matin, au sortir d’un rêve agité, Joel Barish se réveille seul et déprimé. Il lui manque quelque chose, quelqu’un… Sur un coup de tête, il décide de sécher le boulot pour se rendre à la plage de Montauk. Il y croise une jeune fille qui lui plaît mais que sa timidité maladive et son humeur morose l’empêchent de draguer. Heureusement, la demoiselle est plus entreprenante que lui. Elle aussi est venue chercher sur cette plage quelque chose qui lui manquait, ce matin-là… Pourquoi ces deux-là ont-ils précisément choisi, le même jour, cette petite plage triste pour tromper leur ennui ? N’en disons pas plus sur l'histoire ; avec un peu de chance, l'effet de surprise restera intact pour les 2 ou 3 personnes qui n’auraient encore rien lu sur Eternal Sunshine of the Spotless Mind avant d’aller le voir.

De Dans la Peau de John Malkovich à Adaptation en passant par Human Nature, le scénariste Charlie Kaufman s’est fait une spécialité des intrigues à rebondissements multiples, généralement centrées autour d’une idée un peu tordue. Cette volonté d’étonner constamment le spectateur est appréciable ; néanmoins, il faut reconnaître que ça reste du cinéma-gadget, des petits films qu’on trouve rigolos la 1ère fois mais qui ne résistent jamais à un second visionnage : une fois que l’effet de surprise ne joue plus, le film perd presque tout son charme.

Le "gadget" d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind est, à vrai dire, presque banal : la manipulation de la mémoire est un thème classique de la S.-F. L’originalité est de ne pas utiliser ce thème pour nous transporter en 2070 et parler de robots à qui l’on a implanté des souvenirs d’êtres humains, ou d’ouvriers qui rêvent d’avoir été agents secrets sur Mars, mais pour raconter une histoire d’amour contemporaine. Articulée autour d’une rupture, comme le récent 5x2, l’histoire du film est empreinte de tristesse et de mélancolie mais sans pour autant avoir le ton profondément noir du film d’Ozon : plutôt que de s’acharner à montrer que non, les hommes et les femmes en couple, ça ne marche pas, c’est voué à l’échec, Gondry et Kaufman s’attachent à toutes ces choses qui font que l’amour est beau même s’il est triste, à tout ces jolis moments d’intimité et de bonheur que peuvent partager deux êtres malgré tout ce qui, par ailleurs, ne fonctionne pas entre eux. Et la grande force du film, dans le fond, c’est de parvenir à être beau, aussi bien dans son propos que dans ses images, sans pour se réduire à un joli petit bibelot décoratif, sans verser dans l’abondance de bons sentiments gnangnans, sans nous faire le coup des "si mignonnes petites choses de la vie" qui fit le succès d’Amélie Poulain. Cela dit, et en espérant ne pas gâcher le suspense, à trop vouloir en faire dans le genre "histoire d’un bel amour que rien ne pouvait faire disparaître", la conclusion est un peu décevante parce que trop "hollywoodienne".

Visuellement, le film est réussi, mais l’on peut reprocher à Gondry d’abuser un peu de certains effets spéciaux. Les scènes d’effacement et d’effondrement de la mémoire deviennent ainsi assez redondantes au bout d’un moment : deux ou trois fois, ça va, mais cinq ou dix fois, on a envie de dire "Bon, on a compris maintenant, trouve autre chose !".

Le tic habituel des scénarii de Kaufman s’estompe quelque peu : plutôt que d’imposer tous les quarts d’heure un retournement de situation tiré par les cheveux, Gondry et Kaufman préfèrent ici dérouter le spectateur par des allées et venues dans le temps, en fournissant dans le désordre les différentes pièces du puzzle que constitue l’histoire. La sensation de se laisser embarquer doucement dans une affaire étrange à laquelle on ne comprend pas tout dès le début est plutôt agréable, et l’on prend plaisir à assembler soi-même les éléments de l’intrigue au fur et à mesure qu’il nous sont proposés.

Le casting ne fait pas vraiment d’étincelles, malgré le nombre de visages connus qu’on retrouve dans le film ; sans être mauvais, ils sont quand même un peu tous en mode "pilote automatique". Dans les rôles principaux, Kate Winslet nous rejoue un mix de ses précédentes compositions d’éternelle ado un peu excentrique (à bientôt 30 ans, il faudrait qu’elle demande à son agent de commencer à lui chercher des rôles d’adulte de temps en temps), tandis que Jim Carrey offre une légère variante de son personnage de gentil garçon qui voit son monde s’écrouler autour de lui, qu’il était déjà dans The Truman Show. En guest-stars, Kirsten Dunst et Elijah Wood vivent une intrigue annexe assez peu passionnante.

Au final, les beaux moments du film ne parviennent malheureusement pas à faire totalement oublier ses défauts… mais ceux-ci ne parviennent pas, quant à eux, à gâcher les beaux moments du film. Reste donc un joli film pas totalement réussi mais très attachant.

Toxic.




PRISONNIERS DU GLAND

Richard Donner est quelqu’un de drôle. Si l’on se réfère à son interview donnée à l’Ecran fantastique n°242 d’avril 2004, « il y a encore peu de temps, personne n’aurait imaginé pouvoir envoyer un fax ! Il n’est donc pas évident de convaincre les acteurs et les spectateurs qu’on peut se transposer facilement dans le temps. » Bon, Richard, tu es au courant que le fax existe depuis 15 ans, j’espère… Ah, et les acteurs s’en foutent de croire ou pas au voyage dans le temps, il suffit que les spectateurs y croient, eux. On continue. « Le fait que les personnages, y compris ceux de 1357, parlent un anglais contemporain, n’est pas étonnant, parce que Michael Crichton a mis en place dans son livre un dispositif pour que tout le monde parle la même langue. » En gros, on a du pot que ça se passe en Dordogne au Moyen-Age, quand les gens y parlaient l’ancien anglais ; quant à la modernité de la langue, je ne vois pas trop la finesse, là… « Le livre présente toute l’aventure à la manière de Jurassic Park : des gens veulent utiliser le voyage dans le temps à des fins purement commerciales. Dans le film, il s’agit d’une mission de sauvetage. » Mais c’était déjà l’argument du bouquin, ça ! « le tournage a pris du retard, car nous avions trouvé des paysages extérieurs en Angleterre et au pays de Galles, mais la région a été touchée par la fièvre aphteuse. Nous avons ensuite trouvé une région fabuleuse, une forêt près de Berlin… Puis le 11 septembre est arrivé. Du coup, nous ne voulions plus tourner ça en Allemagne (ndlr : ????), alors nous sommes revenus aux Etats-Unis, mais la grève des acteurs est survenue à ce moment-là. Nous avons finalement tourné à Montréal. » Eh, les mecs, vous étiez au courant que l’histoire se passait en Dordogne, et que les décors naturels sont restés à 90 % en l’état depuis 1357 ? «  Un jour, alors que l’on tournait dans une grande ferme isolé, sans route, une pluie torrentielle est survenue, doublée d’une température glaciale. On avait vraiment l’impression d’être en 1357 ! » Bon, c’est sûr qu’il n’y a plus de pluie, ni d’hiver au XXIème siècle, Ritchie chéri. « En me documentant, j’ai appris que les combats de l’époque était menés par des gars durs et saignants, un peu comme si aujourd’hui on se battait à coup de batte de base-ball. A l’époque, c’était une question de vie ou de mort, sans tout le cérémonial cinématographique rajouté d’habitude… » La vache ! En voilà au moins un qui aura appris qu’il y a eu des combats au Moyen-Age en Europe, c’est génial le cinéma ! Allez, une petite dernière pour la route : « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les scènes de bataille ne sont pas les plus compliquées avec une équipe compétente et une bonne documentation, il suffit de mitrailler avec la caméra une fois dans l’action ! » Il serait pas un peu feignant le père Donner ? C’est un rigolo, je vous dis. Ou alors il commence sérieusement à yoyoter de la touffe. Rappelons quand même qu’il a réalisé Superman et les quatre Arme fatale. Finalement, ça me fait un peu peur à moi, tout ça, avant d’avoir vu le film…

Six mois après avoir lu cette critique, j’ai enfin le courage de louer le DVD de ce film, qui me fait très peur. On est quand même loin du naufrage intégral, quand même. Contre toute attente, les décors sont assez bons, ainsi que la plupart des costumes. Bon, passons sous silence la forêt de sapins pas très périgourdine, mais il faut reconnaître que les équipes artistiques a fait du bon boulot. Ce qui n’est pas le cas du reste de la production. Le film passe sous silence des passages entiers du roman (très bon, lisez-le) de Michael Crichton ; on se retrouve avec pas mal de raccourcis un peu idiots. Les acteurs, la “star” Paul Walker (l’honnête Une Virée en Enfer et 2 Fast 2 Foirous) en tête, sont quant à eux complètement transparents, mis à part Gerald Butler (Dracula 2001, Le Règne du feu...) et le trop rare Lambert Wilson, qui joue ici un Français, avec classe. Il faut dire que le réalisateur semble les laisser en roue libre, ce qui n’est pas forcément bon avec des acteurs relativement peu chevronnés... A la vision des suppléments du DVD, on comprend mieux : le réalisateur s’y montre à la fois laxiste, je-m’en-foutiste et tyrannique. Pire, il se permet, devant une caméra de documentariste, de débiner certains de ses collaborateurs les plus précieux. Un grand homme, Richard Donner... On comprend pourquoi un message, au début de ces bonus, indique que le studio, la Warner, ne partage pas forcément les propos tenus sur la galette... Le film n’est sorti que deux ans après so ntournage, après de nombreux problèmes, semble-t-il. On comprend un peu pourquoi. C’est bien dommage, car l’oeuvre de Crichton, l’un des meilleurs écrivains de notre époque, mérite mieux, bien mieux...

Spooky.




PETIT TEMPS

Stephen Baxter est l’un des écrivains de “Hard SF” les plus doués de notre époque. Il plaque sur une idée originale les applications scientifiques les plus récentes.. Il l’a démontré de façon éclatante dans Voyage (chroniqué dans un Ansible précédent). dans Titan, il utilise les mêmes recettes. Un journaliste scientifique, Rosenberg, est persuadé qu’on peut trouver de la vie, sous dorme basique, sur Titan, l’une des lunes de Saturne. Il propose à des pontes de la NASA de monter une expadition pour aller vérifier sur place. Mais le crash de mla navette Columbia remet tout en question, et semble enterrer le programme spatial pour des décennies. Le journalisteréussit toutefois à convaincre le directeur de l’institution, qui utilisera toutes les ressources de l’agence pour cette opération de la dernière chance ; allant jusqu’à récupérer les lanceurs et fusées mis au rebut ou au musée. La mission Titan décolle en janvier 2004, et s’élance vers son destin, sachant qu’il n’y aura probablement pas de retour pour les 5 membres d’équipage, tous astronautes chevronnés sauf Rosenberg.

Entretemps, la NASA est définitivement démantelée, la crise latente entre la Chine et les Etats-Unis franchit un nouveau palier... Pendant ce temps, les astronautes continuent leur route vers Saturne. Ils affrontent bombardementsradioactifs, aléas de navigation, inconvénients de la promiscuité... Pour enfin parvenir au nouveau monde. En digne héritier d’Arthur C. Clarke (avec lequel il a d’ailleurs écrit un roman), Baxter introduit une dimension métaphysique dans son livre, qui décrit non seulement le voyage lui-même, mais aussi les longues années de préparation de l’expédition. Il fait de cet îlot humain perdu dans le système solaire l’enjeu de la survie du genre (humain). car son romanest noir. très pessimiste quant à l’avenir de notre espèce, il nous invite à une odyssée passionnante, car moins aride que dans Voyage.

Spooky.




ALIEN VERSUS PREDATOR, LA VERITABLE HISTOIRE

Alors… Alien vs Predator, ça se passe dans l’Antarctique. Le satellite d’un riche milliardaire (oui, c’est un pléonasme) repère une source de chaleur 2000m sous la glace, en forme de bâtiment du genre pyramide. Il recrute donc une équipe et hop !, va voir ce qui se passe. Entre-temps, un vaisseau extraterrestre en orbite a émis un unique rayon laser qui a creusé dans la glace un trou jusqu’au fond (admirez la précision)... Les gentils et imprudents humains en profitent donc pour descendre, et se retrouvent dans une pyramide extraterrestre (qui mélange les styles égyptien, cambodgien et aztèque, peuples arriérés s’il en est, qui forcément ont adoré les extraterrestres en question et les ont donc copiés). Ils se font prendre au piège et là la reine alien enchaînée pond ses oeufs, les parasites envahissent des humains, et hop ! Les aliens arrivent youpi ! Et là les Prédators s’amusent à les chasser, et les humains meurent, sauf bien sûr la nana qui arrivera jusqu’à la fin. Car si vous en doutiez tout ça est bien un jeu pour les Prédators, soigneusement organisé par eux. Bon, le truc c’est que les aliens sont un peu balèzes et un peu nombreux, et qu’il n’y a que trois Prédators... et que la reine se fait libérer par ses rejetons. La Terre va-t-elle être envahie ? Est-elle condamnée ?

*** Petit spoiler ***

Eh bien non ! Car l’héroïne, qui maîtrise évidemment toutes les techniques de combat anti-alien, parvient à s’allier avec le dernier Prédator, qui lui est 5ème dan de l’explosage d’aliens ! Ils lancent une bombe qui fait tout péter, et parviennent à remonter à la surface (de l’Antarctique, rappelons-le) où les attend la reine ! Eh ouiiii ! Et donc la nana (qui a perdu ses fringues quelque part, quelle étourdie !) et le Prédator combattent la reine, waaah ! La fin est particulièrement émouvante, snif, je vous laisse la voir.

*** Fin spoiler ***

Bon voilà, ça pourrait être rigolo mais ça se prend malheureusement très au sérieux. Pas d’humour, pas d’ironie, pas de recul. C’est de l’action-only et il faut vraiment se forcer à ignorer toutes les incohérences du scénario pour trouver ça sympa. Ca se regarde, ça vide bien le cerval, mais n’allez pas payer une place de cinéma pour ça...

CoeurDePat.




CHATTE SUR UN TOIT BRANLANT

Avant d’aller voir le film, j’ai marché dans le caca. Prémonitoire ? Possible. Car Catwoman est de loin le film de super-héros le plus nul que j’aie jamais vu. Patience Phillips est designer pour hedare, marque toute-puissante de cosmétiques. Elle découvre que le futur produit-star, “Beau-Line”, censé rajeunir et raffermir la peau, est en fait un produit hautement toxique à moyen terme. Elle tente de s’échapper du siège, mais les sbires de son patron la propulsent avec les déchets dans la rivière. Noyée, elle revient à la vie grâce à des chats qui ne font que la regarder. Elle se trouve du coup investie de facultés d’agilité et de vision typiquement félins. Le film tenait la route le temps de la première bobine. C’est à partir du moment où l’histoire verse dans le fantastique que le n’importe quoi s’installe : raccourcis narratifs incompréhensibles, dialogues indigents, le tout filmé avec les pieds. Oui, oui, avec les pieds. Pitof, déjà auteur du calamiteux Vidocq, nous propose des plans de coupe anti-rythmiques, un montage qui fait mal à la tête, et une direction d’acteurs qui laisse à désirer. Car on aurait pu attendre mieux de Lambert Wilson, dans la foulée de sa prestation des deux derniers Matrix, de Sharon Stone, que l’on ne présente plus mais qui est ici transparente comme du verre, et surtout de la délicieuse Halle Berry (X-Men...), qui en fait des tonnes (comme les chats) dans le rôle-titre. Pêle-mêle, voici quelques “ratés” du film : Berry enfourche une moto tête nue, puis on la voit avec un petit casque de scooter goûter aux joies de la vitesse. le plan d’après, la moto s’approche et elle a perdu son casque ! Les ravages de la vitesse, sans doute... Passons sous silence l’inutilité de la scène. Catwoman/Patience sort avec/affronte un flic débonnaire, joué avec mollesse par Benjamin Bratt, ancien petit ami de Julia Roberts. On essaye de nous faire aimer le flic, qui fait de la prévention dans les écoles et fait preuve d’héroïsme à la Foire aux Plaisirs, mais l’ensemble sonne complètement faux. Par ailleurs, lorsque patience découvre ses pouvoirs, sa maîtrise est instantanée. Pas de temps d’adaptation, comme chez Spider-Man. les scènes où on la voit sauter d’un toit à l’autre font pitié, car on voit presque les câbles ou la créature numérique qui la remplace. Autre exemple, dans une scène, Pitof insère trois plans de coupe sans rupture de temps, avec un personnage qui regarde dans trois directions différentes, sans que l’on voie de transition. Le personnage est un chat au repos. Parlons-en, des chats. Il y en a quelques-uns dans le film, mais ils ne sont pas vraiment mis en valeur. sans parler du minou numérique qui fait la bise à Halle Berry au début. Je me serais bien déguisé en chat, moi.

L’image, quant à elle, est d’une laideur indigne d’une super-production. Souvent surexposée, presque toujours granuleuse, la recherche d’ésthétisme est proprement ratée. Le naufrage n’est pas total, cependant. La musique est cool, du moins au début. Halle Berry, même habillée avec un sac de patates, et un entonnoir sur la tête, reste mignonne. A ce sujet, l’actrice a déclaré, qu’elle s’est retrouvée à plusieurs reprises dans des situations “à la janet Jackson”. dommage qu’on ne les aie pas conservées au montage, ça aurait pu remonter l’intérêt du film. d’un autre côté, les acteurs sont tous mal, voire très mal habillés. Voir Halle Berry se friter, elle la sex-symbol des années 2000, avec Sharon Stone, autre icône des années 1990, relève du fantasme de tout mâle âgé de plus de 12 ans normalement constitué. La sensualité, hélas, est absente, même si Catwoman ondule délicieusement dans sa tenue moulante et lacérée. Le film est ainsi globalement drôle, tellement le sérieux affiché se télescope avec la nullité artistique. Bref, c’est moche, c’est idiot, mais si vous aimez vous marrer, il y a de quoi faire. Si ma chronique vous a semblé sans ni queue ni tête, c’est normal, elle est à l’image du film.

Spooky.
AU PIQUET !

“La Punition commence le 19 avril 2004” menaçait l’affiche américaine de cette nouvelle adaptation cinématographique de The Punisher, un comic book Marvel qui avait déjà fait l’objet d’un film en 1989, avec Dolph Lundgren dans la peau du justicier de New York. Pour Avi Arad, producteur de ce nouveau Punisher, la punition fut douloureuse : après un démarrage correct, les entrées du film s’effondrent, et il ne totalise finalement que 32 millions de dollars de recettes au box-office US, pour un budget de 33 millions. Et de notre côté de l’Atlantique, la sanction fut plus rude encore, puisque le film a quitté la majorité des écrans au bout d’une semaine d’exploitation à peine. Punition sévère, mais juste : disons-le tout de suite, The Punisher est un film raté. Sur le papier pourtant, il y avait quelques raisons d’espérer : le film prétendait s’inspirer de la dernière série en date des aventures du Punisher, celle du scénariste Garth Ennis, qui n’est pas le plus mauvais dans son genre ; pas de tête de veau célèbre comme Ben Affleck dans le rôle-titre ; quelques noms intéressants au casting, comme John Travolta dans le rôle du méchant, Roy Scheider (Les Dents de la Mer), la gracieuse Rebecca Romijn-Stamos (Femme Fatale, X-Men) ou encore Laura Harring, qui nous avait tant émus dans Mulholland Drive avec ses gros nich… euh, je veux dire, avec son immense talent d’actrice. Malheureusement, le nom du réalisateur faisait moins rêver. Il faut croire que les réalisateurs un peu branchés qu’on embauche habituellement pour tourner les adaptations de BD étaient tous occupés ailleurs. Donc, en lieu et place de Bryangleellermosam Del Toraimynger, c’est Jonathan Hensleigh qui s’y colle pour son premier passage derrière la caméra, après avoir signé bon nombre de scénarii “mémorables” pour les couillonnades dont Jerry Bruckheimer nous régale chaque été, des Ailes de l’Enfer à 60 secondes chrono en passant par Armageddon. Ah, oui, là, d’un coup, Laura Harring ou pas, ça donne moins envie de voir le film.

Mais résumons un peu. Frank Castle est un agent du F.B.I. sous couverture. Lors d’une de ses missions à Tampa, en Floride, le fils d’un riche homme d’affaires légèrement gangster sur les bords, Howard Saint, est abattu. Pour se venger, Saint décide alors de faire massacrer Castle et toute sa famille au grand complet. Mais en bons méchants de cinéma, les hommes de main de Saint, après avoir consciencieusement mitraillé femmes, enfants et vieillards, abandonnent le corps de Frank sans s’assurer qu’il est bel et bien mort. Évidemment, Frank n’est que blessé. Alors qu’il n’a vu aucun médecin pour soigner les 3 balles qu’il a pris dans le corps, et qu’il a passé des semaines à vivre comme Tom Hanks dans Seul au Monde, il revient en pleine forme et tout en muscles à Tampa, et décide de se venger à son tour, en éliminant Saint et tout son gang.

Ceux qui connaissent le comic book ont déjà dû constater, à la lecture du résumé, qu’on avait affaire là à une adaptation pour le moins “libre”. Il faut dire que si l’on vise le plus large public possible, le Punisher n’est pas le héros le mieux choisi, et il convient donc de l’aseptiser au maximum… mais du même coup, ça lui enlève évidemment toute personnalité, tout ce qui peut le différencier des héros classiques. Loin du psychopathe impitoyable, sadique et sanguinaire de la BD, qui semble de plus en plus tuer par plaisir plutôt que par un réel désir de combattre le crime, ce Frank Castle-là est un homme blessé, qui a vu mourir TOUTE sa famille, ne va faire justice lui-même qu’après avoir constaté que les autorités ont refusé de punir ce crime, ne tue ses adversaires qu’en état de légitime défense. Il fait moins de victimes en 2 heures de film que son homologue d’encre et de papier n’en fait en 2 planches de BD. Un vrai gentil de cinéma, quoi, garanti 100% générique ; rien à voir avec l’authentique Punisher. Tenez, pour tout vous dire, ça peut vous paraître un détail, mais le nom-même de “Punisher” n’est prononcé qu’une seule fois dans le film, à la toute fin, et le personnage ne porte son fameux t-shirt à tête de mort, emblème du Punisher, que 5 minutes en tout et pour tout. Le film renonce même à tout aspect fantastique ou S.-F., histoire de s’éloigner encore plus de la bande dessinée et de s’affadir un peu plus. The Punisher devient donc une énième histoire de vengeance banale, un film d’action dépourvu de toute originalité. Le scénario faiblard ne nous épargne aucun des poncifs du genre, les dialogues sont crétins, les scènes d’action sont platement filmées, la bande-son sans intérêt nous inflige quelques mauvais titres de musique de jeunes qui fait du bruit (uniquement là pour justifier la sortie d’une compilation estampillée Music From and Inspired by the Motion Picture, dont 90% des morceaux ne figurent évidemment pas dans le film)… Thomas Jane, l’inconnu qui incarne Frank Castle, nous ferait presque regretter son prédécesseur Dolph Lundrgren, dont l’air menaçant avait le mérite de donner un semblant de crédibilité au personnage malgré son jeu d’acteur limité. Thomas Jane n’est guère plus expressif que le colosse suédois, et affiche en permanence un air contrit de petit teckel qui s’est coincé les testicules dans une porte, qui ne le rend guère convaincant dans un rôle de vengeur ténébreux. Cela dit, signalons à celles d’entre vous qui craqueraient pour ses pectoraux, sa tablette de chocolat ou sa mine de chien battu qu’elles peuvent le retrouver dans Peur Bleue au vidéoclub le plus proche. Bref, un film ennuyeux et sans intérêt, qui n’intéressera pas plus les fans du Punisher que les amateurs de films d’action.

Toxic.




MON DIABLO CHEZ LES MUTANTS

Les amateurs de jeux de rôles sur PC connaissent sans doute la série Fallout, deux jeux à l’ambiance géniale qui, loin de l’habituel univers d’heroic fantasy proposé par les Baldur’s Gate et autre Might & Magic, immergeaient le joueur dans un monde post-apocalyptique où une guerre nucléaire avait réduit la civilisation en cendres. Univers crédible et cohérent, scénars et dialogues excellents, ambiance géniale, grande liberté d’action, humour omniprésent, Fallout 1 et 2 restent à mes yeux parmi les meilleurs jeux vidéos jamais sortis, tous genres et tous supports confondus.

Hélas, les déboires financiers de l’éditeur Interplay (R.I.P.) et du développeur Black Isle (R.I.P. aussi) ont envoyé la série sur la mauvaise pente… Tandis que le développement de Fallout 3 était abandonné, la licence Fallout était vendue à d’autres développeurs pour produire des jeux basés sur le même univers, mais sans la participation de ceux qui l’avaient créé, bref des jeux qui avaient le nom mais pas l’âme de Fallout. Sur PC, on a donc vu Fallout Tactics, honnête jeu de stratégie au tour par tour, et sur consoles, ça a donné le jeu qui nous intéresse aujourd’hui, Fallout : Brotherhood of Steel, un jeu d’action disponible sur PlayStation 2 et X-Box. Le jeu est sorti il y a quelques mois déjà, mais est désormais vendu neuf pour la modique somme de 15 €.

Autant le dire tout de suite : le jeu n’a plus grand’chose à voir avec le Fallout d’origine. Le décor, les combats sanguinolents, le langage cru et un humour grivois sont tout ce que les développeurs du jeu ont retenu de l’esprit Fallout ; ils n’ont visiblement que très peu joué aux jeux originaux, qu’ils trahissent allègrement. Tout comme Fallout Tactics, ce n’est plus un jeu de rôles, mais cette fois, ce n’est plus non plus un jeu au tour par tour, ce n’est même plus en 3D isométrique. En fait, c’est une sorte de version moderne d’antiques jeux d’arcade comme Gauntlet ou Smash TV, mais avec une “skin” Fallout : en vue dessus, à 1 ou 2 joueurs, vous dirigez votre personnage (choisi parmi les 3 proposés au départ, sachant qu’il y en a 3 autres à débloquer par la suite) à travers une série de tableaux dans lesquels il faudra dessouder des ennemis par paquets de douze et ramasser des bonus. Cependant, à la manière d’un Diablo, votre personnage gagne de l’expérience au fil des tueries, ce qui vous permet d’obtenir des points de compétence à dépenser pour de nouvelles aptitudes. Toujours comme dans Diablo, votre personnage a également la possibilité d’acheter et de revendre du matériel à des marchands, et de discuter avec certains personnages qui lui donneront des “quêtes” à accomplir. Je mets “quêtes” entre guillemets parce que c’est hyper basique, rien à voir avec les “vrais” Fallout : en gros, ça consiste toujours soit à massacrer tous les ennemis d’une certaine zone, soit à aller chercher un objet au fin fond d’une zone infestée d’ennemis pour le ramener à son propriétaire. Bref, qu’on se le dise : Fallout : Brotherhood of Steel est un pur jeu d’action, un hack’n’slash comme on dit, un jeu typiquement console, extrêmement linéaire, dirigiste et répétitif. Les graphismes ne sont pas mauvais, mais pas spectaculaires non plus. Le problème est surtout que la vue de dessus empêche de les apprécier, de toutes façons. Impossible de zoomer ou d’abaisser la caméra, celle-ci reste en permanence à la verticale de votre personnage, 15 mètres au-dessus de sa tête, c’est assez frustrant, pas très immersif, et assez débile pour un jeu en 3D. Le son est très décevant : bruitages sans intérêt, musique d’ascenseur quasi-inaudible pendant la majeure partie du jeu, et soupe vaguement heavy-metal insipide pendant les combats contre les boss. La maniabilité est correcte mais vu la simplicité du gameplay, c’est la moindre des choses (en gros, il suffit de marteler la touche “X” comme un fou tout au long du jeu).

Bref, il faut bien dire que Fallout : Brotherhood of Steel est un jeu très moyen, que risquent de bouder les fans intégristes des 2 épisodes originaux s’ils espéraient y retrouver les mêmes sensations. Il a néanmoins quelques qualités : il peut se jouer à 2, et de par son style bourrin, il est certes lassant à long terme, mais aussi assez défoulant. C’est clair qu’au moment de sa sortie, il ne valait pas le coup ; aujourd’hui, pour 15 €, si le genre hack’n’slash vous plaît, vous pouvez vous laisser tenter, en sachant quand même que le jeu ne vous occupera pas plus de quelques après-midi.

Toxic




2NDE CLASSE BAYGON VERT, NETTOYEZ-MOI TOUT ÇA !

Malgré les progrès réalisés dans ce domaine, intégrer à grande échelle des effets spéciaux numériques dernier cri dans un film coûte encore très cher à notre époque, et si le film en question ne réalise pas des entrées faramineuses, rentrer dans son argent peut se révéler difficile. La solution pour amortir le coût des effets spéciaux peut être de les réutiliser pour un second film, voire une série télé : même si les recettes sont encore plus basses que pour le 1er film, le budget nettement moindre fait que dans l’ensemble, les producteurs finissent par récupérer leur beau grisbi. Cela avait été envisagé après l’échec du Godzilla de Roland Emmerich, dont la créature en 3D avait coûté une fortune. Mais ce sont finalement les producteurs du StarShip Troopers de Paul Verhoeven qui ont sauté le pas : après avoir lancé une série animée pour la télévision en 2000, ils ont concocté cette année une suite destinée à une sortie directe en DVD et qui réutilise les mêmes créatures arachnides en 3D que dans le 1er épisode.

Sous-titré Hero of the Federation, ce film nous invite à suivre les péripéties d’une petite escouade de soldats de la Fédération qui se retrouve prise au piège sur une planète peuplée d’une infinité de ces inhospitaliers insectes que l’on a pu voir démembrer et empaler joyeusement les amis de Casper Van Dien dans le film de 1997. Tandis que leur héroïque général entreprend de retarder l’avance des féroces créatures, les troufions se mettent en quête d’un abri d’où ils pourront attendre l’arrivée d’hypothétiques secours venus les évacuer. Ils se réfugient dans un bâtiment désaffecté dans lequel ils tombent sur un ex-capitaine de la Fédération, déserteur et assassin. Il est néanmoins intégré à l’équipe du fait de son statut d’ancien héros de guerre. Encerclés par l’armée des arachnides, les soldats parviennent à repousser une première vague d’assaut grâce à l’aide de ce mystérieux allié, mais le pire reste à venir, car…

Si le scénario est toujours signé Ed Neumeier (mais cette fois, il ne s’inspire plus d’un roman de Robert Henlein), en revanche c’est Phil Tippett, génie des effets spéciaux, qui succède à Paul Verhoeven derrière la caméra pour cette suite fauchée, peu inspirée et totalement 1er degré de ce qui fut l’un des films les plus controversés du cinéaste néerlandais. Exit les Barbies sexy (Dina Meyer, Denise Richards) et les Ken souriants (Casper Van Dien, Jake Busey) du 1er épisode, place à une brochette d’acteurs de séries télé : Richard Burgi (Sentinel, la 1ère saison de 24 h Chrono), Colleen Porch (Charmed), Sandrine Holt (Les Repentis, série produite par John Woo), Kelly Carlson (Nip/Tuck), Brenda Strong (La Vie à 5, Seinfeld, mais qui avait également fait une apparition dans le 1er Starship Troopers… dans un autre rôle !)… ce n’est clairement pas son casting qui vous incitera à acheter ce DVD. Non que ces braves gens soient mauvais, ils font ce qu’ils peuvent avec les répliques pourtant pas brillantes qu’on leur donne à prononcer, mais disons qu’entre les biceps de Richard Burgi et les seins de Dina Meyer sous la douche, mon choix est vite fait. Exit également le côté “parodie de film de propagande militariste” : il n’y a pas grand’chose à lire entre les lignes de Starship Troopers 2. Le budget du film étant visiblement très limité, vous pouvez également oublier les grandes scènes de bataille, parce que si recycler les modèles 3D et les animations des arachnides du 1er film ne coûte pas cher (encore qu’on ne les voit pas beaucoup durant le film, et que ce sont toujours les mêmes images qui sont réutilisées), en revanche, engager des dizaines de figurants humains et les mettre en scène dans une grande bataille exige des moyens qui n’ont pas été fournis à Tippett. Tout le film est donc tourné en huis-clos et se rapproche finalement plus d’un ersatz d’Alien que d’une vraie suite à Starship Troopers.

Du 1er film, il ne reste donc grosso modo que le scénariste, le background et une certaine violence. Hero of the Federation est un petit film de S.-F. désargenté, qui se déroule presque entièrement dans l’obscurité pour vous cacher la pauvreté de ses décors et le petit coup de vieux qu’ont pris les effets spéciaux de 1997, et qui lorgne finalement beaucoup plus du côté de La Mutante que du film de Paul Verhoeven. A une époque où tant de films de genre se sentent obligés de s’étendre sur 2h ou plus, celui-ci a le bon goût d’être court (à peine plus d’1h20) mais c’est là l’une de ses rares qualités, avec un scénario pas trop tarte (mais sans génie non plus). S’il serait sévère de qualifier cette suite de navet, force est de reconnaître que les dialogues souvent bébêtes, le manque de rythme (malgré quelques scènes d’action, le film est souvent assez mollasson), la prévisibilité de la “surprise” qui survient vers le milieu du film, alliés à son côté très cheap, font de Starship Troopers 2 une petite série B assez médiocre et très dispensable. Les fans du 1er film préfèreront le revoir que d’acheter ou louer ce Hero of the Federation.

Toxic




OCTAVIA E. BUTLER

Née en Californie en 1947, l’auteuse (ou auteure ?) est « la seule Noire américaine dans le domaine de la S.F. » (dixit le tome 1 du Science –fictionnaire de Stan Barets). Cette écrivaine de 10 ouvrages est appréciée aux USA où elle fut plusieurs fois lauréate aux prix Hugo et Nebula. La Parabole du Semeur L’écrivaine trace avec maestria la vie d’une adolescente et de son univers dans un monde ultra-violent. Face aux dangers d’un univers extérieur au mur qui clôt leur quartier, les habitants regroupés autour du pasteur survivent. Lauren Olamina, afro-américaine, fille du pasteur, souffre d’hyperempathie (elle partage les blessures de tous ceux qu’elles voient), cadeau empoisonné dans son univers. Elle compense son pessimisme vis-à vis du futur de son quartier par une nouvelle philosophie et religion “Semence de la Terre”, fondée sur le principe du changement.L’autrice décrit avec brio un univers hyperviolent où la misère, la faim et l’horreur règnent, où l’eau est rare et onéreuse. Les pyros, drogués aux têtes rasées et peintes de couleurs vives, jouissent des flammes issues de leurs incendies volontaires, pillent, tuent, torturent et violent.

L’intérêt de ce roman est non seulement de dépeindre un monde futuriste sauvage, souffrant de l’effet de serre, mais de décrire la naissance d’une nouvelle religion, la lutte de tout un chacun pour survivre et vivre -si possible dignement.

La Parabole du Semeur/ Octavia E. Butler.- Paris : J’ai Lu, 1995.

Critique de La Parabole des Talents L’auteur continue dans ce second volume l’épopée de Lauren Oya Olamina et de son groupe. Le récit a pour cadre une une Amérique du début des années 2030 alors minée par la violence, l’esclavage et la pénurie. Souffrant de chômage et d’insécurité, la population vote aux élections présidentielles pour Jarret, un fanatique de l’Eglise chrétienne d’Amérique. Afin de remédier à la pauvreté et à la crise, celui-ci se lance dans une guerre avec l’Alaska, Etat voulant faire sécession. Il créée aussi des camps de rééducation pour les délinquants et les hérétiques. Asha Vere, la fille de Lauren, introduit le récit épistolaire de sa mère dans les années 2030. Tout sépare les deux femmes : leur histoires et la religion. Asha Vere ne comprend pas leur séparation et l’engouement de sa mère pour sa « secte ». Quant à Lauren, elle relate son atroce expérience : la création de sa communauté en Californie, la destruction de celle-ci, son esclavage, la recherche de sa fille qu’elle abandonne bientôt au profit de sa religion…

La Parabole des Talents/ Octavia E. Butler.-Vauvert (30) : Ed. Au diable vauvert,2001. – 582 p.

Les caractéristiques de ces deux romans sont de montrer une héroïne noire souhaitant créer une société multiraciale et y vivre. Une société où l’autre – de sexe opposé, de couleur et/ou de statut social différents - n’est pas rejeté. Il est, de plus, heureux de voir une héroïne surmontant maints dangers, de nombreuses épreuves pour créer quelque chose de positif . En S.F., je ne connais que peu d’héroïnes populaires : la princesse Leia dans Starwars, Laureline dans la série de B.D. Valérian de Mézières et une seule héroïne de couleur : Yoko Tsuno, la B.D. de Leloup. Je ne cite pas les héroïnes de comics car peu de femmes peuvent s’y reconnaître.


Liens de Sang

Voici un autre récit daté de 1979 de toujours lié aux thèmes de l’esclavage et aux relations interraciales. Dana, Noire mariée avec un Blanc, Kevin, est catapultée dans le passé, au temps de l’esclavage au Maryland. Elle se retrouve ainsi aux côtés de Rufus, son ancêtre blanc, propriétaire d’une plantation sudiste. A chaque accident lui arrivant, son lointain parent la « rappelle » à elle. Subissant la condition des esclaves d’alors , elle revient par intermittences et bien souvent en piètre état de ses voyages dans le temps. Quant à son mari, leur entourage commence à le soupçonner de la brutaliser.

Si la langue est toujours fluide et aisée, la lecture agréable, le récit essentiellement constitué de dialogues a cependant des longueurs. Toutefois, si vous n’avez pas lu une partie de Racines, le livre relate bien la condition d’esclaves dans le Sud au XIXe siècle.

Liens de sang/ Octavia E. Butler.- Paris : Ed. Dapper, 2000. –428p.

Emmanuelle Bouet-Latreille




Nouvelle vie TM

Le célèbre écrivain Bordage a sorti son dernier ouvrage ! (Au fait, faites un test : allez dans une bibliothèque municipale. Si vous trouvez les 2 tomes de Wang dans les éditions l’Atalante, c’est une bonne BM. Sinon, changez-en !!!)

Ayant particulièrement apprécié Wang (Ed. Atalante) et les Derniers hommes (Ed. Librio), je me jetais sur son dernier ouvrage dès sa parution afin de le lire avec une joie non dissimulée. Je n’ai pas été déçue.

12 nouvelles nous sont offertes sur des thèmes très variées : nouvelles technologies, biotechnologies (« Nouvelle Vie ™ » ), conquête de nouvelles planètes (« Tyho d’Ecce »), dérèglement climatique… sous un jour cauchemardesque. De multiples variations portent sur le clonage, les OGM, les NTI et la découverte de nouvelles formes de vie. Nous saluerons encore la belle inventivité de l’auteur qui nous offre cependant une vision bien pessimiste de l’humanité et de son destin : il n’y a guère de rédemption pour l’humanité, clonée ou non ! (sauf peut-être dans « la classe de Maitre Moda » et « Paix bien ordonnée »). L’écrivain réussit à créer des micro-univers : chaque page est la découverte d’un monde inconnu ( rappelons que les Français sont peu exercés à l’exercice de style que constitue le genre des nouvelles). Le rythme est bien souvent haletant . Bordage nous met en garde non seulement contre l’aveuglement de la science, les pouvoirs occultes et les multinationales (™ veut dire marque) mais aussi contre l’appât du gain (« Nouvelle Vie ™ » et « Ma main à couper » ), l’intolérance et les sectarismes.

Un ouvrage à ne pas manquer !
Nouvelle Vie ™ : nouvelles / Pierre Bordage.- Nantes : l’Atalante, 2004. –232 p.
Emmanuelle Bouet-Latreille.




KINGDOM COME

Les vieux héros se sont retirés. Superman a disparu. Green Lantern flotte en orbite dans sa cité d’émeraude. Hawkman préserve sa mère la terre. Une nouvelle génération de « justiciers », sans idéal, égoïstes, font régner une nouvelle « justice » en Amérique. Une justice violente, aveugle, revancharde. Le célèbre Magog rassemble autour de lui une cohorte de « vigilants » agressifs dont les combats menacent la vie des gens de la rue. Seul dans sa tour d’ivoire, Superman devant ses écrans vidéos, regard le monde sombrer dans un raz-de-marée de haine et de violence… Puis un jour, tout explose.

(Petite parenthèse sur la comparaison qui semble être faite par certains de “Watchmen” et “Kingdom Come”. Les deux ont en commun une certaine thématique (l’intégration des super héros parmi l’humanité, avec tous les problèmes que cela comporte, aux niveaux personnel et politique), mais là où le premier présente une véritable richesse littéraire dans sa forme, rare même parmi les meilleurs romans, et profitant bien de la spécificité du médium bande dessinée, là où on sent l’esprit d’horloger d’Alan Moore avec un regard d’une profondeur fascinante, critique, cynique, décortiquant notre monde pour le retranscrire, le second — bien qu’à mon avis excellent — est très nettement plus terre à terre, plus premier degré...)

“Kingdom Come”, c’est bourré à craquer de super héros. Ca regorge de Superman, de Green Lantern, Batman, Wonder Woman pour les plus connus, mais aussi de toutes les centaines d’autres inventés depuis. Evidemment c’est un peu embêtant quand on ne connaît quasiment pas ce panthéon, on loupe quelques références...

Le scénario est pour le moins intéressant. Il traite des super héros en tant que problème, un peu comme pour “X-men” (le film). La vision est très globale. Politique : comment régler un problème à grande échelle, la multiplication des super héros parmi la population, avec tous les désagréments que cela comporte (en particulier batailles rangées entre factions, “dommages collatéraux”, etc.). Les notions évoquées sont intéressantes, et épineuses. Entre autres cohabitation, suprématie d’un genre (humain ou super héros) sur l’autre, droits, devoirs, responsabilités, attentes des gens envers les super héros, etc. Les principaux personnages (Superman, Batman, Wonder Woman et dans une moindre mesure Magog et d’autres encore) sont torturés, déstabilisés, en plein questionnement et remise en cause. Superman en particulier est l’image même de l’indécision, ce qui lui jouera des tours. Les rôles qu’ils jouent sont à la fois taillés sur mesure pour eux et trop grands. On sent qu’ils agissent selon leur caractère, mais sont perdus.

Si les thèmes abordés sont nombreux et tout de même assez profonds, leur traitement est toutefois un peu confus. A la lecture, on s’aperçoit très vite de la densité de l’histoire... Et en 200 planches, on ressentira encore beaucoup cette impression (même si certaines scènes paraissent finalement assez dispensables, diluant un peu le sujet principal). Le spectateur omniscient incarné par Norman, s’il est nécessaire pour la fin, alourdit quelque peu la narration, et rend la compréhension de l’ensemble plus difficile, ce qui n’était probablement pas nécessaire. La fin en elle-même avec ce qu’elle comporte, on la voit venir d’assez loin, et c’est peut-être là une “faiblesse” de cette série : les hauts et les bas alternent un peu trop... Certains passages sont absolument fascinants, d’autres plus ternes. Et la fin laisse une impression inférieure à celle éprouvée lors de la lecture.

Le dessin d’Alex Ross me laisserait presque sans voix. Moi qui n’aime habituellement pas les dessins trop réalistes, j’ai tout simplement adoré. Il parvient à être vivant malgré son aspect un peu statique, et les visages sont souvent très expressifs. Certaines cases font même ressentir une intensité tout simplement poignante.

Malgré une narration un peu confuse qui dilue la force des thèmes abordés, j’ai dévoré “Kingdom Come”, en ayant immédiatement après l’envie de le relire. Avec «Watchmen» et «Batman Dark Knight», il donne une vision véritablement intéressante du renouveau intelligent de ce genre souvent mal perçu.
CoeurdePat.




BATMAN : DARK KNIGHT

Une des œuvres les plus célèbres de Frank Miller, il y a beaucoup de choses à en dire. A commencer probablement par sa célébrité parmi les fans du genre, qu'elle a en son temps (1986) révolutionné. Le Batman montré ici est vieux, il a pris sa retraite depuis dix ans déjà. Cependant ses démons hantent Bruce Wayne, et nuit après nuit, ne lui laissent guère de répit que dans un sommeil agité et dans l'alcool. Et pendant ce temps la criminalité explose…

Le célèbre millionnaire est présenté ici comme un psychotique, un malade dont la névrose prend l'aspect de Batman, mais qui ne se limite pas à lui. Au contraire, elle prend l'allure d'un phénomène de société, avec ses effets sur les gens, suscitant diverses réactions, entre approbation et rejet. C'est également elle qui suscite des ennemis, tels que Harvey Dent ("Double Face") ou le Joker. Ce qui n'est au départ qu'une initiative individuelle, le combat d'un homme contre des criminels, est devenu un problème de société.

La chose est présentée de façon assez intéressante quoique plutôt brutale. Ici, le super héros pose problème, il n'est pas juste cette image enfantine qu'on adore, ce héros noble qui sauve et veille, mais un élément de la société, dans laquelle se pose le problème de son insertion, de son image, de sa perception. Ainsi, Batman protège les gentils et combat les méchants. Certes. Mais il se substitue de ce fait à la justice, recourt à une violence illégale, et son action est assimilable à celle d'une milice. Il se place au-delà de la loi, au-delà des hommes, et cela fait peur. C'est autour de ce thème que tourne "Batman Dark Knight", traité également (mais plus en douceur) dans "Watchmen", ainsi que dans ce qui me semble être son successeur direct, "Kingdom Come".

Cette dernière référence n'est pas innocente, car son histoire poursuit (des années après) celle racontée ici, qui reprend elle-même de nombreuses références à des histoires passées. Le tout tisse tout simplement une véritable mythologie autour du personnage, avec sa personnalité, les grands événement marquant sa vie, mais aussi ses choix. Je dois avouer n'avoir pas l'habitude de cette façon de faire (qui me semble d'autant plus atypique que Batman a été utilisé par de nombreux scénaristes), qui est pourtant loin d'être désagréable. Même si cela me semble un peu puéril par certains côtés (autant que d'épiloguer sans fin sur la vie supposée de Néron, Phèdre ou Ulysse…), le résultat présente une force certaine, ici largement amplifiée par la violence de l'œuvre.

Car Batman n'est pas tendre, et la violence est ici présente sous les formes physique, sociale et politique. Comme cela est montré, il punit brutalement. Son existence même suscite de fortes haines (celle du gang des mutants par exemple), et il ainsi accusé par le bouffon psychiatre de l'album, de créer toute cette criminalité, d'en être l'instigateur, l'origine. Cette thèse est appuyée par la réapparition (la rechute) de Harvey Dent et du Joker suite à la reprise d'activités de Batman.

On peut d'ailleurs remarquer que l'ouvrage en général est traité sur le mode "téstostérone only"… Après un tome de Sin City, 300 et Bad Boy, je vais finir par croire que c'est là une marque de fabrique de Frank Miller. La réflexion en tant que telle n'y a en effet qu'assez peu de place, au contraire de l'action. Les quatre comics originaux -- formant donc ici quatre chapitres -- voient en effet chacun un affrontement (assez titanesque, disons-le), le point culminant étant incontestablement Batman contre Superman. Eh oui, carrément. La vieille lutte entre l'intelligence rusée et la force un peu stupide… Ulysse contre le cyclope, puisqu'on parlait de mythologie précédemment.

Ces quatre chapitres paraissent un peu décousus entre eux, mais ils ont évidemment comme point commun l'évolution de Batman et sa perception auprès de la société et de ses instances. Miller a beaucoup fait appel à la télévision dans ses pages pour montrer cela, et représente les politiques sous la forme de bouffons, qu'il s'agisse du maire, un petit bonhomme obèse et sans opinion sauf lorsqu'un conseiller en communication se tient derrière lui, ou du président, un Ronald Reagan tout vieux à la limite du gâtisme le plus complet, parlant aux Américains comme à des enfants de trois ans. Même lorsqu'il met en scène un Batman en difficulté, malmené, rejeté, haï, on sent bien qu'il a choisi son camp et qu'il prend parti. En un sens c'est dommage, car développer plus intelligemment l'opposition à Batman aurait pu donner un résultat un poil plus intellectuel et approfondi. Ceci dit, l'ensemble est -- comme souvent avec Miller -- d'une grande efficacité, même si je me demande toujours ce que Carrie Kelley (le nouveau Robin) vient faire dans cette Batgalère.

Le dessin, brièvement, n'est pas le plus beau qui soit, et on a même parfois quelques petits problèmes à comprendre le déroulement de l'action. Cependant il est lui aussi d'une grande efficacité et d'une grande force, malgré la sobriété apparente de nombreuses pages, et certaines cases donneraient presque des frissons tellement elles sont bien composées. Le script en fin d'album donne également l'occasion de voir le chemin entre scénario et réalisation, et permet de se rendre compte que celle-ci a été faite très intelligemment, avec un important travail d'adaptation.

Loin de ressembler à Watchmen, nettement plus premier degré bien que remettant complètement en cause le modèle classique du super héros, Batman Dark Knight est une œuvre sombre, violente, tourmentée, débordant d'action, qui suscite des réactions fortes, et pousse à se poser quelques questions. Lecture conseillée à sa suite : Kingdom Come.
Coeur de Pat


LES CROCS DE RIDDICK
Au cinéma, les films de science-fiction se partagent souvent entre deux catégories : les gros films à l’action omniprésente, avec une part belle aux effets spéciaux, et au combats. A l’autre bout de la chaîne, vous trouvez les fables philosophiques, où les intrigues laissent la part belle à la réflexion (Bienvenue à Gattaca, Cube, par exemple). Et souvent les fans du genre se disputent sur les intérêts et les mérites des deux écoles. Les Chroniques de Riddick se réclame de la première catégorie. Il y a cinq ans, un petit film débarquait sur les écrans pour nous faire découvrir un personnage hors normes dans la paysage de la SF. Ce film s’appelait Pitch Black (on vous en a déjà parlé dans Ansible). Et le personnage Riddick. Un authentique rebelle, un gars qui n’aime personne, un dur de dur qui voudrait vivre tranquille, avec ses propres règles. Cet asocial nyctalope fut obligé de s’allier à ses ennemis pour survivre à des monstruosités sans nom. Cinq ans plus tard, Riddick est la proie de chasseurs de primes payés par les dirigeants d’une lointaine planète. Cette planète est sur le point de tomber sous le joug de moines-guerriers qui asservissent sans répit des planètes entières. Leur nom ? Les Nécromongers. Leur Guide suprême est allé dans l’Underverse, et en est revenu avec d’immenses pouvoirs, ainsi que le sentiment d’un devoir messianique. Mais une prophétie dit que seul un habitant de la planète Furia pourrait faire tomber les Guidse suprêmes, et, de ce fait, arrêter le pélerinage sanglant de ses disciples. Car le refus de conversion d’une planète provoque sa destruction complète. C’est pourquoi les Nécromongers ont détruit sans répit toute trace de cette planète. Mais Riddick, qui ne sait rien de ses origines, pourrait bien être l’un des derniers survivants de Furia. Seulement voilà, il s’en fiche, le Riddick. Jusqu’au moment où un imam, sauvé dans Pitch Black, et devenu l’un des amis de Riddick, meurt sous ses yeux face aux Necromongers. De plus, une jeune fille que le Furian a connu cinq ans plus tôt, Jack, a été enlevée par des chasseurs de primes pour être emprisonnée sur une lointaine planète hospitalière... Vous l’aurez compris, le film est très dense. Trop même. C’est le principal défaut du film. On a l’impression de changer de décor, de sauter des centaines d’années-lumière sans transition. Les événements s’enchaînent très vite, trop vite parfois, pour qu’on aie l’impression de fluidité que l’on peut avoir dans Alien, par exemple. Certes, les effets spéciaux sont impeccables, l’aspect visuel du film est extrêmement soigné, ce qui donne envie au spectateur d’en découvrir plus sur cet univers. Vin Diesel (xXx, Fast and Furious...) est un brin poseur, mais que peut-on attendre d’un héros solitaire et ronchon ? Et puis, reconnaissons-le, le personnage de Riddick est l’un des plus intéressants du cinéma de genre, aux côtés de Snake Plissken. La distribution est convaincante (mention spéciale à Thandie “Mission Impossible 2” Newton, en femme manipulatrice à souhait, et surtout à Karl Urban -admiré dans Le Seigneur des Anneaux- sous-exploité en Vaako, l’un des chefs necromongers. On suivra avec intérêt la suite de la jolie Alexa Davalos, qui joue Jack/Kyra, et dont la photogénie est assez agréable. Les scènes d’action sont enlevées, mais on ne voit pas trop l’intérêt de faire une redite de la scène centrale de Pitch Black, même si elle est techniquement superbe... Twohy a bien sûr écrit le scénario avec les frères Wheat, qui avaient imaginé Pitch Black, mais avec le renfort de David Hayter (X-Men 1 et 2, le futur Watchmen...), Akiva Goldsman (I, Robot, Peur Bleue, Lost in Space, et 2 des anciens Batman). Necromongers, Elementalistes, Furians, une géopolitique et une ethnologie comparable à celle de Star Wars se met en place. Baroque, épique, nerveux et sombre, les aedjectifs intéressants s’accumulent pour qualifier Les Chroniques de Riddick. On a hâte d’en savoir plus, surtout si David Twohy, le réalisateur, met à éxécution son plan initial de réaliser un quadrilogie, le prochain film nous parlant de l’Underverse, le dernier montrant le retour de Riddick sur sa planète natale. Pourquoi pas, si Vin Diesel reste dans le projet, et surtout si Twohy dépouille quelque peu son style narratif des redites et lourdeurs sans intérêt, car c’est un scénariste et un réalisateur intelligent, voire doué (on recite Pitch Black, mais aussi l’honnête The Arrival, et aussi Abîmes, histoire de fantômes en milieu clos). A noter, pour les amateurs, la sortie récente en video de dark Fury, un court-métrage d’animation racontant une aventure de Riddick, réalisé par Peter Chang, qui a commis les meilleurs courts-métrages de Animatrix.
Spooky


LE VIL AGE
Fait rare : je ne sais pas si j’ai aimé ce film. Si si, je vous assure, je ne sais pas quoi en penser. Du calme, Spooky, calme-toi, respire, re-mate-toi le premier épisode des X-Files et ça va aller. Bon alors, le Village... Ca raconte l’histoire d’un village (jusqu’ici tout va bien), visiblement dans les années 1890, dont les habitants ont peur des bois environnants. Lesdits bois contiendraient des créatures terrifiantes avec lesquelles les villageois ont établi une trêve. Une autarcie qui commence à poser de graves problèmes aux habitants de Covington, car les malades, faute de soins et de médicaments adéquats, meurent les uns après les autres, ce qui fait gravement réagir Lucius Hunt (Joaquin Phoenix, vu dans Signes et The Yards), qui décide de traverser les bois pour aller chercher des remèdes à la ville. Mais il rebrousse vite chemin. Dès lors, de drôles d’événements secouent la communauté : on trouve des chiens sans les poils, et les bois semblent anormalement agités...

Un soir, une des créatures franchit même la lisière des bois, et vient rôder aux abords des habitations. Lucius Hunt est l’un des rares qui reste dehors, pour protéger sa fiancée, Ivy Walker, la fille du chef, qui malgré sa cécité, se révèle l’une des personnes les plus sensées de la communauté. Garçon manqué, elle passe beaucoup de temps avec Noah Percy (Adrien Brody, Le Pianiste), l’idiot du village. A l’annonce des fiançailles d’Ivy avec Lucius, il devient fou et poignarde Lucius. Ivy, folle de chagrin, décide à son tour de traverser des bois pour trouver des médicaments, seul espoir de sauver son fiancé... Voilà un pitch pas inintéressant. Traité par Shyamalan, l’auteur remarqué de Sixième Sens, Incassable et Signes, cela part dans des directions inattendues. Car la double révélation du film peut agacer, intriguer, fasciner. je n’en révèlerai rien, car même si le film peut être une effroyable daube si on le prend comme un épisode foutraque de La petite Maison dans la prairie, il révèle tout de même un énorme travail d’écriture, un appui fort sur la symbolique (des couleurs notamment, mais ceux qui ont vu les précédents films de Shyamalan y sont habitués), et une ambiance réussie.

Car le film est très oppressant dans sa globalité (la musique de James Newton Howard y est pour beaucoup) ; on sursaute à plusieurs reprises, et les créatures sont accompagnées d’un sentiment de gêne, ce qui est un atout pour un thriller psychologique. Notons également un casting réussi, avec des seconds rôles prestigieux (Sigourney Weaver : et j’ai crié, crié-é... Alien ! pour qu’il revienne ! ; William Hurt, acteur remarquable mais sous-exploité...), et une vraie révélation : Bryce Dallas Howard, fille du réalisateur Ron Howard (Apollo 13, Un Homme d’exception...). En aveugle débrouillarde, elle éclabousse l’écran, bénéficiant en outre d’un physique assez agréable.
Spooky


PRENDRE LE TORO PAR LES CORNES
“Oh non ! Encore un super-héros de comic américain transposé à l’écran !” Peut-on avoir comme réaction à l’évocation du dernier film de Guillermo Del Toro (Cronos, Mimic, Blade 2...).Pourtant, le personnage de Hellboy sort -quelque peu- des sentiers battus. Mike Mignola, ancien “yes-man” de chez Marvel, crée au cours des années 80 son héros fétiche, un démon issu des opérations nazies qui décidera de combattre les forces occultes au sein du Bureau de recherche et de Protection... Le film raconte la trame de l’album “Les Germes de la destruction” (chez Delcourt en France), lorsque Hellboy, 60 ans après sa “naissance” (un groupe de nazis essaient de faire venir de l’au-delà un des sept démons majeurs ; l’expérience est interrompue par l’assaut de forces armées américaines, et seul un bébé démon en sortira), doit faire face à celui qui a permis son intrusion sur terre, le légendaire Raspoutine, âme damnée des Romanov, et qui semble doté de pouvoirs surnaturels. En effet, celui-ci décide d’amener celui que ses coéquipiers appellent “Red” sur un terrain propice à une nouvelle évocation démoniaque. Mais c’est compter sans Liz Sherman, amour platonique du héros (Selma Blair, vue dans Sexe Intentions ou encore Allumeuses ! Berk !), véritable torche humaine, ou Myers, nouvelle jeune recrue du BPRD, qui a le béguin pour Liz. Cette trame est l’occasion de voir de nombreuses créatures assez diverses (Kroenen -->Chronos ?, mais aussi Sammaël, très réussi), avec des scènes d’action plutôt bien menées. L’ensemble du film baigne dans une atmosphère d’humour bon enfant, le personnage de Hellboy est très savoureux (magnifique Ron Perlman, acteur sous-utilisé, même si on l’a vu dans La Guerre du feu, Le Nom de la Rose, Cronos, Alien - La Résurrection, Blade 2...), des effets spéciaux réussis (même si pas révolutionnaires), et fait, assez rare pour être noté, très fidèle au comic d’origine. Normal, Mignola est producteur exécutif. On notera la présence du remarquable John Hurt (Elephant Man en personne !) dans le rôle du père adoptif d’Hellboy. Del Toro réalise un film solide, peut-être son meilleur, avec pas mal de trouvailles visuelles et narratives, et un univers passionnant qui ouvre de nombreuses perspectives. Par exemple, on aimerait savoir comment se passe l’entraînement au sein du BPRD (moi je veux un film sur l’amphibie Abe Sapien !), ou encore savoir comment va se reformer l’équipe, quasiment décimée au cours du film... Notons que les publics français et japonais ont eu la chance de voir une version “uncut” par rapport à celle qui es tsortie aux Etats-Unis. A l’heure où j’écris ces lignes (c’est à dire une semaine après la sortie française), on annonce déjà un Hellboy 2 pour 2006 (cf. niouzes). Réjouissant, non ?
Spooky
LE JOUR DU PET

Qu'arriverait-il si notre Terre subissait une nouvelles glaciation ? C'est la question que s'est posé le réalisateur allemand Roland Emmerich (ID4, Godzilla…) dont l'œuvre est parsemée de sincérité, de respect du spectateur, de sérieux et d'anti-américanisme… Oups ! Je me suis trompé dans mes fiches… Bon alors, Le Jour d'après raconte ce qui pourrait se passer si un changement climatique survenait brutalement. Surtout si un paléoclimatologue (Dennis Quaid, vu dans Fréquence interdite, L'Etoffe des Héros, L'Aventure intérieure notamment…), qui a vu venir la catastrophe se bute contre la bêtise des autorités. Résultat, toute l'Europe et l'Amérique du Nord se retrouvent sous les glaces et la neige, après le passage d'un tsunami géant. Refusant de fuir avec le gouvernement, le savant décide d'aller au secours de son fils (Jake Gyllenhaal, la révélation de l'étrange Donnie Darko), coincé à New York avec des camarades. Voilà pour l'histoire. Aucune surprise donc, et l'ensemble du film pourrait s'avérer un bon divertissement s'il n'y avait pas des relents politiques assez évidents : les Etats-Unis sont parmi les Etats responsables du réchauffement global de la planète. Mais ce réchauffement provoquera une glaciation soudaine, scientifiquement impossible. De plus, la façon dont est présentée la relation père-fils est plutôt infantilisante. Le fait que le "Tiers Monde" (en gros, le Mexique) ait accueilli à bras ouverts les réfugiés américains sonne comme une réponse aux accusations d'incurie et de suffisance américaine actuelles. Rappelons que c'est le studio 20th Century Fox qui a financé le film, un studio proche de l'administration Bush. Le repentir du vice-président, à la fin du film, résonne étrangement dans le contexte actuel international. Tout ce côté faux-cul (le Président quitte la Maison-Blanche, alors que Bush était planqué pendant les heures les plus sombres de sa nation), contribue à plomber un film truffé d'incohérences scientifiques et narratives... Dommage, car certains effets spéciaux étaient réussis (pour une fois) et les acteurs sont assez sympas. Cela reste, toutefois un divertissement involontairement drôle, et partiellement nauséabond.
Spooky


LA MAIN GAUCHE DE LA NUIT

La femme est l'avenir de l'homme, a-t-on coutume de dire. Et si son avenir, c'était d'être homme ou femme au gré des saisons ? C'est en tout cas la spécificité des habitants humanoïdes de la planète Nivôse, où se pose Genry Aï, Envoyé diplomatique de l'Ekumen, une fédération galactique qui cherche à élargir -pacifiquement- ses frontières. Aï sillonne la planète, plaidant la cause de l'Ekumen auprès des différentes nations. Mais en Orgoreyn, sa spécificité sexuelle le fait passer pour un monstre et croupir en prison. Mais il trouvera un(e) allié(e) inattendu(e), qui l'aidera à s'échapper. Une errance qui permettra à Aï de se révéler à lui-même. On a souvent comparé l'œuvre d'Ursula K. Le Guin à Dune, de Frank Herbert. Il est vrai que ce roman, écrit en 1969, décrit plusieurs aspects d'un univers complet : politique, mœurs sociétales… A ranger dans la série La Ligue de tous les mondes, dont les romans peuvent être lus séparément. Une œuvre forte, ne serait-ce que sur le plan de la construction, à (re)découvrir absolument. A noter que ce roman est l'un des premiers où apparaît le terme d'ansible, le moyen de communication qui a donné son nom au présent fanzine.
Spooky


GOBE-LA

Attention, curiosité ! Globalia, de Jean-Christophe Rufin, est un roman de science-fiction qui n'ose pas le dire. Comme Le Meilleur des Mondes et 1984 en leur temps. Il est d'ailleurs édité dans la collection "nrf" chez Gallimard, soit la collection grand public de l'éditeur. La jaquette supplémentaire (voir photo) n'est pas plus significative. Pourtant l'intrigue ne laisse aucun doute. Globalia est un super-Etat qui regroupe les anciens Etats les plus riches du monde (en gros, l'Europe élargie, l'Amérique du Nord et l'Australie), où la liberté est totale, donc nulle. Car comme dans tous les états totalitaires, la pensée a tendance à s'uniformiser. Le reste du monde est désigné sous le nom générique de non-zones, et malgré les apparences, il noue des liens étroits avec Globalia, où les dirigeants s'ennuient. Pour déjouer et démasquer d'éventuels ennemis intérieurs, ils mettent sur pied une grande machination. Au centre du complot, Kate et Baïkal, jeune couple aux envies d'ailleurs. Trouveront-ils le bonheur dans les non-zones ? Je vous le concède, ce n'est pas un scénario très original. Ce qui tranche, c'est la vitalité de l'écriture de Rufin -malgré quelques longueurs- et la justesse de sa connaissance de la géopolitique. Il est vrai que Rufin a été salué pour ses romans très portés sur l'humanitaire et l'aide aux nations déshéritées (L'Abyssin…). Son parcours et ses convictions trouvent ici une confluence certes inattendue, mais logique. Globalia, une histoire d'aventures et d'amour, comme le claironne la jaquette ? On peut le dire. Mais c'est aussi et surtout une nouvelle vision utopiste très cohérente.
Spooky


MON AZKABAN AU CANADA

Troisième année à Poudlard. Le monde des sorciers est sous le choc, car Sirius Black, ancien lieutenant de Vous-Savez-Qui, s'est échappé de la prison d'Azkaban et serait en route pour l'Ecole des Sorciers. Des mesures de sécurité exceptionnelles sont prises, comme un cordon de Détraqueurs, ces gardiens de prison mangeurs d'âmes au look spectral. Harry et ses amis tentent tant bien que mal de faire leur année scolaire, sous la férule de nouveaux enseignants dont le géant Hagrid. Disons-le tout net, ce troisième épisode est supérieur aux deux premiers sur bien des aspects. Non que Chris Columbus, metteur en scène de la série, fût un tâcheron médiocre, mais Alfonso Cuaron (La Petite princesse) l'enfonce à -presque- tous les niveaux. En effet, il perd moins de temps à montrer les "classiques" de la saga Harry Potter : ainsi le tournoi annuel de Quidditch et les cours sont très peu visibles, laissant la part belle à l'action et aux deux-trois intrigues principales. Sa mise en scène, plus dynamique que celle du paresseux Columbus, ne ménage quasiment pas de temps mort, ce qui est important quand on doit capter et conserver l'attention d'un auditoire jeune. Le scénariste, Steve Kloves, maîtrise également mieux la quintessence de l'univers créé par J. K ; Rowling. Même le domaine de Poudlard a changé ! Certains plateaux deviennent des ravins, des corps de bâtiments apparaissent… Même les puristes ne crient pas au scandale, tellement l'harmonie éclabousse l'écran. Les effets spéciaux sont également très bons, à part peut-être un loup-garou, qui a une grande importance dans l'histoire… On notera que les trois ados qui tiennent les rôles principaux ont bien grandi, et qu'ils jouent de mieux en mieux. Mention spéciale pour Daniel Radcliffe, qui joue enfin de manière solide le rôle-titre. On notera l'arrivée dans la franchise de nouveaux grands noms : Gary Oldman (Dracula, Hannibal et le prochain Batman Begins…), Emma Thompson (Dead Again, Beaucoup de bruit pour rien, Retour à Howard's End, Primary Colors…), ou encore David Thewlis (Sept ans au Tibet, Prisonniers du Temps, L'Ile du Dr Moreau…), preuve de la valeur et de la popularité, si besoin était, de la saga Harry Potter. Bref, un troisième épisode à ne pas rater !

Spooky


ET L'HOMME CREA LA FEMME

Ou comment flinguer l'intérêt d'un film avec son titre français. Pourtant, The Stepford Wives (titre original) n'est pas dénué d'intérêt. Remake d'un film des années 60, adapté d'un grand classique de la SF d'Après-Guerre, ce film raconte une utopie. Ou est-ce un conte ? Chacun jugera. Joanna est une femme à qui tout réussit : un mari aimant, deux beaux enfants, une vie parfaite. Mais, un jour, le rêve s'effondre. Joanna perd son poste et découvre que son mariage bat de l'aile. Joanna et son mari quittent alors New York et s'installent dans la banlieue résidentielle de Stepford, dans le Connecticut. Stepford paraît sortir d'un conte de fées, avec ses vastes et coquettes maisons, ses pelouses manucurées, ses rues tranquilles d'une propreté immaculée et ses femmes, d'une beauté irréelle, avec leur visage lisse, éternellement souriant, leurs mensurations dignes d'un magazine sur papier glacé. Joanna s'étonne de les voir toutes aussi douées pour la cuisine que pour repeindre la maison, passer la tondeuse, jouer avec leurs gosses et accueillir leur mari dans d'affriolantes lingeries sexy. Elle et sa nouvelle copine, l'effervescente Bobbie, se posent des questions... Oh bien sûr, on a dépoussiéré le sujet originel du livre d'Ira Levin. Exit la charge contre le communisme, exit également la conclusion pessimiste du roman. Et place donc à des décors sucrés, une image qui sent bon la guimauve, avec une réalisation mollassonne de Frank Oz (la voix de Yoda dans Star Wars, mais aussi réalisateur de In & Out, Dark Crystal ou encore L'Indien dans le Placard…). Les bons points du film sont à chercher ailleurs, dans des situations cocasses, avec des personnages goûteux (Bette Midler en tête de gondole, si j'ose dire), une musique adéquate et c'est tout. Mais c'est suffisant pour se divertir. Oz n'est pas un magicien (oui, je sais, c'est nul comme vanne) mais un bon artisan.
Spooky


AÏE ! BOBO !

Le moins que l'on puisse dire est qu'on l'attendait, ce film. L'adaptation de l'œuvre la plus populaire de l'un des meilleurs auteurs de SF de tous les temps, par un réalisateur visionnaire qui a su nous surprendre dans le passé avec The Crow et surtout Dark City. A l'arrivée, la déception est grande. Tout d'abord, ce n'est pas une adaptation d'un ouvrage d'Isaac Asimov, mais plutôt un collage entre plusieurs de ses nouvelles, qui forment le multivers -ou le cycle-, selon les appellations- des Robots. Ensuite, le personnage principal, incarné par Will Smith (vous savez, le mec qui prend à lui seul la moitié de l'affiche), apparaît dans un autre roman de l'auteur, seulement "rattaché" à ce multivers. La véritable héroïne du cycle est le Dr Susan Calvin, Robopsychologue, ici incarnée par Bridget Moynahan (vue dans La Recrue). Mais hélas, ce personnage a ici un rôle de faire-valoir, pour un Del Spooner (Smith) survitaminé et surhumain, c'est le cas de le dire. Del Spooner est un flic hors normes, une tête brûlée (un Will Smith, quoi) qui voue une haine viscérale pour les robots, dont la présence emplit désormais le quotidien en cette année 2035. Des robots dont tout le comportement est réglé par les fameuses Trois Lois de la Robotique, édictées par Asimov dans ses bouquins (et dont se servent les constructeurs de robots actuels, paraît-il) ; Loi numéro un : Un robot ne doit pas causer de tort à un humain ou, restant passif, laisser un humain subir un dommage. Loi numéro deux : Un robot doit obéir aux ordres d'un humain, sauf si l'ordre donné peut conduire à enfreindre la première loi. Loi numéro trois : Un robot doit protéger sa propre existence aussi longtemps qu'une telle protection n'est pas en contradiction avec la première et/ou la deuxième loi. Tout l'intérêt des écrits d'Asimov résidait dans la façon dont on peut détourner ou contourner ces trois lois, sans affecter la logique. Spooner est appelé sur les lieux où un haut responsable de la firme US Robotics (le fabricant unique de robots) s'est défenestré. Dans le bureau d'où le Pr Lanning (James Cromwell - Babe) a sauté, Spooner débusque un robot dernière génération, Sonny, qui dit être capable d'éprouver des sentiments. Spooner pense qu'il a poussé Lanning dans le vide. Dans son enquête, il croise la route du Dr Susan Calvin, la robopsychologue, persuadée que l'on ne peut enfreindre les trois lois, et le propriétaire de US Robotics, incarné par Bruce Greenwood (Fusion-The Core et Abîmes), au jeu trouble. Sur cette trame assez convenue (écrite par Jeff Vintar -l'hermétique mais beau Final Fantasy, et Akiva Goldsman -Peur bleue, Un homme d'exception, Starsky & Hutch, Les Chroniques de Riddick…), on assiste à un déferlement d'effets spéciaux du niveau de Minority Report, avec l'âme en moins. Il y a finalement peu d'acteurs dans I, Robot (j'en ai compté sept parlants), mais les seconds rôles font assez bien leur boulot, y compris le robot Sonny, pas trop mal fait. La quasi-totalité des scènes voit Will Smith (pas désagréable -comme acteur- au demeurant) dans des scènes faites pour lui : Smith sous la douche, Smith au réveil, Smith conduisant une moto, Smith dans une voiture trop cool de la mort qui tue, Smith qui vole, Smith qui sort ses habituelles répliques censées être drôles… On a échappé à Will Smith qui fait pipi, et à Will Smith en train de se brosser les dents, mais c'est juste parce qu'il n'y avait pas de sponsor. Car I, Robot est aussi un gigantesque spot publicitaire : JVC, Audi, Converse, Suzuki, FedEx… Ca me rappelle Taxi et Seul au Monde, tiens… Pour le reste, on a droit à une succession de scènes certes spectaculaires, mais pas vraiment inventives. Le logiciel Massive, qui a fait ses preuves sur Le Seigneur des Anneaux, fait bien des miracles, mais ne permet pas vraiment d'apprécier les scènes de combat ou de déplacements de foule. J'ai apprécié certaines scènes, comme cet effet "Space Mountain" lors de l'affrontement final, mais le popcorn style prime trop sur l'inventivité à mon goût… La plupart des plans, mais aussi certains éléments narratifs, sont "piqués" à de nombreux films récents : Matrix, Le Seigneur des Anneaux (sur un plan), Terminator, Blade Runner, Minority Report… Mais au lieu de se tourner vers la parodie multi-référentielle, le film garde son sérieux sur la longueur, seulement entrecoupé par des running gags de Smith (assez inégaux, en fait), ce qui en fait un blockbuster boursouflé, sans imagination et convenu. Où est passé l'artisan inventif et visionnaire de Dark City ? Probablement étouffé par les studios, Alex Proyas ne nous livre là qu'un film de commande, entièrement tourné vers le spectacle et l'acteur principal, ce qui est une trahison assez incroyable de l'œuvre d'Asimov. Un film réalisé par un robot, en quelque sorte.
Spooky
DEPRIM-MAN

Tout commence fin décembre 2003, je suis assis dans la salle de cinéma, attendant de voir enfin le Retour du Roi quand les bandes annonces se mettent à défiler. Rien de bien folichon… Master and Commander mouais bof sans moi… Paycheck euh non sans façon… et là… Peter Parker et Mary-Jane Watson apparaissent, attablés dans un café, elle lui demande de l'embrasser, il s'approche, il va le faire et tout à coup le temps semble s'arrêter, le sens d'araignée de Peter lui permet tout juste d'anticiper le danger qui arrive par derrière. Il plonge sur MJ et la sauve in extremis de la voiture qui vient de traverser la vitrine du restaurant, projetée par les tentacules surpuissantes d'un Docteur Octopus plus qu'impressionnant !

C'était le premier teaser du second volet de Spider-Man. Le début d'une longue attente aussi. Et me voici le 14 juillet, jour de sortie de Spider-Man 2, assis dans la même salle qu'en décembre, prêt à voir les nouvelles aventures cinématographiques de mon arachnée favorite.

J'avais adoré le premier film, voir évoluer sur un grand écran le héros qui avait bercé ma jeunesse et mes lectures strangesques m'avait procuré des sensations très fortes. J'étais redevenu un gamin pendant deux heures, et ça m'avait fait un bien fou. Le problème c'est que les suites des films à succès sont souvent l'objet de beaucoup d'attentes et de pas mal de déception à l'arrivée. Et bien cette inquiétude a été balayée très vite, dès les premières images du film. Spider-Man 2 est un film riche, jouant sur plusieurs niveaux, et chose rare dans les adaptations super-héroïques, conserve parfaitement l'esprit du comic d'origine.

Le FOND
Peter Parker a grandi, il a appris à mieux gérer sa condition de héros, ce n'est plus le jeune homme du premier film qui découvrait ses pouvoirs en même temps que le spectateur. Il a quitté le lycée pour devenir étudiant en sciences, et tente tant bien que mal de concilier ses études, ses petits boulots pour gagner de quoi vivre, et sa double identité de super-héros… Comme d'habitude pour Peter rien n'est simple, et sa vie privée ne fait pas bon ménage avec son costume d'homme-araignée. C'est tout l'enjeu du film : la position que va adopter Peter, les choix difficiles qui l'attendent, et son pire ennemi, celui que son sixième sens n'avait pas détecté, le doute.

En ce sens, Spider-Man 2 est surtout et avant tout l'histoire de Peter Parker. Certains apprécieront cette façon d'aborder le film, pour la profondeur que cela apporte au personnage-titre et tout l'aspect émotionnel qui renforce l'attachement et l'identification à Spidey. D'autres se sentiront peut-être trompés sur la marchandise, car ce ne sont pas les scènes d'actions qui prennent le pouvoir dans ce film, mais bel et bien les motivations des personnages, les liens et les relations qui les unissent. Ça ne veut pas dire que le film manque de scènes d'action, ou que celles-ci soient mauvaises, bien au contraire. Simplement elles ne sont pas l'intérêt principal de Spider-Man 2.

Comme pour souligner que l'on assiste à une histoire humaine avant d'être sur-humaine, Spider-Man ôte souvent son masque au cours du métrage. Au premier abord d'ailleurs, cela m'a assez étonné, habitué que je suis à lire ses aventures où l'un des principaux risques qu'il court est justement de se faire démasquer. Mais quand il tombe le masque dans le film de Sam Raimi, c'est toujours pour une bonne raison. Raison pratique : son masque est endommagé ou à moitié brûlé, il le gêne plus qu'autre chose. Raison plus émotionnelle : lorsqu'il se démasque devant Harry, faisant d'un coup avancer la relation amitié/haine entre les deux jeunes hommes, et créant comme un électro-choc chez Harry, ce qui loin de le remettre d'aplomb, semble le plonger un peu plus loin dans la folie vengeresse. Mais de façon plus générale, toutes les scènes où Peter apparaît costumé mais sans masque révèlent un point important : Peter Parker et Spider-Man sont une seule et même personne. Cela paraît bête à dire comme ça, et pourtant … ce n'est pas si anodin que cela. On est loin d'un Superman qui "joue le rôle" de Clark Kent dans le civil, ou d'un Bruce Wayne qui se “déguise" en Batman pour laisser place à sa violence limite schizophrénique. Non, Peter Parker n'est pas schizo, jamais. Il ne triche pas, d'ailleurs le mensonge le ronge intérieurement : il le coupe de MJ, il le culpabilise face à Tante May. Logique donc qu'il adopte la solution la plus "héroïque", du moins celle qui demande le plus de courage : dévoiler sa double identité. Une sorte de coming-out arachnéen finalement…

Autre séquence plutôt étonnante du film, celle du métro aérien. Du point de vue action tout d'abord, elle est tout bonnement époustouflante. D'aucuns diraient exagérée, car effectivement Spider-Man arrête tout de même un train lancé à pleine vitesse !! Du point de vue de ses relations avec les new-yorkais ensuite… la scène où il est porté et protégé par la foule passe beaucoup mieux selon moi que dans le premier film quand la foule défend Spider-Man face au Bouffon Vert. D'abord parce que ce gamin vient de les sauver d'une façon plutôt impressionnante, normal que les gens prennent fait et cause pour lui. Ensuite parce qu'ils s'étonnent en découvrant son visage de sa jeunesse… on peut imaginer un certain sentiment de honte des adultes face au gamin qui fait preuve de tant de courage. Et cerise sur le gâteau : là où le Bouffon était fragilisé par cette rebellion de la foule, Octopus n'en a cure et envoie tout le monde valdinguer comme si de rien n'était avec une belle ironie.

J'ai lu et entendu dans les réactions face au film sur internet ou à la sortie de la salle un reproche que j'ai trouvé injuste. Le film, et plus particulièrement Peter Parker ont souvent été qualifiés de "naïf". Je crois qu'il ne faut pas confondre être gentil et être naïf. Le cynisme empêche parfois de faire la part de choses. Les "bons sentiments"… ça devient presque une expression insultante ! Spidey ne tue pas, Spidey est bon et il a une certaine morale. Le mot est lâché : la morale donne des boutons à beaucoup de gens parce qu'elle est très souvent associée au contexte judéo-chrétien, à la religion. Il fait ce qu'il croit juste sans en faire un dogme, et surtout se pose des questions perpétuellement sur ce qu'il fait. Ce type de morale réfléchie et non refermée sur elle-même ne me choque pas. En cela, Spider-Man est très humain, et c'est même une de ses qualités premières : il sait se remettre en question. Alors ceux qui trouvent le film trop guimauve, trop bon enfant, trop naïf, je les renvoie à la lecture de Spider-Man. Que ce soit dans les tous premiers épisodes de 1963 ou ceux d'aujourd'hui, Peter Parker a toujours été un "gentil". Le personnage est comme ça, si on aime Spider-Man je crois que c'est aussi pour son côté idéaliste quoi qu'il arrive. C'est donc un faux procès qu'on peut faire au film, selon moi le caractère des personnages principaux est vraiment bien respecté par Sam Raimi.

Les PERSONNAGES
Comme pour le premier film, Tobey Maguire incarne un Peter Parker extrêmement convaincant, proche de l'homme de tous les jours (donc auquel on peut s'identifier facilement, et pour lequel on a naturellement de la sympathie), jouant sur le registre de la comédie, des sentiments et de l'action avec une crédibilité égale. Kirsten Dunst, dans le rôle de Mary-Jane a évolué depuis le premier épisode. Plus posée, plus adulte, elle reste cependant le point faible selon moi du film. Pas par la prestation de l'actrice, mais tout simplement par ce qui a été fait de son personnage. La MJ du comic et celle du film sont très différentes. Cela provient à mon sens surtout du fait que dans le film on a "mixé" deux personnages du comic en un seul à l'écran : Mary-Jane Watson et Gwen Stacy. Mary-Jane y a perdu en force de caractère et en joie de vivre par rapport à ce qu'elle représente dans la BD.
Alfred Molina en Doc Ock est tout bonnement excellent ! Il est remarquable aussi bien en scientifique sympathique qu'en ennemi impitoyable du tisseur. Et Octopus en action enterre définitivement le Bouffon (bien nommé) qui était selon moi la fausse note du premier film. Le savant fou est vraiment impressionnant. Au point qu'on en vient à regretter son faible temps de présence à l'écran, j'aurais aimé le voir un peu plus. Encore une fois le méchant incarne d'une certaine façon " l'image du père " comme c'était déjà le cas de Norman Osborn. Ce thème a toujours été l'un des plus importants dans les histoires de Spider-Man, Peter l'orphelin a toujours eu des relations contrariées avec les hommes à l'image paternelle (Oncle Ben dont il se rend responsable de la mort et qui lui a légué sa maxime "de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités", leitmotiv du héros, Norman Osborn qui le prend sous son aile ainsi que Otto Octavius modèle du scientifique humaniste dont Peter se sent très proche).

Quant à tante May, elle est au centre de deux scènes totalement à l'opposé l'une de l'autre.
1. Son discours dans le jardin sur le héros qu'on a tous en nous, sa fierté de Peter, les sous-entendus surlignés au marqueur fluo pour lui faire comprendre qu'elle a changé d'avis sur Spider-Man (et qu'elle n'est pas dupe… tout laisse à penser qu'elle a fait le rapprochement avec Peter) : long, trop appuyé, moralisateur à outrance (dans le mauvais sens du terme cette fois-ci).
2. La scène pleine d'émotion où elle donne à Peter 20 dollars pour son anniversaire alors qu'elle a de graves problèmes d'argent : touchant, simple, profondément humain, vraiment émouvant. Des deux scènes la première m'a plutôt gêné, alors que j'ai trouvé la seconde complètement réussie… on oscille entre l'envie de l'adorer et de la fuir cette vieille tante !!

Les CLINS D'ŒIL
Sam Raimi a truffé son film de clins d'œil amusants à découvrir, en voici quelques uns comme ça au passage… À tout seigneur tout honneur… Stan Lee a évidemment droit à un caméo d'une demie-seconde, comme cela avait déjà été le cas dans le premier Spider-Man (pour info c'est le vieil homme qui sauve une petite fille lors de la scène de l'enlèvement de May par Doc Ock, quand des débris du bâtiment tombent sur les passants). Un autre acteur déjà "de passage" dans le premier opus : Bruce Campbell, vieil ami de Raimi, incarne avec un certain humour le vigile à l'entrée du théâtre de MJ, celui qui refuse de laisser entrer Peter arrivé en retard pour le début de la pièce. Rappelez-vous, c'était déjà lui qui tenait le rôle du présentateur du match de catch il y a 2 ans … Outre le fait que Campbell était le personnage principal de la trilogie Evil Dead de Sam Raimi, le réalisateur propose un autre clin d'œil de choix à ses films d'horreur pour ses fans : la scène du réveil de Octopus à l'hôpital a l'air toute droiet sortei de Evil Dead ! Les bras mécaniques qui font un vrai massacre avec les médecins et les infirmières, la tronçonneuse (drôle d'instrument chirurgical !!), les ongles de l'infirmière rayant horriblement le sol, le Doc Ock qui parle à ses tentacules vivantes … Raimi se fait visiblement plaisir ! Moins accessible au public français, dans la scène de l'ascenseur le réalisateur fait référence à la série télé gay "Queer as folk us". En effet Spidey partage l'ascenseur avec l'un des personnages principaux de la série, qui dans cette sitcom est un fan… de comics justement, et qui associe son amour pour les hommes à sa passion pour les super-héros. Spidey icône gay ?

D'autres clins d'œil émaillent le film, en rapport direct avec le comic book : on voit plusieurs fois le Docteur Connors (le professeur de biologie manchot de Peter) qui n'est autre que le Lézard (ennemi récurrent de Spider-Man), on aperçoit Betty Brant la secrétaire du Daily Bugle avec qui Peter a eu une relation amoureuse au tout début de la série, John Jameson, fils du rédacteur en chef et patron de Peter fait son apparition (il devient lui aussi un des ennemis du tisseur sous les traits d'un loup-garou… … et bien sûr le meilleur pour la fin : Jonah J. Jameson (incarné par JK Simmons), absolument parfait de ressemblance avec le personnage du comic. Dans l'excessif permanent, exactement comme on l'aime. Une très belle image également, tout droit sortie de l'épisode 50 de Amazing Spider-Man (1967) : quand Peter abandonne son costume de Spidey dans une poubelle, résolu à ne plus jamais être un super-héros… (cf. image)

SPIDER-MAN 3
Ce n'est pas une surprise, le troisième film est actuellement en route pour arriver au plus tôt sur nos écrans (2006-2007). Aujourd'hui, si le producteur Avi Arad a déclaré qu'il ne verrait aucun inconvénient à en faire une dizaine, on se dirige de plus en plus non vers une trilogie mais vers une franchise de 5 films. Il en est fortement question, bien que tout ceci reste tributaire de nombreux facteurs. Le premier étant l'engagement des acteurs. Ils avaient tous donné leur accord dès le départ pour 3 films dans l'éventualité d'un succès du premier. Tobey Maguire avec ses problèmes de dos (et oui, il n'y a pas que Jean Rochefort !) avait déjà fait planer des doutes sur sa participation au second film. Kirsten Dunst a pour sa part d'ores et déjà annoncé qu'elle ne désirait pas apparaître dans plus de 3 films. Quant à Sam Raimi, il a finalement rempilé pour la seconde suite mais à aucun moment il ne parle d'aller plus loin. Alors que peut-on envisager comme suite possible pour le prochain film ? La fin de Spider-Man 2 laisse imaginer Harry Osborn prendre le relais de son père, maintenant qu'il a découvert tout l'arsenal du Bouffon Vert. Les fans quant à eux espèrent l'arrivée d'un des ennemis les plus farouches de Spidey, et emblématique des années 90 : le symbiote Venom. Difficile cependant d'introduire ce personnage en gardant ses origines identiques à celles du comic. Venom est un costume-symbiote extra-terrestre (une espèce de parasite surpuissant en quelque sorte) que Spidey avait ramené d'une virée dans l'espace il y a bien longtemps. Le symbiote s'était associé au journaliste raté Eddie Brock (mentionné dans le premier film …) quand Peter l'a rejeté, et cela a donné le monstre Venom. Il faudrait donc modifier ses origines, et pourquoi pas l'associer à l'astronaute John Jameson qui a également une bonne raison d'en vouloir à Parker depuis la fin du second film… Mais Sam Raimi a depuis longtemps déclaré ne pas aimer le personnage de Venom, donc il y peu d'espoir de ce côté là. Par contre, le Lézard, alter-ego maléfique du Docteur Connors introduit dans le second épisode, semble être une bonne piste à suivre dans l'avenir… une association avec un nouveau Bouffon vert ne m'étonnerait pas plus que cela… et visuellement le Lézard serait un très bon choix si les effets spéciaux sont à la hauteur de ceux qui ont permis à Octopus de prendre vie. Quant aux héros, les scénaristes auront peut-être dans l'idée de se débarrasser du personnage de MJ (puisque Kirsten Dunst veut arrêter)… et dans cette éventualité pourquoi ne pas imaginer un triangle amoureux autour de Peter. Avec peut-être Betty Brant entraperçue dans le film, ou même un nouveau personnage issu de la BD : Gwen Stacy en personne… (le premier amour de Peter, tuée lors d'un combat contre le Bouffon Vert). Je penche même pour une fin de trilogie plus sombre, avec la mort de MJ, ce qui renverrait au mythique épisode de Amazing Spider-Man (#121) narrant la mort de Gwen.

Bref, Raimi et ses scénaristes n'ont que l'embarras du choix pour nous concocter le troisième épisode du tisseur au cinéma… Il n'y a qu'à puiser dans les 40 années d'histoires de Spider-Man ! Une chose est sûre : je ferai partie des spectateurs !!

Marv'



Fenetre AVEUGLE

Il y a des associations, comme ça, qui font saliver. Prenez l’un des meilleurs scénaristes actuels du fantastique, David Koepp (Jurassic Park, Hypnose, Spider-Man, Panic Room…), mettez-le sur un projet d’adaptation d’une novella de Stephen King, maître de l’épouvante, et amenez dans l’aventure l’un des meilleurs acteurs du moment, Johnny Depp. Remuez le tout… Chambre secrète, c’est le titre français du film, raconte l’histoire d’un écrivain reclus qui reçoit la visite d’un étrange individu qui l’accuse de lui avoir volé son histoire. Finalement le soufflé est retombé. Depp est un acteur excellent, qui porte (encore une fois?) le film à bout de bras. Le reste du casting est assez quelconque, à part John Turturro (...) qui joue le rôle de John Shooter, l’écrivain du Mississippi qui vient réclamer son dû à Depp (Mort Rainey dans le film). Avec son accent traînant du Sud et son regard dément, il est convaincant dans cette histoire qui oscille entre La Part des Ténèbres et Misery, deux succès de King, adaptés par le passé avec plus de bonheur. Signalons la présence de Timothy Hutton, héros de La Part des Ténèbres, justement. Mis à part ça, la réalisation est sobre, trop frileuse même, le scénario assez prévisible ; visiblement Koepp comptait sur le charisme de sa vedette pour amener les spectateurs. Une légère déception, donc, au vu des potentialités offertes en début d’article.

Spooky


WHO’S WATCHING THE WATCHMEN ?

New York, 1985. Suite au vote d’une loi, les super héros ne peuvent plus exercer leur justice. Sur fond d’une guerre nucléaire menaçante, Edward Blake, alias « Le comédien », est retrouvé mort, assassiné. Rorschach, détective complètement psychotique caché derrière un masque aux formes mouvantes, soupçonne quelqu’un de vouloir éliminer les anciens super héros et part prévenir ses anciens compagnons… auprès desquels il ne rencontre qu’indifférence, incrédulité, hostilité. Et tandis qu’au fil des pages les aiguilles de l’horloge approchent de minuit, l’incroyable mécanique se révèle dans toute sa démesure.. Le génie a ceci de particulier qu’il est incomparable. Déjà avec “From Hell”, Alan Moore nous laissait époustouflé. Mais avec “Watchmen”, on reste hagard, assommé, ahuri. “Watchmen” dépasse de plusieurs ordres de grandeur l’écrasante majorité de tout ce qui existe actuellement en bande dessinée. Moore veut faire quelque chose ? Qu’à cela ne tienne, il se lance dedans corps et âme, et sans compromission réalise ce qu’il veut faire comme il le veut, le jet sur le papier d’un esprit démesuré qui brasse concepts et narration avec une aisance facile, comme si cela lui était naturel depuis toujours. De quoi rappeler à l’humilité beaucoup de créateurs, tous domaines confondus. (vous aurez compris que ceci est mon impression, pas nécessairement la réalité). Car “Watchmen”, c’est un monument. Rien que par la taille : à l’origine 12 livrets d’une bonne trentaine de pages, agrémentés à chaque fois d’un petit dossier complémentaire, le tout regroupé en une intégrale de 400 pages, cela promet une lecture longue. Très longue. “Watchmen” parle (entre autres !) de super-héros. Mais de super-héros vieux, usés, dépassés, à la retraite. De super-héros plus jeunes aussi, mais mis à l’écart, oubliés, soumis à la loi, et eux aussi perdus, désorientés. De super-héros humains, qui doivent faire de la musculation, s’entraîner incessamment pour rester en forme. De super-héros qui, comme Rorschach, n’ont rien de super-héroïque mais sont au contraire complètement humains. De super-héros qui malgré tout présentent une différence avec l’humanité, ce qui soulève immédiatement le problème de la différence, de la cohabitation, du rejet, thème qui est présent en toile de fond dans “Watchmen”. Ouvrage apparemment fondateur, le sujet a depuis été repris par bien d’autres (voir “Powers” et “Kingdom Come”, entre autres), preuve de l’originalité et de l’intérêt de la chose, comme pour Tolkien dans un domaine voisin. Malgré tout, l’intrigue principale paraît mince, a posteriori, et on pourrait même le résumer en quelques petites lignes. Car ce qui fait l’incomparable richesse de “Watchmen”, ce n’est pas le fil directeur de l’album, enquête certes bien menée, intéressante, mais finalement pas renversante. Non, ce qui fait cette richesse, c’est l’incroyable galerie de ces personnages absolument superbes, l’absolu cynisme d’Alan Moore, qui à travers ce livre nous jette à la face un regard froid et réaliste sur notre monde, sur la politique à grande échelle, sur nous en tant qu’humains, sur nos croyances et leurs raisons d’être. Sans entrer dans les détails, ce serait long et lassant, chacun des personnages principaux a une personnalité extrêmement marquée et marquante, symbolisant de façon parfois à peine couverte diverses notions pas du tout édulcorées (cf le Docteur Manhattan, quasi-omnipotent, et pourtant presque totalement impuissant, l’image même de Dieu, comme cela est suggéré tout du long). Moore, sous des dessous de fiction, la joue ici à la dure, à la réaliste, à la crédible, que même les meilleures saisons de X-Files peuvent aller se rhabiller. De plus, les petits dossiers à la fin de chaque chapitre (dont la lecture est largement dispensable la première fois) sont très intéressants. Adoptant le point de vue de différents personnages (le Nite Owl original, le professeur Milton Glass...), ou montrant des documents annexes (coupures de journaux, casier judiciaire de Rorschach...), ils permettent de creuser l’univers dépeint, de lancer de nombreuses pistes pour le lecteur intéressé, et tout simplement d’entrer encore plus dans l’œuvre et la réflexion associée. Loin d’être superflus, ils sont réellement enrichissants. Rien que cela fait de “Watchmen” une lecture démesurément riche, trop en tout cas pour tout saisir en une seule fois. Mais ce n’est pas tout. Il y a la mise en scène... elle aussi d’une richesse impressionnante... Découpage (pourtant a priori très austère, basé sur un gaufrier 3 x 3), cadrages, symboles leitmotivs, scènes en arrière-plan, utilisation d’une thématique pour chacun des douze livrets (c’est particulièrement visible pour le chapitre 4, sur Docteur Manhattan), chevauchement de la narration pour deux histoires différentes (le comics que lit le gamin, où le héros essaie déséspérément de revenir à Davidstown, dont les textes s’appliquent également — mais avec une autre signification — à l’histoire en cours, et dont le final éclaire cette même histoire d’une lumière intéressante), doubles-sens en pagaille (graphiques et textuels), etc. Bref, au niveau de la composition, c’est là encore impressionnant... La facilité avec laquelle cela semble être fait rappelle d’ailleurs un peu David Lodge, qui n’hésite pas à utiliser allègrement à sa façon les genres littéraires existants. Les couleurs par contre, il faut bien le dire, sont absolument ignobles. Palette chromatique plus que limitée et pétante à déchirer les yeux, aplats massifs, c’en est presque repoussant. Et le dessin, pas mauvais mais très standard façon comics quelconque, n’arrange pas vraiment les choses. Si l’on devait noter cette œuvre, cela donnerait à peu près ceci :
- richesse de l’œuvre : 5/5
- mise en scène : 5/5
- dessin : 3/5
- couleurs : 1/5
- plaisir de lecture : 4,5/5


Un dernier mot, sur la comparaison qui semble être faite par certains de “Watchmen” et “Kingdom Come”. Les deux ont en commun une certaine thématique (l’intégration des super héros parmi l’humanité, avec tous les problèmes que cela comporte, aux niveaux personnel et politique), mais là où le premier présente une véritable richesse littéraire dans sa forme, rare même parmi les meilleurs romans, et profitant bien de la spécifité du médium bande dessinée, là où on sent l’esprit d’horloger d’Alan Moore avec un regard d’une profondeur fascinante, critique, cynique, décortiquant notre monde pour le retranscrire, le second — bien qu’à mon avis excellent — est très nettement plus terre à terre, plus premier degré... Mais à lire tout de même.

CoeurdePat


FEARMASTER

L’Horrorus rex de la littérature mondiale va bientôt tirer sa révérence, en tant qu’écrivain. Mais d’ici là le mois de février nous livre son King annuel en France. Roadmaster (From a Buick 8 en VO) nous conte comment l’irruption d’une créature ressemblant à une vieille automobile customisée dans un poste de police de l’ouest de la Pennsylvanie va bouleverser la vie de beaucoup de habitants. Statler, 1979. Une Buick 8 (déjà un modèle ancien) s’arrête à la station-service locale. Le conducteur se dirige vers les toilettes, mais ne réapparaît pas. Le poste de police voisin récupère le véhicule et le garde sous séquestre dans un hangar. L’examen révèle l’impossible : il ne s’agit pas d’une automobile, ne comportant aucune pièce mécanique. Le propriétaire ne se manifestant toujours pas, la Roadmaster reste sous séquestre. Mais au fil des années, d’étranges incidents surviennent, en lien avec la Buick : disparitions d’animaux (et même d’humains), chutes de température, shows son et lumière, apparitions de créatures de cauchemar dans son coffre… Au fil des 23 années qui suivent, les membres de la Compagnie D (dénomination officielle des membres de ce poste de police) apprennent à haïr et craindre ce qui se trouve dans le Hangar B, en même temps qu’ils sentent son appel. Car la Roadmaster vit. Ceux qui ont lu/vu Christine et Un Tour sur le Bolid’ sentiront un goût de déjà-vu dans cette histoire de bagnole de collection diabolique. Mais que voulez-vous, l’automobile est une partie importante de l’American Way of Life, et King est l’un des plus beaux fleurons de la culture popcorn/hamburger/bière. Sans être exceptionnel, ce roman s’avère de bonne facture.

Une histoire à vous glacer les os, écrite par un mec qui sait accrocher le lecteur, pour peu que vous soyez preneur de ce genre. J’ai réellement failli rendre tripes et boyaux lors de certains passages ; j’ai écrasé une larme à la mort de la mort déchirante de Mister Dillon, la mascotte de la Compagnie D. Gros bémol, les créatures lovecraftiennes crachées par la Roadmaster ne sont pas vraiment convaincantes. Pour le reste, c’est du pur King : instillation de la peur par petites touches, informations anticipant l’avenir émaillant le récit, langage familier et métaphores faisant mouche… Le mode de narration est le point fort du semi-pavé (444 pages chez Albin Michel) : les événements sont vécus par 15 ou 20 personnes, on se retrouve donc avec 5 ou 6 narrateurs principaux. Cela permet un traitement de l’information différencié, une vue plus globale de l’histoire sur certains passages. Autre motif kingien : l’utilisation de traumatismes personnels comme nœuds de l’intrigue. En l’occurrence, le fait que King ait été fauché par une voiture dont le conducteur était ivre sur une petite route de campagne il y a quelques années. Dans Roadmaster, c’est l’un des policiers tenant un rôle prépondérant qui en est victime. On peut citer la découverte, étant enfant, d’un cadavre dans la forêt, qui est devenu le point d’ancrage de la nouvelle Le Corps (Stand by Me, très bon film de Rob Reiner). Une catharsis comme une autre.

Spooky


REVERIE

L’invitation au voyage commence dès la couverture. Un paysage dépouillé, où Lisa et William nous invitent à les suivre dans cet album exceptionnel. Une intention louable apparaît dès cette couverture magnifique : celle de l’humilité. Le nom des auteurs n’apparaît pas, laissant un maximum de place à la beauté intemporelle de l’image. Dargaud avait déjà fait le coup un an plus tôt pour le tome 1 de Kabbale, de Grégory Charlet. Alors on est intrigué, on aimerait savoir qui se cache derrière cette couverture à la fois spartiate et fascinante. Et on ouvre la BD. Une ambiance de vacances, un cadre enchanteur qui charmerait n’importe qui. L’ensorcellement agit à plusieurs niveaux. Le dessin, sans être exceptionnel, est empreint d’une poésie des formes, tout en rondeurs. La plupart des cases sont extrêmement travaillées, certaines sont incroyablement belles. Les corps ont subi l’influence de l’ »Ecole Vatine », comme je l’ai lu quelque part, c’est-à-dire une décontraction apparente dans le trait, qui dégage une impression primesautière, quasi enfantine. Les visages des personnages sont très expressifs, ce qui est logique, car Olivier Pont a fait ses armes dans la BD d’humour, chez Vents d’Ouest. Les décors sont à couper le souffle, comme en témoigne l’à-pic de la couverture. Rajoutons un travail très soigné sur les couleurs chaudes, des dégradés fort impressionnants, et l’on obtient un album à la picturalité incroyable. Le scénario. Sur fond d’histoire pagnolesque (des « étrangers » tentent de s’intégrer dans une petite communauté méridionale), on suit une intrigue doucement teintée de fantastique, avec des séquences oniriques –pour l’heure- absconses. Le récit coule de (Manon de la) source, on se laisse bercer par les couleurs chaudes, le rythme lénifiant, ces moments de pure joie enfantine sur les pas de Lisa et William. Mais les séquences (oniriques ?) dessinées dans un style plus brut et narrées de manière hachée ne peuvent qu’entraîner des interrogations : qui « rêve » ? Pourquoi l’acteur semble-t-il être une personne différente d’une fois sur l’autre ? Et, pour revenir à l’intrigue principale, quels sont les réels pouvoirs de Lisa ? D’où elle et son père viennent-ils réellement ? Où va-t-elle à la fin de ce premier tome ? Que signifie ce puma que voient les quatre enfants ? Que de questions alléchantes qui devraient trouver leur réponse dans le second tome, conclusif. Parlons du titre, à présent, et de sa… portée. A l’évidence, il désigne un lieu. Véritable, fantasmé, imaginaire ? S’agit-il, comme le suggère la couverture, d’un lieu simplement hors de vue, ou plus prosaïquement hors des bords (physiques) de la BD ? Ou s’agit-il du lieu où la mixture préparée par Lisa emmène les quatre enfants, un lieu où se trouve peut-être la clé de leur lien si particulier (et pourtant non encore dévoilé) ? Serait-ce le lieu où Lisa part, au-delà des mers ?
Un autre questionnement apparaît en arrivant à la fin de ce tome 1 ; à côté de la signature des auteurs se trouve la mention « 1999 ». Est-ce à dire que ceux-ci ont mis près de cinq ans pour trouver un éditeur ? Ou alors, ont-ils voulu peaufiner leur œuvre –jusqu’ici- maîtresse afin de la sortir dans les meilleures conditions éditoriales possibles ?
Spooky

OPEN RANGE

Quatre convoyeurs itinérants de bétail s’arrêtent à Harmonville. Mais leur présence est vue d’un sale œil par Baxter, le gros rancher local (interprété par Michael Gambon, le Dumbledore du prochain Harry Potter), qui décide de faire un exemple. Mais la correction tourne au drame, et l’un des itinérants est blessé, un autre tué. Les deux plus anciens, Charley Waite (Costner) et Boss Spearman (Robert Duvall) décident d’agir. Leur douleur et leur colère touchent Sue Barlow (Annette Bening), la sœur du médecin local, chez lequel ils se sont réfugiés. Ils trouvent d’autres alliés parmi les habitants, lassés par la tyrannie de Baxter et la brutalité de ses hommes de main. On croyait que le western classique était mort avec Blueberry. On avait tort. Quelques semaines après la sortie de l’expérience mystique de Jan Kounen, Open Range apporte un démenti magnifique à cette crainte. Il est réalisé par Kevin Costner, dernier tenant avec Clint Eastwood d’un genre devenu –malheureusement- mineur dans la production cinématographique actuelle. Sur ce canevas classique, donc, écrit par le scénariste d’Impitoyable, Costner utilise les éléments qui ont fait le succès et la popularité de son chef-d’œuvre, Danse avec les Loups. A savoir un sens incroyable des grands espaces, une grande sensibilité, qui ne verse pas dans le larmoyant ou le fleur-bleue, un amour immodéré du genre, et surtout un réalisme formel et narratif trop souvent absent dans les westerns. Pour illustrer ce dernier élément, je citerai cette scène de fusillade où l’on voit –dans le même plan, sans mouvement de caméra ou presque- le tireur lâcher une balle et l’impact de cette balle, à quelques centimètres du visage de son adversaire. De même, les scènes de fusillade ne durent pas des heures, mais connaissent des sommets paroxystiques, et des vides abyssaux… Bref, une cohérence louable dans les faits. Contrat rempli au niveau du rythme donc, mais aussi des décors (certains plans relèvent de la poésie pure). La musique est également très bonne, même si Michael Kamen n’atteint pas le niveau d’envoûtement de John Barry pour son score de Danse avec les Loups. Costner partage –avec brio- l’affiche avec Robert Duvall et Annette Bening, deux acteurs formidables largement sous-exploités ailleurs, hélas…
Une réussite qui serait totale, s’il n’y avait pas cette fin à rallonge, destinée à donner plus de présence à l’écran à Annette Bening, superbe actrice, reconnaissons-le. Un peu inutile, même si la scène en question n’a pas de défaut particulier. Open Range est donc un classique instantané, pas un chef-d’œuvre.


LE COBAYE 3

« Librement adapté de la BD Blueberry », nous dit-on pendant le générique du film du même nom. Très librement, pourrait-on dire, car le long métrage de Jan Kounen n’a pas grand-chose à voir avec les deux albums de Charlier et Giraud censés avoir été adaptés. Seuls subsistent les personnages et un semblant de trame. Ainsi nous retrouvons-nous dans une petite ville de l’Ouest typique, où Blueberry, Marshall, s’efforce de faire régner l’ordre avec l’aide de son vieil ami Jim Mc Clure (Colm Meaney, The Van). Mais la découverte de montagnes soi-disant remplies d’or par un marginal prussien va changer la donne. Et faire rejaillir le passé du Marshall, qui a autrefois été initié aux rites chamaniques des Indiens du coin. Cette intrusion des sciences occultes sert d’alibi à Kounen, qui en fait deux séquences très impressionnantes. Orientation surprenante, mais surtout très discutable, car Blueberry est avant tout un western très classique (je parle de l’œuvre originale), utilisant tous les codes du genre. Là on a droit à un western qui bascule dans le trip new age, où l’on fait pas mal l’apologie de l’affirmation du surmoi, de la conscience totale, bref, des paradis artificiels. Les séquences oniriques ne sont certes pas trop mal faites, mais complètement décalées par rapport au sujet et trop longues (surtout la seconde). Cela pose problème dans le film, on en sort consterné. Passons sous silence (et puis non, tiens) la scène où Cassel nage sous l’eau avec une Juliette Lewis complètement nue, avec des plans où elle ne cache absolument rien de ses charmes juvéniles (d’un goût douteux, quand même).
Enlevons à présent cette demi-heure de délire due à la fumette et penchons-nous sur le reste. On a quand même droit à un western classique, avec fusillades, vengeance froide, histoire d’amour et beaux paysages (vive le Mexique !). Le tout est plutôt bien filmé, pas mal joué et pas trop mal illustré par la musique. Au niveau du casting, le choix de Vincent Cassel (La Haine, Les Rivières pourpres…) a d’abord fait hurler les puristes (rappelons que le personnage de BD était physiquement –au départ- inspiré de notre Bébel national. Hélas, quand Kounen l’a appelé, il avait débranché son portable pour suivre Roland-Garros). Contre toute attente, il se révèle plutôt convaincant, ainsi que ses camarades (Michael Madsen, Reservoir Dogs, est très bon en méchant, Juliette Lewis aussi –on se croirait dans un Tarantino, non ?).
Un oubli scandaleux : le regretté Jean-Michel Charlier, créateur et scénariste des meilleurs albums, n’apparaît pas au générique, à l’inverse de Jean « Moebius » Giraud, lui-même schizophrène littéraire et chantre du new-age outre-Atlantique. Ce qui lui a permis de parader sur nombre de photos de production du film. Une outrecuidance assez crasse, je trouve. En résumé, Blueberry – L’Expérience secrète est un film déroutant, pas franchement mauvais, mais ouvertement schizophrène et pro-drogues douces. Les fans de western et de BD se sentiront trahis, sans aucun doute. T’en veuuuuuuuuuuuuuux ?


J’EN AI REVE, PETER L’A FAIT !

Au cours de l’été 1989, je me suis retrouvé coincé avec ma famille dans un village haut perché des Alpilles, Aiglun. Contraint de rester à la maison par une chaleur infernale, je dus lire d’affilée un roman en trois tomes paru alors chez Folio Junior, Le Seigneur des Anneaux. Attiré par les couvertures montrant quelques monstres bien sympathiques et des paysages vertigineux, ce fut ma première incursion dans l’heroic fantasy. Je ne pus jamais en sortir. Captivé par ce récit de voyage, de possession maléfique, mais aussi par la dimension démiurgique de l’œuvre, le roman devint instantanément ma référence absolue en ce qui concerne l’imaginaire. J’en suis venu par la suite à lire d’autres œuvres de Tolkien, puis sa biographie, puis des œuvres de continuateurs et d’imitateurs, puis d’autres pans de l’imaginaire, comme la SF. J’ai essayé d’écrire un roman se déroulant dans l’univers du Seigneur des Anneaux, mais je me suis arrêté au bout de deux paragraphes. Pour moi, on ne touche pas à ce mythe. A l’époque, je me disais « Quel film ça ferait ! » ; mais je trouvais cela quelque peu irréalisable. Comment voulez-vous qu’on retranscrive un univers entier, cohérent, avec son histoire, sa mythologie, ses personnages si attachants ? Alors, j’en étais réduit à revoir Conan le Barbare, Willow, Legend ou bien L’Histoire sans fin, films qui ne manquaient pas de qualités, mais ne les réunissaient pas toutes… Tout en espérant secrètement qu’un réalisateur de la trempe de Spielberg ou Ridley Scott (mes références de l’époque, excusez-moi, j’étais jeune) s’attacherait à l’exploit. J’avais appris un peu par hasard qu’un inconnu, Ralph Bakshi, avait essayé de faire un long métrage d’animation, hélas celui-ci s’était arrêté au premier volet du tryptique, soit La Communauté de l’Anneau.

Et puis un beau jour de 1999 (je crois), j’apprends sur un site Internet qu’un metteur en scène néo-zélandais connu pour son imaginaire délirant, Peter Jackson (Bad taste, Meet the Feebles, mais aussi Créatures Célestes), mettait en chantier l’oeuvre qui avait fini par avoir la réputation d’être inadaptable (rappelons que Le Seigneur des Anneaux fut publié en 1954 et 1955). Dès lors, je résolus de suivre l’avancement de ce qui allait se révéler l’un des projets cinématographiques les plus ambitieux de tous les temps. La première bataille fut celle du casting ; faisant fi des rumeurs les plus folles, Jackson décida de prendre des acteurs sérieux, au physique proche des personnages. Ensuite, grâce aux crédits alloués par le studio New Line, le tournage put commencer ; il allait durer deux ans en Nouvelle-zélande et s’achever en décembre 2000. En effet, profitant de ces conditions exceptionnelles, le « petit gros » décidé de tourner les trois films simultanément, ce qui est une première dans l’histoire du cinéma.

Les internautes cinéphiles et tolkienophiles suivaient de très près le tournage, des photos volées circulant même sur le réseau… J’avais tellement de mal à garder ma passion pour moi que j’en parlai à ma femme quasiment tous les jours. Excédée, elle se décida à lire l’œuvre qui avait été élu Roman du Siècle par les universitaires anglais. De son côté, Jackson, qui en plus de ressembler physiquement à un Hobbit (petit, grassouillet et poilu sur les pieds), est un homme intelligent, clama haut et fort que les trois films reflèteront SA vision du roman, mais que chacun est libre de garder la sienne propre.

Certains petits veinards purent avoir la primeur des images avec une séquence de 26 minutes présentée au Festival de Cannes en mai 2001. Tous s’accordèrent à dire que si le reste du métrage était de la même vein, on tenait là un véritable chef-d’œuvre. Puis on annonça les sorties des trois films : Noël 2001, Noël 2002 et Noël 2003. Des bandes-annonces très très alléchantes furent diffusées dan certaines salles de cinéma. Sur un site spécialisé sur lequel votre serviteur alla souvent circulaient les noms des salles où on pouvait voir ces images.

Enfin le grand jour arriva. Le 19 décembre, fort excité (au sens propre, hein !) par les avis de quelques chanceux qui avaient pu aller à l’avant-première, je décidai de ne pas y aller tout de suite afin d’éviter la foule. J’attendis donc le 30 décembre, au matin, pour aller le voir en VO dans une salle peu connue du quartier Montparnasse de Paris, après déjà deux millions d’autres personnes. Et le résultat ? Scotche, scotché, scotché !!!

Bon, soyons clairs : je n’oserai pas crier au génie, ni au chef-d’œuvre ; seule une personne qui aurait vu tous les films pourraient avoir un élément de comparaison. A ma connaissance, cela n’existe pas. Mais une chose est sûre. Au Panthéon des films que j’ai pu voir, je classe The Fellowship of the Ring (excusez-moi, la VO…) tout en haut…

Vous pourrez lire l’intrigue du film par ailleurs, mais en quelques mots la voici : un groupe d’aventuriers, composé de 4 races différentes (Homme, Nain, Hobbit et Elfe), doit escorter un Anneau maléfique jusque dans l’antre du Mal, à travers la Terre du Milieu, afin de le détruire. Ils traversent des contrées inconnues, truffées de dangers, et doivent faire face à leurs propres démons. Comme je l’ai dit plus haut, Jackson a fait sa version. Et comme toute adaptation, il y a des trahisons. Des personnages voient leur importance augmentée, d’autres ont été purement et simplement supprimés… Par ailleurs, PJ (oui, on l’appelle comme ça, nous les fans) a inséré des éléments d’autres œuvres de Tolkien (tels le Silmarillion, le livre le plus illisible du monde après mes cours de Maths de terminale !) pour permettre une meilleure compréhension de son propos. Eh bien contrairement à la tendance du monde du cinéma, tous ces inserts, je dis bien tous (à l’exception peut-être de l’ablation du passage avec Tom Bombadil) vont dans le sens d’une plus grande fluidité narrative, d’un schéma général de compréhension. Car les trois films ont été réalisés en même temps, ce qui a permis à PJ d’avoir une vue globale de son œuvre. Pour moi, la séquence d’ouverture, qui n’apparaît pas dans les bouquins, permet aux non-initiés de comprendre (en l’espace de 5 minutes, un tour de force, mais d’une force !) est une idée de génie car elle permet de saisir les implications de la quête de la Communauté. Les partis-pris scénaristiques et dans les dialogues vont dans ce sens. On est dans un univers médiéval-fantastique, mais les personnages ne font pas stéréotypés ou vieillots. Au contraire, ils ont une vigueur incroyable, à laquelle les comédiens ne sont pas étrangers. Mais j’y reviendrai. Sans être gnangnan ou neuneu comme peuvent l’être les Américains, le film transporte des valeurs –que j’espère- universelles : l’amitié, l’entraide, le courage, la lutte du Bien contre le Mal… Oui, je sais, cela a déjà été fait ailleurs, mais que voulez-vous, quand on aime…

Les personnages sont bien campés : les Hobbits sont fragiles et pas super courageux, les nains grincheux et fiers, les elfes… elfiques, c’est-à-dire éthérés, les hommes en proie à beaucoup de doutes, les Nazgûl, créatures maléfiques, sont myopes mais terrifiants…

Venons-en donc aux acteurs. Il y a une bonne quinzaine de rôles principaux ou secondaires, ce qui doit constituer une sorte de record. Puisque cette critique est partie pour être très longue, je vais de ce pas les analyser un par un. J’espère que vous avez le temps. Commençons par les membres de la Communauté de l’Anneau, au premier rang de laquelle je mettrai Frodo, Aragorn et Gandalf. Frodo est donc un Hobbit qui se retrouve en charge de l’Anneau Unique. Il est incarné par Elijah Wood (Forever Young, Huck Finn, Le Bon Fils, Flipper, Avalon, The Faculty, Ice Storm et Deep Impact), qui apporte toute la candeur de son visage angélique à ce pauvre petit hobbit pris par des événements qui dépassent souvent son entendement. Il réalise là une performance incroyable. Gandalf est le guide du groupe, un sorcier grincheux et facétieux ; Ian Mc Kellen, acteur shakespearien multi-primé (aperçu récemment dans Richard III, Un Elève doué, Six degrés de séparation et X-Men), qui lui apporte une profondeur inespérée. Ensuite vient Aragorn, le descendant de rois déchus devenu Rôdeur. Il s’agit à mon sens du personnage le plus intéressant et le plus tragique (avec celui deGollum) du roman ; Viggo Mortensen (Portrait de Femme, L’Impasse, GI Jane, Psycho, Meurtre parfait…) lui prête son physique de beau ténébreux aux traits taillés à la serpe. Il est proprement parfait dans le rôle. Au sein de la Communauté se trouvent trois autres Hobbits : Sam Gamegee, Peregrin Took et Meriadoc Brandebouc. Le premier, joué par Sean Astin (Rudy, Memphis Belle, la Guerre des Roses et Safe Passage), apporte sa bonhomie à la relation très amicale entre Frodo et Sam. Les deux autres, incarnés par Billy Boyd et Dominic Monaghan (acteurs seulement connu des Anglais). Ils apportent leurs « bouilles » et leur gouaille toutes britanniques à ces Hobbits facétieux et gaffeurs.

Sean Bean (Ronin, Anna Karénine, GoldenEye, Jeux de Guerre, entre autres...) prête ses traits au valeureux Boromir, fils de l’intendant du Gondor. Son animosité de départ envers Aragorn est vite gommée par la valeur guerrière des deux hommes. Tout en retenue, Bean (non, ce n’est pas une blague !) donne de la puissance à son interprétation). L’Elfe Legolas accompagne les autres dans leur quête ; il est précieux par son habileté au tir à l’arc et ses sens surdéveloppés ; il est interprété de manière prodigieuse par Orlando Bloom (dont le seul titre de gloire internationale est d’être apparu dans Wilde), tout en légèreté et en féerie. Et pour teminer, le nain Gimli est incarné par John Rhys-Davies (le premier et le troisième Indiana Jones, Shogûn et Sliders entre autres…), tout en grincherie et en solidité.

En-dehors de la Communauté de l’Anneau gravitent un certain nombre de personnages. Parmi ceux-ci je citerai Arwen, la princesse elfe amoureuse d’Aragorn (Liv Tyler, vue dans Beauté Volée, Armageddon, Silent Fall et Dr T et les femmes) ; elle prête ses traits de porcelaine à cette elfe qui doit choisir entre l’immortalité et l’amour. Ensuite Galadriel (Cate Blanchett, en général plus fade dans Un Mari idéal, Le talentueux M. Ripley et Intuitions, ou plus récemment dans Bandits), une magicienne elfe très tentée par l’Anneau… Bilbo, le cousin de Frodo qui lui lègue l’Anneau ; Ian Holm a été salué pour ses performances dans Les Chariots de Feu, Hamlet, Frankenstein, eXistenZ, Henry V, Le festin Nu, la Folie du Roi Georges, Le Cinquième Elément… Encore une fois, un Anglais qui fait mouche ! Pour le rôle de Saruman, le sorcier corrompu par le Mal, PJ a fait appel au légendaire Christopher Lee (Dracula, La Vie privée de Sherlock Holmes, Les Trois Mousquetaires, 1941, Gremlins II, Sleepy Hollow et bientôt Star Wars : Episode II) ; sa valeur n’est plus à prouver. Elrond, roi des Elfes et père d’Arwen, est incarné par l’Australien Hugo Weaving (Matrix, Priscilla folle du désert). Tous sont parfaits.


LE SEIGNEUR DES MOIGNONS

Après La Communauté de l’Anneau, qui a posé un certain nombre de certitudes (Jackson sait faire de la fantasy, dompte les effets spéciaux, jongle avec 9 équipes simultanément, respecte l’oeuvre de Tolkien, les acteurs sont littéralement prodigieux dans leurs rôles respectifs...), il est peu de dire que l’on attendait beaucoup de ce second volet. Pour ceux qui connaissent les livres, ils savent qu’il est plus sombre, plus dur, qu’il comporte beaucoup de combats, en même temps que l’on assiste à la lente plongée de Frodo vers le côté obscur (ça ne vous rappelle rien ?). Les (rares) critiques disponibles avant la sortie mondiale du film, le 18 décembre laissaient entrevoir un long métrage aussi bon, sinon meilleur, que le premier. Votre serviteur vous dira qu’il est moins bon, et qu’il fallait s’y attendre. d’abord parce que l’intrigue est éclatée entre plusieurs fils narratifs divergents (navré pour ceux qui n’auraient pas vu le premier volet, mais la Communauté de l’Anneau s’est dispersée à la fin de celui-ci). Ce qui entraîne une multiplicité des points de vue ; une structure entrelacée chère à Tolkien, et qui permet de suivre une quinzaine de personnages principaux. Ensuite parce que la matière du second livre est complexe, touffue, au point que Jackson a préféré déplacer vers le chapitre final un épisode-clé, celui de la rencontre de Frodo et Sam avec Arachne, afin de donner plus d’ampleur et d’espace a ce qui fait l’essentiel des Deux Tours, à savoir le début de la Guerre de l’Anneau. En effet, à l’heure où Frodo et Sam semblent s’égarer sur le chemin du Mordor, le Seigneur des Ténèbres, j’ai nommé Sauron, décide d’anéantir le royaume de Hommes, avec l’aide du sorcier Saroumane. Les Elfes de Fondcombe s’en vont par-delà les mers, sentant que leur temps est terminé. Le Roi du Rohan, Theoden, s’enfonce dans une apathie suicidaire sous l’influence de Grima Langue-de-Serpent (l’excellent Brad Dourif), sbire de Saroumane. Aragorn, Legolas et Gimli, lancés à la recherche de Merry et Pippin, désespèrent de les retrouver. Tout semble indiquer que le règne de Sauron est sur le point d’arriver. Pour connaître la suite, allez au cinéma... Si l’on reprend les acquis du début de cet article, on ne peut que les constater ; Jackson et son équipe font un travail formidable. Les challenges se situent sur d’autres points de l’intrigue : en particulier Gollum, la bataille du Gouffre de Helm et les Ents. Gollum, ancien Hobbit qui a été dépossédé de l’Anneau par Bilbo, l’oncle de Frodo, a été entièrement réalisé en images de synthèse à partir des mimiques et de la voix de l’acteur Andy Serkis. Il veut récupérer son “précieux”, en possession de Frodo ; celui-ci le capture et le persuade de le mener au Mordor. Le personnage, l’un des plus importants de l’histoire, est incroyablement réussi ; on oublie très vite qu’il s’agit d’une créature numérique pour se concentrer sur le dilemme qui ronge Gollum/Smeagol : sa nature bienveillante de Hobbit et son esprit corrompu par l’Anneau se disputent constamment. A noter, dans cette optique, une séquence particulièrement réussie, où les deux personnalités nous apparaissent presque simultanément, grâce à une différence d’angles de vue et d’éclairages. Champ/contre-champ : le B-A BA du cinéma.

Le “gros” morceau du film est sans conteste la bataille d’Helm’s Deep. Jackson a décidé de lui donner toute l’ampleur qu’elle doit avoir, en lui consacrant 45 minutes, soit presque un tiers du métrage ! Pas grand-chose à dire à son sujet, si ce n’est que le logiciel Massive, spécialement créé pour le film, a là encore accompli des prodiges. En effet, il permet de visualiser littéralement des dizaines de milliers de combattants ayant leur vie propre. La guerre est une saloperie, et Tolkien, qui a combattu pendant le premier conflit mondial, en a gardé de grandes rancunes envers la bêtise et la violence. La violence des combats est très graphique, on est parfois trop près de l’action ou des personnages, une réminiscence du passé “gore” du cinéaste peut-être... Au cours de leur fuite après avoir échappé aux Uruk-Haï, Merry et Pippin se retrouvent au sein de la forêt de Fangorn, peuplée d’être étranges... Ils y feront la connaissance de Sylvebarbe, mi-homme mi-arbre, représentant d’un peuple qui déteste être troublé par la guerre et le désordre. Pour ma part, j’attendais beaucoup de la vision de ces Ents à l’écran. Le résultat ne m’a pas enchanté, ni déçu, juste... désorienté. A la lecture du livre de Tolkien, je m’imaginais des troncs massifs, bien campés sur des branches épaisses ; je ne m’attendais pas à voir ces créatures fines, presque décharnées parfois. Mais la facilité, au niveau technique, aurait peut-être résidé, justement, dans des camouflages comme ceux des Romains dans certains albums d’Astérix. Et puis, allez dans le jardin, regardez votre arbre préféré, envisagez-le dans la hauteur : a-t’il l’air si trapu ?

Il faut savoir que Tolkien a truffé son ouvrage de références à son abhorration pour tout ce qui est industriel, usiné. Les Ents représentent la bienveillance de la nature, face à la destruction industrielle et hégémonique orchestrée par Saroumane... La caméra de Jackson est toujours aussi virtuose, sans toutefois donner de vertige (mis à part durant les combats, mais est-ce innocent ?), soutenue par une musique omniprésente, puissante, qui devient de plus en plus facile à identifier ; en effet, chaque intrigue possède son propre thème, le thème de Saroumane souligne l’avancée de ses troupes sur les remparts d’Helm’s Deep, par exemple. A multiplication des intrigues, apparition de nouveaux personnages, au premier rang desquels les deux précédents, Gollum et Sylvebarbe, particulièrement réussis. A la Cour du Roi Theoden (Bernard Hill l’incarne avec... noblesse, lui qui avait joué courageusement le Capitaine du Titanic de James Cameron), suzerain du Rohan, Aragorn rencontre sa nièce Eowyn (Miranda Otto), qui tombe amoureuse de lui. Le frère de cette dernière, Eomer (Karl Urban), conduit les Cavaliers du Rohan qui courent les champs à la recherche de quelques orcs à trucider. Au cours de leur périple vers le Mordor, Frodo et Sam, guidés par Gollum, tomberont sur Faramir (David Wenham), frère de Boromir et preux chevalier. Il est intéressant de remarquer que les sorciers et les Elfes (dont Saroumane, Sauron, Gandalf, Elrond et Arwen), sont nettement moins présents dans ce second épisode, ce qui n’est que justice car il s’agit d’une épopée guerrière. Parmi les anciens, on notera également le rôle essentiellement comique tenu par Gimli, qui déroutera certainement les fans de ce guerrier bourru. Mais là encore, cette digression de Jackson vis-à-vis du texte originel n’est pas innocente. Ces moments de pure comédie (dont une plaisanterie filée à propos du lancer de nains, d’un goût moyen) sont placés dans les moments de tension extrême, afin de désamorcer quelque peu l’excitation qui prend le spectateur au moment d’un épisode essentiel. On notera que ce rôle de “désamorceur” était tenu dans le premier film par Merry et Pippin, et qu’ici leurs rôles sont nullement comiques, leur positionnement est en train de changer et annonce leur transformation dans Le Retour du Roi. Frodo également change, on le sent de plus en plus absent des contingences matérielles, de la fureur qui peut se déchaîner autour de lui. Certaines de ses poses sont même carrément christiques, comme s’il n’appartenait déjà plus à ce monde en perdition... Au niveau de l’ambiance, le compositeur, Howard Shore, a sorti tout l’attirail wagnérien, normal pour un récit essentiellement guerrier inspiré des contes de tradition anglo-saxonne... On le voit, plusieurs niveaux de lecture se révèlent au fur et à mesure de la réflexion autour de ce second film. Par manque de place, je ne peux que vous recommander deux excellents sites internet relatifs à l’oeuvre de Tolkien : www.numenoreen.com et surtout www.elbakin.com, mais également le très bon essai de Vincent Ferré (cf Kronix, dans ce même numéro...). Contrairement à la plupart des films fantastiques, la bande-annonce (qui donne par ailleurs le frisson), ne montre qu’une petite partie du film. Celui-ci vous réserve de nombreuses surprises. Au final, ce deuxième opus est d’une bonne qualité, peut-être supérieure à La Communauté de l’Anneau, peut-être équivalente, mais pour l’instant il est difficile de se prononcer vraiment, notamment en raison de son intrigue multiple. Une chose est sûre : les combats sont grandioses ! Le passé du réalisateur dans le domaine du gore plaide certes en sa faveur... Mieux vaut attendre l’ensemble des trois segments pour donner un avis définitif. Vivement Le Retour du Roi !


LA PROIE

Voilà un roman que j’ai dévoré d’une traite. Non seulement pour coller à l’intrigue (qui se déroule en une semaine), mais surtout parce qu’il est palpitant. Et ce, quasiment de bout en bout. Un laboratoire travaille sur de nouvelles applications des nanomachines, vous savez, ces robots microscopiques que l’on dit capables de réparer le corps humain. Mais cette fois-ci, le Pentagone souhaite en faire des espèces d’avions espions indétectables, et surtout, indestructibles. Une équipe de programmeurs informatiques et de biologistes caractérise ces nanomachines sur le modèle comportemental prédateur/proie, avec la possibilité de s’adapter à toutes les conditions. Mais leur création leur échappe. Et apprend, s’adapte. Le début du roman est un peu déroutant. Nous avons un informaticien brillant, Jack, qui se retrouve au chômage. Il en profite pour s’occuper un peu plus de ses enfants, car sa femme passe de plus en plus de temps au travail. Celle-ci se comporte bizarrement. Leur plus jeune enfant tombe subitement malade, et guérit tout aussi vite, sans raison apparente, dans l’indifférence totale de sa mère. Se faisant engager par Xymos, le laboratoire où travaille sa femme, il va tenter d’y voir plus clair. La réalité est bien au-delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer. Bien pire. Grâce à une base scientifique totalement crédible, l’intrigue concoctée par Crichton se révèle à la fois terriblement prenante et très facile à appréhender. Malgré une fin un poil rocambolesque, il est difficile d’en décoller. Crichton est décidément un auteur brillant.


LYONESSE
D’une manière générale, j’ai pour habitude de prendre grand soin de mes livres. Même les livres de poche, même ceux que je n’aime pas. J’aime lire des livres en très bon état, cela fait pour moi partie du plaisir de la lecture. Pourtant dans ma bibliothèque, certains ouvrages sont dans un état assez lamentable : coins largement arrondis, carton dédoublé, tranche fendue, couleurs s’en allant… Je parle bien sûr de ces livres lus et relus deux, cinq, dix fois, avec toujours autant de plaisir.

Le Jardin de Suldrun fait partie de ceux-là. Avec La perle verte et Madouc, il forme la trilogie de Lyonesse, écrite par Jack Vance dans les années 80. Célèbre auteur de science-fiction, il a touché à des genres variés, dont le space opéra, la fantasy, la science-fiction plus classique, et a écrit nombre de livres plus ou moins intéressants dont Le cycle de Tschaï, La geste des princes démons, etc. Disons-le sans ambages : la trilogie de Lyonesse compte parmi le tout meilleur de son œuvre, et pour ma part je le place loin au sommet.

Pour parler de cette oeuvre colossale de 1500 pages, j’utiliserai la comparaison avec Le Seigneur des anneaux, dont il se rapproche par bien des points (en supposant évidemment que vous connaissez cette œuvre incontournable de la fantasy). Il en va de Lyonesse comme du SdA : on peut commencer par raconter le début de l’histoire mais cela n’a aucun intérêt. Le début est en effet très lent, et d’ailleurs là où Tolkien commençait par une digression sur l’herbe à pipe, Vance commence par une note préliminaire sur les isles anciennes et leur population. Le Lyonesse est un duché situé sur ces isles anciennes, allant grossièrement de la Grande-Bretagne au large de l’Aquitaine. Elles comptent non seulement une population d’hommes comme on en trouve partout en ces temps médiévaux, mais aussi des Skas, un peuple mystérieux, guerrier, se croyant supérieur, et complètement indifférent aux autres peuples, des fées, êtres étranges, enfantins et malicieux mais à l’humour dangereux pour le mortel qui passerait par-là, des ogres, des hafelins – croisement entre des fées et des mortels, des magiciens, rares mais aux pouvoirs craints par tous, plus encore diverses autres créatures… La situation politique est extrêmement tendue, puisque Casmir, roi du grand duché de Lyonesse, voudrait (re)conquérir l’ensemble des isles anciennes, empêché en cela par la puissance de son grand voisin, le Dahaut, et de multiples autres états plus petits mais non négligeables. La lutte pour le pouvoir s’annonce sévère, chacun voulant soit dominer les autres, soit ne rien faire pour fâcher un voisin puissant, soit encore simplement maintenir l’équilibre…

Tout ce délicat équilibre, largement instable, est un jour mis en péril par la jolie et quelque peu fantasque princesse Suldrun, fille de Casmir. La petite princesse se révèle en effet peu docile aux souhaits royaux, et ne veut pas épouser un allié potentiel du Lyonesse. Casmir l’enferme alors dans un vieux jardin qu’elle affectionne, et c’est là qu’elle rencontre par le plus improbable des hasards le prince Aillas (un beau jeune homme, bien sûr !), rescapé d’une mystérieuse tentative de meurtre sur sa personne alors qu’il naviguait pour une mission diplomatique… Arrive ce qui doit arriver, et naît un enfant : Dhrûn. Trahis par un prêtre et le destin, les amants sont séparés : Aillas est jeté dans un cul de basse fosse, Suldrun est maintenue dans son jardin et se suicide… cependant que Dhrûn est enlevé par des fées. Aillas va s’évader, et partir à la recherche de son fils. Il va désormais s’opposer à Casmir, non de façon brutale, mais plutôt par la ruse et la conquête intelligente. Dhrûn, lui, est élevé par des fées pendant huit années (soit un an de notre temps à nous mortels). Chassé du fort in fée de Thripsey parce qu’il est désormais trop grand et victime d’une malédiction de la part d’un vilain lutin, il part à l’aventure, guetté de tous côtés par les dangers étranges de la sombre forêt de Tantrevalles…

La découverte de ce monde très singulier, régi par des lois bien particulières astucieusement créées par Vance, se fait au fur et à mesure des pérégrinations des protagonistes. Le lecteur visite avec eux les différents pays du Lyonesse, découvre les subtilités de la magie, les ambitions des puissants, les stratégies qui vont permettre telle conquête, l’histoire de ces isles… Vance mélange avec bonheur l’anecdotique et les grands thèmes, usant d’un ton somme toute quelque peu monotone, mais très personnel, abondant de petites astuces et de préoccupations qui confèrent à cette œuvre une qualité assez exceptionnelle.

Si vous ne connaissez pas encore Vance, si vous aimez un minimum la fantasy, et si vous avez un peu de patience, cette trilogie est faite pour vous ! 
LARCENET : LA LEGENDE DE ROBIN DES BOIS
Apres avoir lu la critique de la BD de Manu Larcenet dans SF Magazine (!) de décembre 2003, je me suis dit que j’allais enfin accoucher d’un article promis à Spooky depuis 2 ans (voire plus…). Cette semaine, Manu Larcenet, bédéiste que j’adore, a reçu le 1er prix –fort justifié- du Festival d’Angoulême. Or, ce vil personnage – il a déjà pondu 23 titres différents !!!! – a encore perpétré un mauvais coup en terminant le 9-12-2003 (avec un dépôt légal d’août 2003 ? On nage en pleine science-fiction). L’auteur a complètement disjoncté pour notre plus grand plaisir. On est en plein court-circuit spatio-temporel !! Imaginez un Robin des Bois décati atteint de la maladie d’Alzheimer et soigné à coup de massue par Petit Jean dès qu’il se met à chanter un tube d’Annie Cordy ! Ajoutez à ça le Sheriff ( ?) de Nottingham poursuivant dans la forêt de Rambouillet ( ???) ces deux criminels qui ont déjà à leur actif la mort de 11 touristes ! De ce fait, pressé par les médias, le fonctionnaire est d’obliger d’appeler à la rescousse son vieil (et ce n’est pas un euphémisme) ami, Lord Greystoke aux mœurs très particulières… Rassurez-vous Lady Marianne est aussi du voyage. On y trouve aussi des arbres critiques, un pape tueur, la Faucheuse ne sachant pas lire une carte… Avec son trait inimitable, Larcenet nous emmène dans son monde de franches déconnades en revisitant avec humour des mythes anglo-saxons pour nous offrir quelques tranches de rires…(et deux-trois grincements de dents). Lecture vivement conseillée par les temps qui courent ! Si vous êtes sages et si Spooky est d’accord, je vous ferai entr’apercevoir l’univers de F’murr notamment la liaison entre Jehanne d’Arc et Attila. Mais surtout ces alpages où entr’autres, des lapins russes font sauter des bombes atomiques, où un autobousse et son chauffeur (un fantôme ?) restent supendus dans les airs et où les brebis portent les noms bien mérités d’Einstein, de Stan et Oliver …
La Légende de Robin des Bois (Edition Dargaud. Collection Poisson Pilote)


LE ROI EST ARRIVE
Voilà, on arrive au bout du voyage... Une balade en Terre du Milieu qui a duré deux ans pour le grand public, entre six et sept pour la plupart des techniciens impliqués dans le projet. Le Retour du Roi nous a donc permis de retrouver Frodo, Sam et leurs amis dans leur quête de destruction de l’Anneau. On replonge donc avec plaisir dans la somptuosité des décors, musique, effets spéciaux déjà largement décrits ici où là. les protagonistes se dirigent donc vers l’affrontement final, que Peter Jackson nous annonçait comme dantesque. Mais la bataille des Champs du Pelennor a-t-elle effacé celle du Gouffre de Helm ? Certainement pas. Le casse-tête logistique du second épisode restera donc un sommet de genre, malgré des incohérences formelles. Autre point d’orgue du film, la séquence où Sam et Frodo se retrouvent face à Arachne (Shelob en VO), monstrueuse araignée qui personnellement, m’avait terrifié à la lecture du livre. Elle est totalement crédible, plus par exemple que sa congénère de Harry Potter et la Chambre des Secrets. On ne la voit pas beaucoup, et c’est d’autant plus terrifiant (car suggestif), puisque Shelob vit en permanence dans une caverne
profonde.

On assiste donc à des réalisations personnelles hors du commun : Aragorn doit accomplir sa destinée de roi du Gondor, puis trouver le bonheur avec Arwen, Merry deviendra un valeureux guerrier, face au Roi-Sorcier (en compagnie d’Eowyn)...

Encore une fois, on peut déplorer un choix discutable des scènes (disparition totale de Saroumane dans ce troisième volet, plus de nettoyage de la Comté), des tics d’ex-réalisateur de gore : combats graphiquement confus (mais un combat est-il toujours clair ?), filmés de trop près, ce qui fait espérer un temps de respiration dans ces empoignades. Après avoir vu cet ultime chapitre, je ne sais plus que penser, l’abattement m’étreint : serait-ce de la lassitude face à ce film, un émerveillement si fort qu’il faudra du temps pour en tirer la quintessence ? En tous les cas, ce que l’on peut dire, c’est que la trilogie épique réalisée par le Néo-Zélandais en short aura marqué l’histoire du cinéma, du genre, et révolutionné ceux-ci.

Nota : Peter Jackson a récemment révélé que la version longue de son film fera 4h10...


NOUS SOMMES TOUS DES HOBBITS
Les films de Peter Jackson, outre les multiples avantages que l’on sait (voir par ailleurs), ont eu le mérite de déclencher une déferlante éditoriale sans précédent concernant le créateur de la Terre du Milieu. Les éditions Bragelonne, tête de proue de cette tendance bienvenue, proposent leur pierre à l’édifice en nous livrant cet ouvrage remarquable, regroupant les témoignages d’une bonne vingtaine d’auteurs et illustrateurs plus ou moins connus. Chacun raconte son premier contact avec l’oeuvre majeure de Tolkien. Il est d’ailleurs intéressant de noter que chacun(e) se souvient exactement des circonstances, parfois très particulières, où le Seigneur des Anneaux est passé entre ses mains. Ce qui est aussi le cas pour chaque lecteur, je pense.

Parmi les auteurs les plus connus, on citera Terry Pratchett, Robin Hobb, Ursula le Guin, Orson Scott Card ou Henri Loevenbruck. le tout étant réuni et commenté par la grande Karen Haber et illustré par l’immense John Howe, qui avant d’être le concepteur visuel (avec son compère Alan Lee) des films, était déjà l’un des meilleurs illustrateurs de l’oeuvre tolkienienne. Chacun parle donc de sa partie, untel de l’influence sur son oeuvre, untel sur le rythme des mots, tel(le) autre de l’impact du Seigneur des Anneaux sur sa vie, ou encore des sources littéraires de Tolkien. Comme vous pouvez le constater, les pistes explorées sont multiples. Mais comment pourrait-on restreindre l’influence et l’analyse de l’oeuvre d’un démiurge ?

DIRTY HARRY
A chaque sortie d’un épisode (écrit) de la série de Joanne Rowling, la pression augmente, l’hystérie des fans se déchaîne. Le tome 5, Harry Potter et l’Ordre du Phénix, ne déroge pas à la règle. Il s’agit d’un véritable pavé : près de 800 pages en VO, près de 1000 pour l’édition “grand format” française.

A la lecture des deux premiers tiers de l’ouvrage, on a tendance à s’ennuyer quelque peu, car il ne se passe pas grand-chose, à part les états d’âme d’harry. A l’inverse, la dernière partie foisonne d’une action débridée. Harry aborde sa cinquième année à Poudlard, rempli d’appréhensions ; en effet, ses camarades et lui passeront en fin d’année des examens capitaux pour la suite de leur scolarité, mais ils devront également se méfier du retour de Voldemort (entre parenthèses, ça fait 4 ans qu’il est de retour... ça serait bien qu’il arrête de jouer au strip-poker avec les copains) et de l’ingérence du ministère de la magie dans l’Ecole des sorciers. Le livre s’ouvre sur l’agression de Harry et de son cousin Dudley par des Détraqueurs, ces spectres encapuchonnés au baiser fatal. Pour assurer sa sécurité Harry sera amené à intégrer le mystérieux Ordre du Phénix du titre. Au fil de l’intrigue, nous allons découvrir de nombreux lieux jusqu’alors simplement évoqués, tels le ministère de la magie, l’hôpital Ste Mangouste... Des masques vont tomber, de nombreux personnages et créatures vont faire leur apparition, l’un d’entre eux (très important) va perdre la vie.

Un roman très dense, touffu même. peut-être le meilleur de la série jusqu’ici. Car en plus d’atteindre des sommets de tension dramatique, il nous plonge dans le subconscient de Harry, en pleine crise d’adolescence, qui cherche à la fois sa place dans le monde et le sens de tout ce qui l’entoure. une trame narrative très noire, à cent lieues de la littérature enfantine classique. De même on remarquera une écriture très “visuelle”, à la limite du scénario, sans doute dans l’optique des futures adaptations sur grand écran. Une adéquation entre l’évolution des personnages, la maturité des lecteurs et l’écriture de l’histoire tout à fait remarquable.
Incroyable mais vrai, la mayonnaise prend, et la magie du cinéma opère totalement sur le grand écran. Rythme enlevé, scénario assez cohérent, personnages bien campés, réalisation sobre et inventive, décors et musique efficaces, tous les éléments concourent à un très bon film, un futur classique du genre. Probablement l'un des trois meilleurs films de pirates de tous les temps. Car, en plus d'une histoire de pirates somme toute assez classique, les scénaristes ont introduit un élément fantastique (des morts-vivants) permettant des finesses narratives et des passages à effets spéciaux fort réussis. Mené par un Depp exceptionnel, truffé d'humour et de clins d'œil à l'attraction originale des parcs Disney, voici un très bon divertissement. A noter que grâce à Johnny Depp, on voit pour la première fois à l'écran un pirate gay au cinéma (opinion largement discutée à la sortie de la salle).


FILM DE PEUR
Le premier choc cinématographique de l’année est une histoire de fantômes. L’an dernier, c’est Le Vaisseau de l’Angoisse qui avait rempli cet office, sous la même bannière de production Dark Castle. Gothika raconte les mésaventures du Dr Miranda Grey (Halle Berry), accusée d’avoir assassiné sauvagement son mari, directeur de l’asile psychiatrique où elle exerce. Elle est donc internée, en état de choc, dans ce même hôpital. le hic, c’est qu’elle ne se souvient de rien, à part de l’apparition d’une jeune fille ensanglantée devant sa voiture, juste avant qu’elle aie un accident. Autant le dire tout de suite, le scénario est très classique, et l’on sent venir l’explication de toute l’histoire relativement vite. Alors où réside l’intérêt de cette série B ? D’abord dans l’identité du réalisateur, Mathieu Kassovitz. Eh oui, notre petit frenchie a été engagé à Hollywood suite au très honnête Les Rivières Pourpres. Celui-ci apporte son savoir-faire visuel et narratif à une histoire de fantômes sans grande surprise. On a peur plusieurs fois (mes mains broyées par ma douce et tendre moitié peuvent en témoigner), le casting est impeccable (notre future Catwoman, mais aussi Penelope Cruz en fausse folle, et Robert Downey Jr en psychiatre dubitatif). C’est très efficace, nerveux, visuellement très agréable, avec une musique atmosphérique, que demander de plus à une histoire de fantômes ? Rien. Gothika reste cependant un film de commande, que Kasso, malgré les contingences de la production, élève au niveau de très bonne série B, avec comme tête d’affiche Halle Berry, qui nous prouve qu’elle n’est pas seulement très bien roulée, mais aussi une actrice de tout premier plan (rappelons qu’elle a obtenu un Oscar pour sa prestation dans A l’Ombre de la Haine), de la trempe d’une Nicole Kidman...


DEPUIS L'ENFER

From Hell raconte l’histoire de Jack l’éventreur. Ou plutôt une histoire, une version possible. Celle d’Alan Moore, qui n’a pas ménagé sa peine pour rassembler une documentation impressionnante et construire un scénario à la fois crédible et à la frontière du fantastique.

From Hell c’est un énorme pavé de 576 pages, lourd comme tout et vraiment pas engageant. Lorsqu’on le feuillette comme ça, le dessin apparaît vraiment repoussant, tout à l’encre de chine qu’il est (que du noir et blanc, même pas de gris, tsss !), tout hachuré, et certainement pas “beau” au sens classique du terme. En plus ça commence par un gros plan sur une mouette crevée, ça ne donne pas forcément envie d’aller plus loin.

Et pourtant...
Et pourtant quand on commence à le lire, au bout de la première page on est intrigué. Par le dialogue, un peu étrange et décalé; par la mise en scène, qui malgré le dessin semble très bien faite... Et puis au bout de l’introduction (8 pages), sans s’en rendre compte on a été absorbé dans cet univers. Comme ça, sans même s’en être aperçu. Les trois premiers chapitres m’ont posé problème... j’ai en effet bêtement loupé les indications de dates dans la première case, et c’est seulement en cours de route que j’ai réalisé que les scènes ne se suivaient pas chronologiquement. On ne comprend pas trop le lien des deux premiers chapitres avec l’affaire de Jack l’éventreur, mais le lien se fera plus tard... En attendant on est intrigué, complètement attentif et... littéralement immergé dans l’histoire. Le chapitre quatre en particulier m’a paru absolument renversant. Invraisemblable qu’un auteur ait osé faire ça : quarante pages d’un quasi monologue sur l’architecture, l’origine et le mystère des Francs-Maçons ! Des considérations complètement ésotériques et absconses, de quoi faire décrocher n’importe qui en deux pages ! Et pourtant... pourtant on reste scotché là, devant ce récit témoignant d’un esprit complètement étranger, tordu, aux limites même de la folie. Qu’Alan Moore ait pu faire cela m’inspire un respect presque sans bornes. O_o

Bon, sinon il faut bien reconnaître que le travail qu’il y a derrière From Hell est impressionnant. On peut en avoir un aperçu à la fin du livre, dans l’appendice II, qui raconte en image l’histoire des différents travaux existant sur le sujet, où Moore analyse les querelles. C’est réellement intéressant, et de plus mis en images de façon véritablement intelligente. L’appendice I quant à lui, est composé de 42 pages d’explications sur les différentes pages/scènes/cases du livre... J’avoue les avoir juste survolé, mais là aussi c’est réellement intéressant. Moore explique ce qui est “vrai”, ce qu’il a inventé, adapté ou arrangé. Vraiment bien. Si From Hell était un dvd, je dirais que ce bonus est d’une qualité rarement atteinte. L’album raconte une histoire, une version possible. Moore conclut dans l’appendice II que le mystère est si embrouillé qu’il n’y a probablement pas de vérité, mais un ensemble d’hypothèses qui forment un matériau dont on ne pourra plus tirer grand chose... à part d’autres matériaux, d’autres versions. Il propose donc ici la sienne, et l’ensemble est tout simplement grandiose. L’histoire a des relents de folie, mais une folie si bien développée, si bien mise en scène, si bien montrée et enfin si bien expliquée, qu’on en vient (presque) à la comprendre. Par ailleurs rien n’est épargné au lecteur. Les scènes d’assassinat, parfois très gores, horribles, sont montrées. La folie, l’aspect glauque et cynique de l’ensemble, des scènes de cul assez crues, rien de cela n’est voilé. Et le dessin, a priori peu attirant, basé sur un gaufrier de 3x3 cases, est étonnamment expressif et particulièrement adapté à cette oeuvre sombre.

Un chef d’œuvre, tout simplement. Un véritable monument. Et c’est peu de le dire. Seuls points noirs : l’album est peu maniable, et comme les dessins et les textes sont très petits, on est obligé de lire de près, ce qui est parfois problématique. Et je n’ai pas encore compris ce que venait faire là John Merrick (Elephant Man). Pour ceux qui aiment les V.O., le livre est disponible sur amazon, presque à moitié prix par rapport à l’édition française.
CoeurdePat


From Hell, éditions Delcourt, Alan Moore (scénario) / Eddie Campbell (dessin), 43 euros. (Nd rédac’chef : retrouvez la chronique du film adaptant la BD sur le présent site). INTERCONNEXIONS SOUTERRAINES
Décidément la mode cinématographique semble être au référentiel. Après Equilibrium (lire par ailleurs), la série B Underworld prend la même voie. De Matrix (décidément incontournable) à The Crow en passant par Dark City et le manga Gunnm, les emprunts sont nombreux, sans compter l’inspiration de Roméo & Juliette claironnée haut et fort par les producteurs. Il semblerait donc que les jeunes réalisateurs d’aujourd’hui aient du mal à imposer des univers personnels originaux.
New York, de nos jours (en fait, c’est Budapest, hein, ça coûte moins cher). Les Vampires et les Lycans (loups-garous) se livrent une guerre souterraine millénaire, émaillée par des traquenards posés par les tueurs vampires, dont Selene (Kate Beckinsale) fait partie. Au cours de l’une de ces chasses, elle soustrait aux Lycans un humain “normal”, Michael Corvin (Scott Speedman), qui semble avoir un patrimoine génétique particulier. Cela va déchaîner le conflit, révéler des complicités inattendues, réveiller des terreurs passées... Saupoudrez un brin de romance, et vous obtenez deux lignes de scénario. Le reste, c’est l’équipe artistique du film qui s’en charge ; réalisation typique de clippeur djeunz, effets spéciaux corrects (qu’on me cite un autre film avec des loups-garous crédibles !), même si les vampires n’en sont pas vraiment bénéficiaires (lentilles de couleur et quenottes amovibles) et acteurs convaincants (au premier rang desquels la délicieusement moulée Kate Beckinsale, qui a débuté sa carrière professionnelle en tant qu’assistante d’anglais en France, avant d’être révélée -hum- par Pearl Harbor). A noter que Kevin Grevioux, co-scénariste et auteur de l’idée originale, joue aussi à l’acteur (cherchez un grand Black à la voix caverneuse vu dans La Planète des Singes).
Au niveau de la contribution du film de Len Wiseman au genre du film de vampires, l’apport est mince. On retiendra cependant l’idée des grands Anciens alternativement réveillés puis rendormis à intervalles réguliers, astuce qui permet de laisser la porte ouverte à une éventuelle suite (ah ! on me fait signe qu’il y aura une suite, bizarre, non ?).
Pour avoir une vue globale du genre, je ne peux que vous recommander de vous faire un week-end vidéo avec Blade, Entretien avec un Vampire, Vampires, Nosferatu... Et d’oublier Aux Frontières de l’Aube... Pour les films de loups-garous, évitez le portnawakesque Le Loup-Garou de Paris, préférez celui de Londres, sans oublier le sympathique Wolf, avec Jack Nicholson... Si l’on s’en tient au niveau du divertissement, Underworld tient globalement son pari. Par contre, au niveau de l’originalité, on repassera, Len Wiseman, bien qu’étant prometteur, n’est qu’un fan-boy de plus.
Spooky



TUER UNE LEGENDE
A défaut d'être un expert, je pense être un amateur de fantasy. La première, celle que j'ai découverte avec Le Seigneur des Anneaux, l'œuvre intemporelle et immortelle de Tolkien que certains d'entre nous découvrent actuellement au travers des films de Peter Jackson. Mais un jour, j'en ai eu marre de me cantonner à un seul auteur, fût-il le meilleur. Alors j'ai essayé Moorcock, Eddings, ou encore Pratchett et Goodkind. Mais même si chacun a ses qualités (Pratchett étant mon préféré de cette mini-liste), je n'ai jamais retrouvé un auteur qui enflamme mon imagination, qui transcende ma soif d'épopées, de créatures magiques et de petites pépées. Et un autre jour, un petit gars dont j'ai suivi le parcours a fondé les Editions Bragelonne, spécialisées dans la fantasy et ayant pour fer de lance un auteur britannique encore peu publié en France, j'ai nommé David Gemmell. Spooky échaudé craignant l'eau froide, j'hésite longuement (deux ans) avant de me jeter à l'eau. Mais, me direz-vous, on trouve déjà sur Ansible* une critique sur un bouquin de Gemmell (L'Homme de Jérusalem), réalisée par Hélanye Driel… Il a fallu une rencontre décisive avec ce même fondateur de Bragelonne, Alain Névant, pour me décider. J'achète donc Légende, ouvrage qui a révélé l'auteur au grand public. Légende, c'est Druss. Un guerrier dont tout le monde connaît le nom et l'histoire. Une évocation qui, à elle seule, peut renverser des montagnes… Druss a renversé des situations incroyables, seulement armé de sa hache. Mais Druss est avant tout un homme, ayant décidé de vivre en ermite dans les montagnes, essayant de vivre avec les souvenirs de sa femme tant aimée, mais morte si longtemps auparavant… Mais un jour Druss reçoit un appel à l'aide du Comte de Delnoch. La Dros Delnoch. Une forteresse réputée imprenable, mais pourtant menacée par la plus grande armée qui aie jamais parcouru la Terre… Car si elle tombe, rien ne pourra empêcher la horde des Nadirs de déferler sur l'empire Drenaï. Un combat à huit mille contre cinq cent mille. Autant dire que seul un miracle ou une montagne pourra arrêter les assaillants. Ou une légende.
Je vous accorde que cela semble mince comme histoire. Une situation désespérée, des créatures malfaisantes, un surhomme qui arrive à la rescousse, on a écrit des centaines de bouquins sur ce thème, filmé des douzaines de films aussi. Seul un écrivain exceptionnel, ayant écrit tout le background de son univers, pourrait transcender un genre que l'on pense usé jusqu'à la trame. Et je dois dire que j'ai été assez impressionné par la maîtrise de Gemmell… Car son roman est mené sur un rythme trépidant, non seulement au moment de la bataille (qui dure de nombreuses semaines), mais aussi sur les chapitres de présentation des personnages et de leurs relations, complexes dans la mesure où elle ne répondent pas aux canons habituellement médiévaux de la fantasy. Une écriture très moderne, donc, doublée par un sens de l'intrigue assez jouissif par moments, car Gemmell ne mène pas ses personnages où on les attend ; j'ai été surpris bien des fois, à la lecture du livre, ce qui est un gage d'intérêt. Il semblerait également que l'auteur ait écrit par avance toute l'histoire, les décors, la géographie, la cosmogonie de son monde. Un véritable démiurge. A nous de lire ses autres romans pour en être convaincus. La traduction, réalisée par Alain Névant, rend justice à l'ampleur, au souffle que Gemmell a insufflé à son œuvre. Vous avez certainement vu la couverture de cet excellent roman chez vos libraires : une hache sombre plantée en face d'une forteresse assaillie par une multitude. La prochaine fois, ouvrez-le et lisez quelques phrases. Légende est une forteresse à lui tout seul, le lire procure un plaisir sans limites, même si on rend les armes dès les premières pages…
Spooky



TETWAESSOR 3
Douze ans. Douze ans qu'on l'attendait, ce troisième opus. James Cameron étant trop cher, et parce que Schwarzie a accepté de reprendre son rôle fétiche moyennant 30 millions de dollars, c'est l'excellent artisan Jonathan Mostow (Breakdown, U-571) qui s'y colle. Soyons clairs, on est loin du niveau des deux films de Cameron, même si son univers est respecté. Les garants en sont Mario Kassar et Andrew Vajna, producteurs des 3 films. Dix ans après les événements relatés dans T2 (Titou pour les intimes), la troisième guerre mondiale n'a pas eu lieu. John Connor (Nick Stahl) vit tel un paria, essayant de se faire plus pâle qu'un fantôme. Mais un nouveau modèle de Terminator, le T-X, aux traits féminins (incarné par la sculpturale Kristanna Loken), est envoyé dans le passé afin d'éliminer Connor et les dirigeants de la Résistance. Parmi ceux-ci se trouve Alice Brewster (la lumineuse Claire Danes), vétérinaire de son état, et future Mme Connor. Son futur mari, donc, se trouvera là à point nommé, ainsi qu'un Terminator modèle "classique" (rev'là Schwarzie !) pour la sauver des griffes de la T-X.
Le décor est planté. Quelle émotion d'entendre à nouveau le thème inoubliable de Terminator, de voir le nom du culturiste autrichien remplir l'écran (20 lettres, tout de même !) pour une ultime (?) apparition au cinéma. Au fil des images, on se prend à noter l'intégralité de ses dialogues : I am reviendu (et ça va chiu), I am a machine, Bzz bip mut mut, assurément des répliques d'anthologie… Au niveau du scénario, le schéma est assez semblable à celui du second film, à savoir : John Connor, aidé par un T-101, cherche à désactiver Cyberdyne, poursuivi par un méchant Pacontentator, accompagné d'une femme fragile qui apprendra à manier les armes (sa mère étant remplacée par sa future femme… il y a du Freud là-dessous)… La fin m'a toutefois surpris, laissant pour une fois la part au pessimisme. On assiste ainsi au fameux "soulèvement des machines", initié par la T-X, on voit le premier modèle de Terminator. Les scènes d'action et d'effets spéciaux sont solides, l'humour (habituel dans la série) distillé avec intelligence…
Quel bonheur de revoir Claire Danes (jolie frimousse de Roméo + Juliette) et de découvrir K. Loken, qui sont très présentes à l'écran… Tout juste reprochera-t'on à Nick Stahl d'avoir moins d'intensité de jeu qu'Edward Furlong, mais que voulez-vous, il fallait bien trouver un acteur de moins de 25 ans n'étant pas en cure de désintoxication… En bref, ce T3 est un produit de commande de très bonne facture, artistiquement réussi.
Spooky



CARAÏBES GEL DOUCHE
Une attraction Disney, le producteur "bourrin" Jerry Bruckheimer (Pearl Harbor, Armageddon…), l'acteur indépendant Johnny Depp, le réalisateur de La Souris et du Cercle… Drôle de melting-pot que ce Pirates des Caraïbes - La Malédiction du Black Pearl. Projet casse-gueule en puissance, ce film de pirates nous montre un pirate -presque- de pacotille, le capitaine Jack Sparrow (Depp, prodigieux une fois encore) aux prises avec son ancien équipage mutiné, mené par Barbossa (Geoffrey Rush, Quills), affligés d'une terrible malédiction. Ceux-ci ont enlevé Elizabeth Swann (Kiera Knightley, Joue-là comme Beckham), fille du gouverneur d'une île caraïbe. Un jeune forgeron, William Turner (Orlando Bloom, l'elfe Legolas du Seigneur des Anneaux), qui en est épris, part à la poursuite du Black Pearl, le vaisseau mythique commandé par Barbossa ; le jeune homme sera aidé par Sparrow.
Incroyable mais vrai, la mayonnaise prend, et la magie du cinéma opère totalement sur le grand écran. Rythme enlevé, scénario assez cohérent, personnages bien campés, réalisation sobre et inventive, décors et musique efficaces, tous les éléments concourent à un très bon film, un futur classique du genre. Probablement l'un des trois meilleurs films de pirates de tous les temps. Car, en plus d'une histoire de pirates somme toute assez classique, les scénaristes ont introduit un élément fantastique (des morts-vivants) permettant des finesses narratives et des passages à effets spéciaux fort réussis. Mené par un Depp exceptionnel, truffé d'humour et de clins d'œil à l'attraction originale des parcs Disney, voici un très bon divertissement. A noter que grâce à Johnny Depp, on voit pour la première fois à l'écran un pirate gay au cinéma (opinion largement discutée à la sortie de la salle).
Spooky



DESEQUILIBRE
On pourrait caractériser Equilibrium par 3 défauts. Premièrement, un manque flagrant de moyens, mal contrebalancé par l'inventivité (n'est pas Vincenzo Natali -Cube- qui veut). Deuxièmement, un scénario qui mange à tous les râteliers, sans en profiter vraiment (je vais vous expliquer tout ça). Troisièmement, une sortie coincée entre les deux Matrix, ce qui n'arrange pas les choses en cette année de blockbusters fantastiques (malgré l'absence de Star Wars ou Harry Potter). Avec des atouts pareils, la carrière du film semble plombée. Sur le plan artistique, en tout cas, il y a peu de reproches à faire : photo soignée, effets discrets mais efficaces, musique monocorde et monolithique, interprétation solide…
Dans un futur proche, la 3ème guerre mondiale à mis l'humanité à genoux. Les gouvernements décident de faire prendre un virage décisif à l'Histoire. Désormais la pensée sera unique, les émotions sont bannies (et même réprimées), tous doivent agir de la même façon. John Preston est un Ecclésiaste, c'est à dire une sorte de flic traquant toute personne transgressant l'ordre établi, en clair ceux qui lisent un livre interdit (tel les poésies de Yeats), préservent des reliques du passé (un phonographe, une lampe à pétrole)… Un jour, il oublie de s'injecter sa dose quotidienne de Prozinium, un produit inhibiteur d'émotions. Du coup, tout un monde s'ouvre à lui, bouleversant à jamais sa vie et ses convictions. Pêle-mêle, les œuvres qui viennent à l'esprit s'appellent Matrix (pour l'esthétique et le rythme), Minority Report, Bienvenue à Gattaca, Dark City, 1984 ou encore Fahrenheit 451 (les Ecclésiastes immolant des livres et des tableaux, si c'est pas de l'hommage ça !). Kurt Wimmer, le réalisateur, connaît donc ses classiques, et réussit à construire un univers assez cohérent, malgré ses trois maquettes, ses casques de moto et son unique ordinateur. Un bon divertissement.
Spooky



QUE LA LUMIERE SOIT

Arthur C. Clarke est l'un des survivants de l'âge d'or de la SF. Il a donné au genre certains de ses chefs d'œuvre (La Cité et les astres, la série des Odyssées de l'Espace, de Base Vénus, le cycle de Rama, Les Enfants d'Icare…) ; astrophysicien renommé, enseignant brillant, Stephen Baxter (lisez Voyage et Titan), né 40 ans plus tard, peut être considéré comme son fils spirituel. En 2000, ils écrivent ensemble Lumière des jours enfuis (J'ai Lu SF), une petite bombe de hard SF. Il existerait dans l'espace des " trous de ver ", sorte de raccourci à la Star Trek permettant d'aller d'un point donné à un autre, distant, en temps réel. La société Our World, dirigée par Hiram Patterson, est en passe de mettre au point un procédé permettant de se servir de ces trous de ver comme d'une caméra, et ce, en temps réel, et quelle que soit, potentiellement, la distance entre les deux points. Mais s'il est possible de se déplacer dans l'espace, il doit donc être possible de se déplacer dans le temps, et en particulier dans le passé. Les implications d'une telle avancée scientifique et technologique sont proprement incalculables… Et pourtant nos deux cracks se mettent à spéculer comme des super-calculateurs. Recherches historiques, investigations policières, religieuses, scientifiques, de la Joconde à la vie d'Abraham Lincoln ou celle de Moïse, rien n'est laissé au hasard. Un très bon thriller hard science, sur un élément d'astrophysique peu connu. Solidement documenté, mais tirant un peu sur la métaphysique (défaut clarkien), c'est une lecture édifiante et distrayante.
Spooky



KLUH
Nouvelle fournée de super-héros de la Marvel transposé à l’écran, il s’agit de Hulk, personnage très populaire. Au passage, Avi Arad, président actuel de l’usine à Idées (surnom de la Marvel, éditeur tout puissant de comics depuis 40 ans), se fait des coucougnettes en or avec toutes ces franchises. Tout le monde a vu la série télévisée avec le culturiste Lou Ferrigno peint en vert, un poil kitsch mais profondément sympathique. On attendait donc beaucoup de cette version grand écran d’Ang Lee, réalisateur acclamé de Tigre et Dragon, Ice Storm ou encore Chevauchée avec le Diable...
Passons rapidement sur le prologue, très X-Men (normal, les deux franchises parlent de manipulations génétiques). On retrouve David Banner (Nick Nolte), jeune scientifique brillant, en train de faire des recherches sur la régénération des tissus cellulaires et dermiques. Malgré l’interdiction de l’Armée, pour laquelle il travaille, Banner injecte ses produits sur lui-même et... son jeune fils, Bruce. Ses déprédations découvertes, l’homme est mis au secret, et son fils confié à une famille d’accueil. 25 ans plus tard, on retrouve Bruce (Eric Bana, Chopper) dans un laboratoire de recherches similaire à celui de son père, et dans un rôle similaire. Il est accidentellement soumis à une dose mortelle de rayons gamma, ce qui réveille des facultés latentes chez lui. En effet, sous le coup de la colère ou la douleur, son corps gonfle, sa peau devient verte et sa force décuplée devient l’instrument (incontrôlable) de sa rage. Le film laisse une grande place à l’action (trop, peut-être), et il y a deux morceaux de bravoure : un combat avec des chiens mutants (graphiquement peu lisible, hélas) et une course-poursuite avec des chars dans le désert, nettement plus convaincante. Les effets spéciaux sont efficaces (sauf dans une scène), accompagnés par une musique signée Danny Elfman (et calquée sur le score de X-Men). Les acteurs sont bons, à commencer par Jennifer Connelly, fiancée de Bruce... Ah Jennifer, je... j...
-NOTE DU SERVICE TECHNIQUE : LE REDACTEUR EST PARTI PRENDRE 3 DOUCHES FROIDES AVANT DE REPRENDRE UNE ACTIVITE NORMALE, MERCI DE VOTRE COMPREHENSION-
Où en étais-je ? Ah oui, les acteurs... A noter l’habituelle apparition de Stan Lee, créateur du personnage, et les compositions plutôt bonnes de Nick Nolte et de Sam Elliott. On regrettera cependant la longueur du métrage, 2h20 pour une histoire de ce genre, c’est un peu trop... Sans parler de la sempiternelle fin permettant une suite. Ah oui, un GROS regret : on ne voit pas l’incroyable Hulk faire caca... parce que, en temps normal, il fait peur, si vous le rencontrez au détour d’une rue (4m 50 de haut, quand même) ; mais imaginez-le en train de pousser, et donc de changer de couleur, ça ç’aurait été du travail pour l’équipe des effets spéciaux, croyez-moi ! Mais bon, il est inutile que je vous parle trop de ça, car vous êtes probablement vous-même sur le trône (si si, on me l’a dit), alors je vais vous laisser faire vos petites -hum- affaires. Je concluerai en disant que Hulk est bien loin d’être un navet, mais n’est pas non plus un chef-d’oeuvre. Du pop-corn movie un peu vert, en somme.
Spooky


LES YEUX DE CHIMERE
“Après avoir intrigué pendant des années pour s’accaparer les terres de son cousin, le Seigneur de Hauteterre est sur le point de parvenir à ses fins. Un ultime duel l’oppose à Payen, combat incertain dont l’issue décidera pourtant du sort du domaine. Adémar sera-t-il le nouveau maître de Roquebrune ? De son côté, Cylinia, fille bâtarde de Payen, vole au secours d’Abeau et l’arrache in extremis des griffes du Clan des Chimères. Les intentions de la donzelle semblent louables, mais ses desseins restent flous. Abeau n’est-il qu’un des rouages de sa vengeance contre ceux qui ont envoyé sa mère au bûcher ?” Voilà un très bon résumé de l’intrigue de ce troisième opus. Un troisième album qui marque la maturité de la série. La couverture, montrant tous les protagonistes de l’album, est superbe dans sa composition comme dans sa réalisation. En ce qui concerne l’intrigue, elle se développe enfin, même si l’on ne voit pas encore clair dans le jeu de tous les acteurs. Quel est le but véritable de Cylinia, fille de sorcière ? Quels sont ceux des Chimères, qui prétendent à Abeau qu’il est le fruit de dix générations d’expériences ? Le personnage de Gwenaldren, un peu fade jusqu’à présent, commence à prendre chair. La fin de l’album est d’une grande intensité, atteignant un point de non-retour, un basculement vers la mort et la folie que rien ne pourra arrêter. Le dessin de Michel Suro est plus sûr, il maîtrise à présent tous ses personnages. Il a dit récemment ne pas aimer trop dessiner les Stryges (ou Chimères), mais c’est pourtant dans cet exercice qu’il se montre intéressant (car ce sont les personnages centraux de l’histoire). On a hâte de lire la suite.
Spooky


BONNET STRYGIEN
Ce septième tome d’une série culte, qui la relance dans un second cycle, appelle beaucoup de commentaires. ces observations vont êtr organisées de façon littérale, en suivant la pagination de l’album, sans toutefois vous dévoiler l’intrigue. Vous le verrez, je m’attache aux détails, car rien n’est gratuit chez les Stryges. Commençons donc par la couverture. On se rend compte que l’ensemble de l’équipe de création graphique a franchi un nouveau palier. Le titre de la série se présente désormais sur une ombre portée blanche, ce qui permet un impact plus grand. Auparavant la couverture présentait un ou plusieurs personnages très nets, avec d’autres en ombre ou en arrière-plan sombre. Ici, l’ensemble a été largement retouché par ordinateur ; l’ensemble est flou, pour un résultat mitigé. Pour ma part, j’aime moins l’Ombre que la stryge. mais le décor est planté. L’Ombre est toujours en guerre contre les mystérieuses ailées. L’un des points forts, côté marketing, du Chant des Stryges, est l’intérieur de la couverture. ce nouveau cycle ne déroge pas à la règle : on se concentre désormais sur Sandor G. Weltman et l’Ombre. A signaler le clin d’oeil aux maîtres du fantastique : le paquet de cigarettes “Love Kraft - Full Rich American Fear”. Le Reclus de Providence a donc inspiré nos auteurs, ce qui n’est un secret pour personne... On trouve également des coupures de presse concernant des pontes de l’organisation qui emploie l’Ombre, avec des photos, sans doute déformées des auteurs des Stryges : Corbeyran (scénario), Guérineau (dessin), Ruby (coloriste), ainsi que leurs complices de l’Atelier 49bees. Afin que l’intrigue et les enjeux ne soient pas perdus de vue, Corbeyran les résume en quelques mots dans un avant-propos, surmonté d’une image stylisée de l’Ombre, qui montre l’évolution graphique de Guérineau. On y trouve également une citation de Maurice G. Dantec, auteur des Racines du Mal ; citation pas si anodine que ça, comme nous le verrons plus loin. On retrouve donc Kevin Nivek, en gorille présidentiel, et l’Ombre, terminatrice professionnelle au service d’une organisation dont elle-même ignore quasiment tout, 7 ans après les événements relatés dans les 6 premiers albums, rattrapés par leur passé. Au passage, on remarquera que Nivek a adopté un look proche de celui d’Obiwan Kenobi dans Star Wars : Episode II (merci Rill@o) ; hommage de fan ? Nivek, retiré des affaires, a changé physiquement, alors que l’Ombre (dont la véritable identité nous sera révélée), qui entretient sa forme physique, reste dans le coup. Deux nouveaux personnages, Jill et Grace, font leur apparition. Leurs relations saphiques ne réussissent pas à cacher le malaise qui les sépare. A la page 16, cette fameuse Jill inspecte des fichiers informatiques aux noms évocateurs : lawear (?), Moreno Bros. (qui collaborent avec Corb’ sur une quatrième série concernant les stryges, Les Hydres d’Harès), EA Putty (surnom de l’informaticien de l’atelier 49bees), 49 Bees (sans commentaires), et Corber (pour Corbeyran). Les pages 27 et 28 se démarquent résolument du reste de l’album. Elles représentent les figures virtuelles des 6 personnages déjà évoqués en pages intérieures de couverture. Une page collective certainement, Guérineau n’atant pas un fan de l’infographie, qui a visiblement été largement utilisée. Cette digression graphique se justifie tout à fait , même si elle surprend le lecteur. Petite digression : l’énigmatique Jill, appelée à jouer un rôle très important, nous gratifie de ses formes (au demeurant pas déplaisantes) dans deux séquences de l’album... C’est la première fois que Guérineau dévoile une de ses héroïnes (à l’exception de Winnie, dans le tome 2), soulignant son homosexualité, car elle ne se dévoile qu’en présence d’autres femmes (Grace, puis l’Ombre). A la page 40, Jill évoque le poison inoculé par un stryge comme étant “la racine du mal”. l’allusion au bouquin de Dantec est transparente : poison, aliénation, perte de repères...

Nos deux héros, (Nivek et l’Ombre) se retrouvent à la page 41, pour une sorte de bilan des 6 premiers tomes et des 7 années qui ont suivi. A l’instar d’une certaine frange de lectorat, l’Ombre considère que la fin du tome 6 ressemble à une vaste supercherie, et suggère de repartir sur de nouvelles bases, à l’assaut de celui qui pourrait être le véritable ennemi. Astucieuse pirouette de la part de Corbeyran, qui a su entendre les sirènes de son lectorat, qui s’est senti floué une fois le tome 6 refermé... Dernière remarque : Vampire, le chat de Josh, ami de Nivek, avait disparu au cours de la série... Une pétition lancée sur le site officiel (www.stryges.com) a eu raison de l’oubli des auteurs. Le félin amateur de sang frais fait donc une apparition (discrète, car Guérineau l’a rajouté en catastrophe), à la page 45. En conclusion, voilà un superbe album, une remise en question de ses auteurs, une relance totale de l’intrigue, avec certes quelques révélations mais aussi de nouvelles interrogations.
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X AU CARRE EGAL DES POSSIBILITES INFINIES
Il est de coutume de dire que les suites des films fantastiques sont moins bonnes que les originaux. X-Men 2 semble ne pas échapper à la règle, bien qu'il talonne de très près son illustre devancier. Ce coup-ci, un danger encore plus grand menace les mutants dans leur ensemble : un physicien militaire, le général Stryker, fomente une incroyable machination afin de les éliminer tous. Pour ce faire, il se sert du Pr Xavier et de son ami/ennemi intime, Eric Lehnsherr, alias Magneto. Ceux-ci, avec leurs élèves respectifs, devront s'allier afin de neutraliser le fâcheux, qui en sait également beaucoup sur le passé de Wolverine (Hugh Jackman, excellent)… Les acteurs sont à présent bien à l'aise dans leurs rôles respectifs, et le réalisateur Bryan Singer n'a pas besoin d'exposer ceux-ci, comme dans le premier épisode. Cela laisse d'autant plus de place pour développer l'intrigue, nettement plus ample, et moins linéaire que dans le premier opus. L'ensemble est plutôt bien maîtrisé, les différents départements (scénaristes, effets spéciaux, musique, direction des acteurs, maquillage…) ayant, comme dans le premier épisode, très bien fait leur boulot. Remarquons la multiplication des plans où l'on voit Mystique (Rebecca Romijn-Stamos) dans son costume habituel, c'est à dire à poil, la peau peinte en bleu et quelques morceaux de tissu par-ci par-là… Qui s'en plaindrait ? Si vous allez voir le film ou le louez (ou l'achetez), ne laissez rien passer : absolument aucune réplique, situation, personnage n'est laissé au hasard. Le film ouvre tant de pistes et introduit tellement de personnages qu'il y a de quoi alimenter 10 longs métrages. Pêle-mêle, et parmi les plus "visibles", je vous citerai Iceberg, Pyro, Colossus, ou encore Diablo (NightCrawler en VO). Concernant ce dernier, je trouve que le choix de l'acteur anglais Alan Cumming est très bon, il apporte une incroyable sensibilité au rôle ; reste à confirmer dans X-Men 3… De même pour Jean Grey, superbement campée par Famke Janssen (GoldenEye), qui prend une part prépondérante à l'action et devrait nous réserver une belle surprise dans l'avenir (alors que, curieusement, elle est absente de l'affiche française du film… allez comprendre !). L'humour est très présent dans le film (alors que Singer lui-même n'est pas franchement un gai luron), permettant de désamorcer certaines séquences assez trippantes, mais aussi de montrer que les acteurs interagissent mieux avec leurs personnages. Voilà pour le côté positif des choses. Côté défauts, eh bien au final il n'y a pas grand-chose à dire, finalement… J'ai été quelque peu déçu par le combat entre Wolverine et Lady Deathstrike, en quelque sorte sa petite sœur… Certains partis-pris scénaristiques (comme une faculté essentielle de Xavier) me semblent bizarres, et répondre plutôt à des obligations de scénario, mais ma connaissance du comics n'est que parcellaire, et j'ai pu louper des trucs. Et comment ne pas se marrer devant ce long travelling où l'on voit nos chers mutants, emmenés par un Wolverine bombant le torse, au sommet d'une colline enneigée ? Comme frimeurs, les X-Men sont forts !! Ah et puis, on n'a toujours pas vu la fameuse Danger Room, salle d'entraînement des X-Men… Elle nécessite certainement les meilleures ressources des effets spéciaux et de la virtuosité des cameramen ; ce serait bien qu'on la voie dans le troisième épisode, sous peine de décevoir plusieurs dizaines de millions de fans de par le monde… Mais je cherche la petite bête, me direz-vous. Possible. Mais ne perdez pas de vue que Singer est un très bon réalisateur, très intéressé par la psychologie de ses personnages (ceux qui ont vu Usual Suspects et Un Elève doué ne me contrediront pas), et c'est là que réside la force du film, dans l'attention portée aux protagonistes, tout le reste (rythme, effets spéciaux) n'étant, somme toute, que de la littérature…
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MA TRIQUE RECHARGEE (copyright Piehr)
En 1999 est sorti un film-événement, Matrix, premier pari marketing de grande ampleur des frères Wachowski (Bound) en tant que réalisateurs et du producteur Joel Silver.
Effets spéciaux révolutionnaires et symbolique judéo-chrétienne furent les points "forts“ de ce premier film. Succès planétaire aidant, la machine à sous s'est remise en marche, pour aboutir à une offensive multimedia jamais vue en cette année 2003 : 2 longs métrages, 9 courts d'animation, un comic-book et un jeu video, l'ensemble formant un tout narratif qu'il vaut mieux se payer pour saisir l'ensemble de l'intrigue.
Une fois n'est pas coutume, je vais prendre appui sur l'article de Bertrand Rougier, dans Mad Movies n°153 pour vous livrer le fond de ma pensée. Dans cet article pétri de n'importe quoi et surtout bâti sur du vent, on nous dit que Matrix Reloaded s'ouvre quelques heures seulement après la fin du premier opus, et que notre trinité sado-maso (Neo, Morpheus et Trinity) découvre Zion, la légendaire ville libre que recherchent tous les résistants au joug de la Matrice. Le film nous montre ce triangle pas amoureux au moins quelques mois plus tard, Morpheus a déjà en partie renouvelé l'équipage du Nebuchadnezzar, et revient à Zion où Neo semble déjà avoir ses quartiers. Face à la menace de l'ensemble des Sentinelles (l'un des plans les plus intéressants du premier Matrix), il décide d'exhorter ses camarades à une défense héroïque, tel un roi aimé de (presque) tous. Alors, pour se donner du courage, les résistants s'adonnent à une gigantesque rave-party, avec en contrepoint une scène d'amour entre Trinity et Neo.
Bon, on avait compris qu'ils s'aimaient ces deux-là, et cette scène "techno" m'a plus ou moins choqué, (non pas par son traitement orgasmo-boum-boum, mais par son intrusion dans une intrigue qui jusque-là (15 minutes environ) se tenait. Mais leur salut réel pourrait venir d'un "rechargement" de la Matrice (d'où le titre Reloaded) par Neo, qui je vous le rappelle est l'Elu. Mais la seule personne qui pourrait lui permettre de pénétrer au Saint des Saints de la Matrice est un Maître des Clés. Au passage, le fait que des hackers ultra-calés en piratage de réseau soient obligés de s'en remettre à un petit bonhomme rabougri bardé de clés en tous genres est assez risible, mais passons. Ce fameux Maître des Clés est retenu prisonnier par un couple de Virus issus de la première version de la Matrice, Merovingian (Lambert Wilson) et Persephone (Monica Bellucci). Parlons-en de ces deux-là. Voilà un couple décadent, grand amateur de langue française (de là à parler de l'actuelle -et relative- francophobie outre-Atlantique, il n'y a qu'un pas que je ne franchirai cependant pas), ne semble être là que pour faire joli. Wilson est relativement drôle en épicurien qui débite des jurons à la chaîne, et Monica Bellucci est une fort jolie potiche qui s'emmerde presque autant que son personnage. Bref, pas de quoi pousser des cocorico…

Trinity emmène donc le Maître des Clés (elle peut donc aller et venir à sa guise dans la Matrice, contrairement à ce que dit le sieur Rougier), poursuivie par des jumeaux maléfiques. On a alors au morceau de bravoure du film : une poursuite en deux-roues ponctuée de combats au katana sur un tronçon d'autoroute construit à cette occasion (au passage, vous constaterez que la longueur dudit tronçon varie de 1 à 3 kilomètres selon les magazines et la personne interviewée…). Neo finira par entrer au cœur de la Matrice, et sera confronté à un choix cornélien. Mais il trouvera sur sa route l'agent Smith (Hugo Weaving), devenu une sorte de virus capable de se multiplier de manière exponentielle.
Je n'en dirai pas plus, ce ne serait pas rendre service à tous les artisans de la franchise… En ce qui concerne les acteurs, il n'y a pas grand-chose à dire, tant ils sont monolithiques, blasés… Rien ne semble les toucher, même si Keanu Reeves (Neo) garde une tête d'ado halluciné quand il enlève ses lunettes… Parlons maintenant des effets spéciaux ; ce sont essentiellement les mêmes que ceux du premier film, simplement étendus en dimensions, en vitesse, en… longueur de temps. Neo a sept combats dans le film, mais qu'est-ce qu'ils sont longs ! Sur ce plan, celui des trucages, la séquence de l'autoroute est vraiment réussie ; pour le reste, tout est contenu dans la bande-annonce. Pas de quoi se taper le cul par terre, alors qu'on nous annonçait des effets impossibles à reproduire pendant 20 ans ! La séquence où Neo se bat contre 96 agents Smith est décoiffante, mais je ne vois pas trop en quoi elle diffère de scènes réalisées à Hong-Kong… Au niveau de la musique, rien de particulier à signaler, même si la production a invité les groupes techno-pop du moment…

Intéressons-nous à présent à la symbolique, l'un des thèmes principaux de la franchise. Les Wachowski ont encore truffé leur long métrage de références. Neo est clairement une figure christique, appelé à une haute destinée mais tiraillé par ses sentiments humains. Comme la Matrice n'a pas de prise sur lui, il passe son temps libre à voler tel Superman, parce que vous comprenez, il est trop fort Neo, avec ses lunettes noires et sa robe de prêtre. Bon ben un jour il va se planter dans un building, et ça fera pas du bien aux gens dessous. On peut d'ailleurs se poser la question du niveau d'identification du public (et notamment les personnes malléables) à ce type de personnage que rien ne peut atteindre, quand on sait que les collégiens responsables du massacre de Columbine (merci Michael Moore) étaient habillés comme Neo dans le premier film "parce qu'il était cool"… digression terminée.
Sur le plan du scénario, on ne peut qu'être déçu par la demi-intrigue, étalée également sur Matrix Revolutions, qui sortira en novembre prochain. Celui-ci ressemble étrangement à celui d'un jeu video : le héros est en quête d'un Graal, il doit abattre des méchants à chaque niveau, casser la tête à des "boss"… Malgré ce côté bâclé, les Wachowski sont assez malins pour disséminer ça et là des personnages, des éléments, des personnages et des sous-intrigues (comme l'histoire entre Niobe et Morpheus) qui trouveront place, résonance ou explication dans le second film, les courts métrages ou le jeu… Et contrairement à ce qu'affirme le sieur Rougier (qui, j'en suis persuadé, n'a pas vu le film au moment de rédiger son article), le fait de placer la bande-annonce du 3ème opus à la fin du générique de fin du second n'est pas un geste d'amitié envers les fans, mais bien une nouvelle déclinaison de sa stratégie de marketing globale… Malin.

En relisant ma critique, je m'aperçois de deux choses : c'est l'une des plus longues que j'aie jamais écrites, ce qui prouve que j'avais des choses à dire sur l'un des films les plus attendus de cette année fantastique, pas comme le sieur Rougier (okay, j'arrête). Cette longueur sert également d'aune pour mesurer l'ampleur de ma déception à sa vison. L'autre fait saillant, c'est que cet avis est fait de bric et de broc, un rien brouillon… Plusieurs explications sont possibles :
- soit je n'ai rien compris au film (hypothèse fort probable), qui est alors un chef-d'œuvre absolu…
- soit Bertrand Rougier est un génie de la critique ciné et je ne sais plus lire
- soit le film est réellement du foutage de gueule à 150 millions de billets verts
- soit il y a un bug dans la matrice et je suis un virus qu'il faut éradiquer au plus vite.
Spooky



MA TRIQUE DECHARGEE
Ben voilà, il est sorti ! Avant toute chose, j'ai laissé les premiers furieux se précipiter dans les salles obscures durant les toutes premières semaines de diffusion. Il faut dire qu'aller se presser l'oignon dans des files qui puent le pop corn cramé au milieu des sonneries stridentes des cellulaires, c'est pas vraiment mon péché mignon… Quelques semaines ont passé et je profite de la chaleur lénifiante qui s'abat sur la capitale des Gaules pour converger vers un petit cinéma modeste du centre ville, fuyant la foule. Dix personnes dans la salle pour la séance de 19h30, ça reste correct. Pubs, bandes-annonces, etc… Je profite de ces instants pour me remettre dans l'ambiance du film, et notamment du 1er volet que j'avais beaucoup aimé à sa sortie. Bon ok, générique, et ça commence. Une moto qui tombe du ciel, ça bastonne, ça explose, Trinity dans son latex noir explose une vitre et tombe au ralenti en se faisant tirer dessus par les potes de Smith… Et là paf, le plan suivant : Néo se réveille. Ouf ce n'était qu'un mauvais rêve.

C'est alors qu'intervient ma première phase de ronflements aigus, le vaisseau des héros revient à Sion, et là attention les yeux c'est parti pour une première salve de mièvreries et de classicisme suranné. Morpheus est acclamé par le peuple en délire, bien que tout le monde sache très bien qu'ils vont bientôt être attaqués et en prendre plein la gueule. Mais Morpheus c'est un héros, faut que le public comprenne! On le voit alors haranguer la foule et être acclamé, tout le monde semble l'aimer. On a quand même vu le chef de la défense navale lui en mettre plein la gueule parce qu'il n'a pas respecté les ordres et la copine du nouveau membre d'équipage traiter Morpheus de fou mais c'est pas grave. Chez nos amis ricains, y'a toujours le commandant très con qui donne les ordres et le capitaine qui fait acte de son libre arbitre et qui pense plus vite que les autres, donc qui prend des initiatives. Il a des convictions, il a la foi, alors c'est un mec bien ! Ben oui m'sieur dames, les Etats-Unis c'est le pays des libertés alors faut bien un héros un brin rebelle sinon les bouffeurs de MacDo quittent les salles de cinoche. J'en reviens à Sion… Morpheus vient d'annoncer que ça fait 1 siècle qu'ils se foutent sur la gueule avec les machines et qu'ils vont être attaqués d'un moment à l'autre. Mais comme il sait super bien parler, il motive tout le monde et pour fêter ça les gens se lancent dans une rave party indus. Mouais, si vous voulez… Pendant ce temps Néo et Trinity peuvent s'envoyer en l'air, et là c'est d'un symbolisme très recherché : les habitants se lancent dans la subtilité de la danse, corps mouvants en sueur et pendant ce temps Néo emmène Trinity jusqu'à la jouissance. Ben ouais, si l'élu sait pas faire jouir une femme, c'est plus l'élu ! Et puis je sais pas vous mais moi, j'ai vu de Sion une cité dirigée par des blancs au conseil, tout le peuple du bas étant de couleur noire, c'est un peu limite quand même…
Et on continue d'avancer à deux à l'heure, dans la salle j'étouffe un bâillement, derrière moi un couple va se mettre à l'écart et en toute indiscrétion Madame se lance dans un pompier qui réveillera certainement Monsieur (véridique!) Enfin le film commence : Néo va voir l'Oracle. Et ben il était temps parce que là je venais d'échapper de justesse à l'endormissement. Donc le beau Keanu vêtu de sa toge façon curé branché va trouver l'asiatique mais comme il est bien élevé, il le laisse terminer son saké. Avant d'emmener Néo voir l'Oracle, il doit passer une épreuve (tiens, quelle originalité ! Dans le style, la traversée du pont des Monty Python dans Sacré Graal c'était quand même plus marrant !).
Et devinez quoi ? Du Kung Fu bien sûr, faut dire que ça faisait bien 30 minutes qu'on n'avait pas eu droit aux ralentis, aux coups de pied retournés, brossés, emballez c'est pesé. C'est le moment ou jamais pour les dialoguistes presque aussi inspirés que les scénaristes de placer une première pique fabuleuse :
- L'Asiatique : Avant d'aller voir l'Oracle il faut que tu réussisses ton épreuve.
- Néo (très con parce que même nous, on avait compris) : Quelle épreuve ?
Et l'Asiatique de se mettre en position, façon "allez viens, on va se latter la gueule, tu verras c'est rigolo, ça sert à rien, mais ça plaît au public". Baston en règle. Tout le monde connaît. Au bout d'un moment l'Asiatique en a marre, il arrête.
- L'asiatique : C'est bon, je sais que tu es l'Elu.
- Néo : Mais tu aurais pu me le demander.
- L'asiatique : Non, on ne connaît un homme qu'en le combattant.

Belle leçon d'humanité que voilà ! Les scénaristes ont dû penser que ça passerait mieux une telle ineptie que de balancer "Ouais j'aurais pu te le demander mais on se serait pas battus et le public en aurait pas eu pour son argent"… Ah ! Ah ! Ah ! Il vaut mieux en rire qu'en pleurer hein ? Mais attention, c'est pas fini ! Les combats de la mort qui tue, deuxième acte : Néo a vu l'Oracle, il a posé plein de questions et là y'a toute une chiée de Mr Smith qui lui tombe sur le coin de la gueule. Baston façon "seul contre le reste du monde", Néo c'est l'Elu faut pas déconner non plus alors il les explose tous ! Mais il doute, il pose parfois un genou à terre. Là on se dit : "tiens, ça va être sympa, il va se faire coincer". Mais les scénaristes ont vraiment le sens de l'humour, alors après 10 minutes de baston où on pense que Néo va se faire avoir, paf d'un coup il se souvient qu'il sait voler. En position, on déforme l'asphalte, on met les poings en avant et "Force Bleue, Bioman Go!" Super Néo in the sky with diamonds…
Je ne m'étendrai pas sur ce pouvoir volant de Néo, ni sur les réflexions pleine de bon sens des membres de l'équipage qui lisent ses aventures sur le code de la Matrice depuis le vaisseau : "Oh là là maman, j'ai jamais rien vu voler aussi vite!". Is it a bird ? No ! Is it a plane ? No ! It's Superman, euh Super Néo ! Affligeant. Mais il a bien révisé Néo parce qu'il met son poing en avant comme Clark Kent, et zou galinette, trop fort ! Le Mérovingien (mouarf) : comble du raffinement, les américains nous offrent un florilège des plus belles injures françaises et comme on parle de la France, la Monica exige un baiser de notre curé superman en échange du Maître des clés. Oh là là Trinity elle est fâchée toute rouge ! Fleur bleue quand tu nous tiens, quels grands sentimentaux ces ricains ! Parlons à présent d'une autre scène d'anthologie, la course poursuite ! Je tiens d'abord à parler de la Ducati que pique Trinity sur le camion. Ce sont des motos neuves donc sans essence, mais pas de souci, elle démarre et peut rouler avec ! En plus ce n'est pas un modèle d'origine, et pourtant y'en avait plein sur le camion des motos standards, mais sur celle là, le logo était comme par hasard plus gros (énorme même) et puis elle était noire, ça allait mieux avec son latex… Pour le reste, juste avant, quand Trinity a encore sa voiture et qu'elle essaye d'échapper aux deux goules… On a beau être dans la Matrice et savoir plein de trucs sur la vie, le sexe et le rock and roll, on est quand même suffisamment cons pour se tirer la bourre pendant 50 bornes et à tirer le stock de munitions d'une base militaire avant de se rendre compte qu'une balle dans un pneu, ça suffit ! C'est quand même bête hein ! Alors on se dit : le réalisateur aura préféré se concentrer sur les décors : raté, en arrière plan les montages cartons sont tout juste dignes d'un King Kong des années 1930 ! Enfin, lorsque Néo va rencontrer le créateur, deux choses m'ont marqué surtout : d'abord Néo passe la porte, y'a une lumière super claire et là bing, la partie astrale de son âme navigue dans l'hyper espace du tout et du rien et le voilà sur les pavés blancs de Monsieur le créateur. Euh… Le réalisateur je veux bien qu'il apprécie Kubrick mais de là à parodier la fin de 2001, l'Odyssée de l'Espace, y'a une marge non ? Et puis ce créateur comme par hasard il a une barbe blanche, limite s'il n'a pas une couronne d'épines sur la tête et un crucifix, mais bon, la BO n'est pas signée Marilyn Manson cette fois hein… On se dit qu'on approche de la fin, je baille encore une fois, le couple a déserté le fond du cinéma, et moi j'attends la fin avec une certaine impatience. Mais c'est pas encore fini ! Il faut que Néo sauve sa chérie, et pour ça on a droit à la première opération chirurgicale à mains nues en pleine matrice codée, oh là là que c'est beau l'amour, et puis Néo il est vraiment trop fort, il sait tout faire !

En résumé, et en préambule à ma conclusion, je dirai tout d'abord que tous les goûts sont dans la nature. Je ne dirai donc pas que ce film est grotesque, mais plutôt que j'ai trouvé ce film grotesque. C'est le premier adjectif qui m'est venu à l'esprit sitôt les lumières rallumées. J'en aurais presque souhaité qu'il s'agisse en fait d'une parodie de Matrix, ça m'aurait paru plus sympa. Mais là les personnages semblent si sérieux, et sont si convaincants quand ils débitent les inepties des dialoguistes d'Hollywood… Ça fait froid dans le dos. En conclusion, Matrix restera pour moi un seul film, le premier, point final. Je n'irai pas voir le 3°, je le regarderai chez moi quand il passera à la télévision, au moins je pourrai bouquiner en même temps. Parce que pour Matrix Reloaded, j'aurais été mieux inspiré de rester à la maison et de me relire un Philip K. Dick, au moins j'aurais pu m'évader avec de la bonne SF !
DES MILLIARDS DE MONDES
En science-fiction, l’un des concepts fétiches des critiques et des commentateurs est celui de livre-univers. Il recoupe l’idée de création intégrale d’une mythologie, une histoire, une culture entièrement inclus dans un seul ouvrage, voire une série de romans ou de recueils de nouvelles. Suivant cette terminologie, on peut qualifier Des Milliards de tapis de cheveux de l’allemand Andreas Eschbach (je vous ai déjà parlé du polémique Jesus Video dans un précédent numéro d’Ansible) de livre-univers. En effet, à partir d’un simple fait de société (des hommes qui passent leur vie à tisser des tapis avec les cheveux de leurs femmes et filles), le roman confine à une véritable saga historico-cosmique (à l’instar de Fondation, j’assume !) aux implications infinies. Le roman se présente comme un recueil de longues nouvelles faussement indépendantes ; on change à chaque fois de personnage principal, ce qui oblige le lecteur à faire un effort de concentration, avec pour seul fil rouge cette trame de tissage de cheveux.
Eschbach ne prend pas son lecteur pour un idiot, lui qui a conçu ce premier roman comme un puzzle bariolé, avec des pièces de taille et d’aspect variables, et dont la cohérence n’apparaît qu’une fois l’ensemble complété, à la fin de l’ouvrage.
Les “nouvelles” sont toutes différentes, allant du simple (sic) tableau impressionniste saisissant (le Palais des larmes) à l’épopée guerrière.
Au fil des pages, il apparaît que la préoccupation de l’auteur est de lancer un grand cri d’amour à la liberté, au droit à la liberté. Mêlant habilement planet fantasy et récits intimistes, voici une oeuvre à découvrir de toute urgence !

SIGNES KABBALISTIQUES
Dans un monde gangréné par la montée de la violence (pas éloigné du tout du nôtre), Gaël est un jeune auteur de contes pour enfants. Cette situtation bien rangée ne l'empêche pas d'être un militant actif, particulièrement lorsque de simples voleurs de voiture sont abattus froidement par un policier ou un commerçant fascisant. Au cours d'une manifestation pacifiste, il est grièvement blessé par les nouvelles brigades de répression. Durant de longs moments d'inconscience, une voix étrange l'abjure de réagir, de se transformer en une sorte de justicier impitoyable (un peu comme Bruce Willis à la fin du film Incassable.
D'accord, le scénario tient en trois lignes, mais alors, me direz-vous, pourquoi parler de cette BD ? Parce qu'elle a été réalisée par Grégory Charlet, dessinateur du Maître de Jeu, où son style graphique est proprement fascinant. Cadrages serrés, personnages criants de vérité (on jurerait la transposition d'une expérience vécue), atmosphère envoûtante et faits troublants, voici l'oeuvre maîtresse d'un jeune auteur que les faits de société et l'actualité touchent au point de hurler sa colère sur certaines pages de l'album, et qui parvient à instiller une inquiétude sourde (et une certaine impatience) chez le lecteur.
Une curiosité : la couverture ne porte pas le nom de l'éditeur ; de plus, le nom de l'auteur et le titre de l'album sont présents sur une pastille auto-adhésive... Un packaging tout particulier donc.

La quadrature du Cercle
Hollywood aime les remakes, remakes de films étrangers, remakes de ses propres classiques... La seule excuse que je puisse trouver à cette singulière habitude, c'est qu'à force de creuser les mêmes thèmes, tôt ou tard, une pépite émerge de la fange. Les filons sont tout de même très rares, comme chacun sait. Il arrive qu'un remake soit meilleur que l'original, il arrive qu'il soit équivalent, et il arrive aussi que l'humble spectatrice que je suis n'ait aucun moyen de comparer l'œuvre et sa copie, parce qu'elle n'a jamais vu la première. Alors je l'avoue lâchement : je n'ai pas vu Ring; il m'est donc impossible de préjuger de l'utilité de son remake intitulé (comme c'est original) Le Cercle / The Ring, en français dans le texte. J'ai découvert le film en toute innocence. Tel qu'il est, sans aucun background éclairant sa genèse, il me semble plutôt bien fichu. C'est un thriller fantastique qui tourne autour d'une mystérieuse cassette vidéo semant la mort parmi ses spectateurs (dont nous sommes, évidemment, vive la mise en abîme !). Le film est travaillé, un peu trop sans doute, et génère par son concept même ses propres limites : les héros ont 7 jours pour découvrir l'énigme qui se cache derrière la cassette, et ainsi échapper à leur funeste destin. Nous suivons l'enquête de la journaliste Rachel Keller (Naomi Watts), personnage principal. Cette dernière a d'excellentes raisons de trouver le fin mot de l'histoire; non seulement elle a visionné la fameuse cassette, mais son ex petit ami (Martin Handerson) et surtout son fils en ont fait autant.

C'est donc à un terrifiant compte à rebours que nous assistons. Le spectateur un tant soit peu attentif possède parfois une longueur d'avance sur Rachel, ce qui pour un suspense pose quand même quelques problèmes. Cependant, l'atmosphère du film est intrigante. Refusant obstinément les facilités du grand spectacle, dosant avec un soin extrême les effets sanglants et/ou effrayants, le réalisateur Gore Verbinski réussit à instiller le doute sur la caractérisation de son film. Est-ce réellement une histoire fantastique ? Est-ce un thriller psychologique qui reproduit l'évolution intérieure du personnage principal au travers d'images faussement surnaturelles ? Je me suis posée la question durant la première moitié du film. La cassette vidéo, dont le contenu est paradoxalement assez décevant et dont les images guident (ou égarent ?) Rachel dans sa quête, possède bien une existence physique, mais elle est aussi l'émanation d'un esprit. Ce pourrait être, cet esprit, celui de Rachel confronté à ses propres incapacités, mais non : nous avons affaire à un véritable film fantastique. Le secret de la cassette est ignoble et, pour une bonne part, incompréhensible. Rachel n'en est qu'une victime parmi d'autres, parmi tant d'autres...
Son enquête, comme je le disais un peu plus haut, manque de crédibilité. Elle semble parfois rater des indices qui frappent le spectateur de leur évidence, tout en osant dans le même instant des rapprochements dignes d'une véritable spirite. Certains plans du réalisateur sont très inspirés. Difficile de faire du neuf en matière de frayeur, et pourtant, Verbinski parvient à surprendre notre œil bien rôdé en inversant les points de vue. Nous aurons ainsi quelques flashs back des morts horribles du film, morts que le réalisateur ne nous a jamais montrées, mais que Rachel a vues devant nous. Les images qui sont restées gravées en elle et dont le seul témoignage était pour nous son visage terrifié, surgissent ensuite dans le film comme des extensions de la cassette vidéo. Images réelles, images inscrites sur l'écran à l'intérieur de l'écran, nous ne faisons plus la différence parce que Rachel elle-même les confond. Ainsi, quelque chose que nous n'avons JAMAIS vu revient nous hanter. N'est-ce pas une merveilleuse métaphore de l'histoire ? Cela témoigne en tout cas d'un art du montage assez impressionnant. La fin est quant à elle, totalement surprenante, sauf si l'on a vu l'original, mais dans ce cas, je vous le demande, pourquoi aller voir celui-là ?

Ah, si, il y a au moins une raison de retourner subir une deuxième fois cette histoire mouvante et ténébreuse : l'actrice. Verbinski a décidé d'utiliser Naomi Watts dans un rôle banal, presque caricatural tant il est elliptique et sans substance. Il n'a pas pris n'importe qui. Naomi Watts, blonde actrice australienne, a littéralement explosé dans le dernier opus de David Lynch, Mulholland Drive, où elle incarnait le personnage le plus complexe, et donc le plus intéressant d'un film à tiroirs de toute beauté. Bien sûr, aucune comparaison ne se justifierait entre ce chef-d'œuvre et Le Cercle. Cependant, ils ont un point commun, leur interprète principale, et c'est à souligner pour plusieurs raisons qui toutes tiennent du subconscient. Le personnage de Rachel Keller est une coquille vide; journaliste que l'on devine ambitieuse, mais sans véritable réussite professionnelle au vu de son bureau, mère dépassée d'un enfant qui joue à la maison le rôle de l'adulte, elle navigue dans son propre monde, où ses fantasmes et la réalité ne font qu'un. Dans ce monde, les enfants acceptent la mort et restent à leur place, elle-même se fraye un chemin sans se retourner, et son ex petit ami ne réapparaît pas. S'il devait le faire, ce serait signe qu'elle a échoué à survivre. Tel est l'univers de Rachel, univers dans lequel aucune place n'est prévue pour l'affect. La mort de sa nièce, victime de la cassette vidéo, n'ébranle en rien ses certitudes. Elle poursuit son bonhomme de chemin, constatant une fois de plus que les petits garçons sont décidément des êtres très étranges qui prédisent la disparition des gens avec une semaine d'avance, et déterminée à ne surtout pas en tirer de conclusion. Des conclusions, cependant, elle devra très vite apprendre à en forger. La perspective de sa propre mort, inévitable, amène bientôt la question de ce qu'elle sera prête à croire pour sauver son fils. C'est à cet instant que le personnage de Rachel devient "fort". Elle n'est pas n'importe quelle femme, elle est celle qui se trompe sur tout, toujours et partout, et d'abord sur elle-même. Naomi Watts réussit le tour de force d'insuffler à cette caricature le mélange de naïveté et d'audace qui nous rappelle que Rachel est bien l'enfant du couple qu'elle forme avec son fils. D'une sobriété rare, courant après son souffle, perpétuellement sur une corde raide intérieure, l'actrice se contente de donner chair, sa chair, au personnage. Elle en fait une innocente, une âme pure. Une âme d'enfant. Les visions surréalistes de la cassette trouvent un écho sur son visage qui se "spectralise" davantage à chaque impasse.
Si elle découvre la solution, si elle l'applique, c'est avec la même détermination et la même cruauté qu'un enfant. Ou qu'une femme, bien entendu, une femme au bord de tout perdre. De bout en bout, elle est demeurée la même. Ce qu'elle a cru comprendre s'est avéré aussi illusoire que le reste. Son voyage intérieur s'achève là où il a commencé : avec son fils, dans l'incompréhension totale et réciproque qui les sépare inéluctablement. C'est en ce sens que Le cercle n'est pas un film hollywoodien; ça n'a rien à voir avec l'absence de happy end. C'est un film sur la solitude, sur la solitude atroce et absolue de chacun d'entre nous. Rachel le savait depuis le début. A présent, cette connaissance est partagée par son fils, et devient de ce fait, insupportable. Réunis parce qu'ils savent la vérité sur la cassette, ils n'ont jamais été aussi éloignés l'un de l'autre dans le monde réel. Et alors la cassette, instrument de mort, devient leur lien avec la vie. Ironie dernière d'un film qui n'en manque pas.
Bérengère.


Contrairement à Bérengère, j’ai vu Ring, l’original d’Hideo Nakata. Mais je n’ai pas vu le remake. Paradoxalement, il semblerait que son analyse -fort brillante- éclaire les points laissé obscurs par l’original. Car pour une fois, la copie semble le respecter, ce qui est déjà en soit une immense qualité, tant il y a eu de remakes complètement foireux. je vais vous parler sommairement de Ring, comme ça vous pourrez faire votre propre opinion. Le film de Nakata a été encensé à sa sortie (en vidéo), alors qu’il est passé quasiment inaperçu lors de sa sortie en salles. J’ai ainsi vu un film distrayant, sympathique, mais pas un chef-d’oeuvre, ni même une oeuvre innovante, tant il m’a semblé retrouver des éléments de Poltergeist, L’Exorciste et d’autres films d’angoisse/horreur que mon adolescence folle et gloutonne m’a amené à consommer sans modération. Mais je m’égare. Bien sûr, il reste de Ring des images fortes, des images-chocs. La photographie du film lui permet de surclasser la catégorie “film sympatoche” au statut de “semi-culte” ; mais il y a fort à parier que ce sont les mêmes images qui resteront après la vision de la version de Verbinski, tant il a été dit un peu partout qu’il s’agissait d’une photocopie conforme à l’original. La différence semble se situer plutôt au niveau du casting ; dans Ring, Nanako Matsushima est proprement absente de l’écran, ce qui ne semble pas être le cas de Naomi Watts... Qui, paraît-il, laisse voir sa beauté intérieure lors d’une scène de tee-shirt mouillé (absente ou du moins dénuée de toute connotation sensuelle dans l’original).
Il semblerait donc que tout le ramdam fait autour de Ring il y a deux ans soit simplement dû au fait de sa nationalité. En effet, les bons films fantastiques nippons récents ne sont pas légion (à l’exception notable des films de Miyazaki) ; mais pour une fois, le remake est intelligent, travaillé, léché. NB : Hideo Nakata a également réalisé Ring 2, dont le remake est déjà en pré-production aux Etats-Unis.
Spooky.


DEMI-DEMON

Daredevil est le héros du comics éponyme créé par Stan Lee dans les années 1960. C’est aussi désormais un film à gros budgets de la Fox, qui, après X-Men, s’est dit qu’il y avait un bon filon à exploiter. A l’origine du projet, Mark Steven Johnson, un jeune fan qui a assailli pendant de nombreuses années les pontes de Marvel et du studio hollywoodien pour porter à l’écran sa vision du personnage sans peur et sans reproche.
Matt Murdock (Ben Affleck), un avocat aveugle, décide de devenir le justicier de la nuit, surnommé Daredevil. Il rencontre Elektra Natchios (Jennifer Garner, Alias, OH MY GOD !!), fille d’un milliardaire trempant dans le crime organisé, et en tombe éperdument amoureux. Le Caïd, parrain de la mafia new-yorkaise (interprété avec délectation par Michael Clarke Duncan, La Ligne Verte, La Planète des Singes), décide de faire supprimer Nikolas Natchios par BullsEye, capable de tuer n’importe qui simplement en lançant une carte à jouer. L’arrivée de Daredevil sur les lieux provoque la confusion dans l’esprit d’Elektra, qui croit qu’il est le meurtrier de son père. On le voit, la trame est classique, et la compréhension du spectateur lambda n’est pas altérée par des digressions, Sauf sur un point. On passe du petit Matthew qui pleure la mort de son père abattu par la mafia à un homme en costume rouge bordeaux qui virevolte, et trucide les méchants... Quid de sa “transformation” en justicier de la Nuit ? Dommage pour un film d’exposition sur un super-héros... Mais le fan de comics ne peut qu’être déçu ; tout d’abord par l’abondance d’effets spéciaux et de style alourdissant les scènes de combat de manière injustifiée. Effet Spider-Man ? La scène de la “rencontre” entre Murdock et Elektra est sympathique, mais là, non plus, ne se justifie pas autrement que par une volonté d’en donner pour son argent au spectateur. Car malheureusement, Daredevil, ce n’est pas ça. Le héros (et surtout pas super-héros) créé par Stan Lee dans les années 60 est un homme tourmenté, cynique souvent, mais pas ce frimeur qui abuse de ses sens super-développés... Pour un “fan”, Johnson donne l’impression de ne pas avoir tout compris au comic, ce qui est tout de même fâcheux... A l’opposé du spectre, Bryan Singer, qui n’avait pas lu une seule page des X-Men avant d’en réaliser l’adaptation, a mieux réussi son coup ! Voilà pour le gros côté négatif du film ; ah si, il y en a un autre. Ben Affleck. Comment prendre au sérieux un mec qui se balade en levant les yeux au ciel pour simuler la cécité, et comment prendre au sérieux quelqu’un qui vit avec Jennifer Lopez, et qui enfile sa tenue aux petites cornes rouges pour l’exciter, pour un héros tourmenté ? Pas évident hein... Affleck affole juste les filles dans son costume moulant (tout juste correct), et attire les foules avec son nom en gros sur l’affiche, c’est tout. Le reste du casting est plutôt bon, comme Colin Farrell (Minority Report) en tueur barjot, ou mieux Jennifer Garner, incarnation physique presque parfaite d’Elektra, à tel point qu’un Elektra est en préproduction à l’heure où je tape ces lignes. L’orientation pop-rock de la musique est plutôt bien choisie, même si les morceaux eux-mêmes ne sont pas les meilleurs du genre. En ce qui concerne les effets spéciaux, les éclairages, comme je l’ai dit plus haut, ils sont assez décevants et utilisés à mauvais escient (Daredevil se déplace comme Gollum dans Le Seigneur des Anneaux !). Le tout manque de fluidité, ce qui faisait la saveur des dessins de John Romita Jr...
Malgré ces faiblesses évidentes, le réalisateur n’oublie pas de citer les différents artistes qui ont concouru au succès du comic : Romita Jr, Miller, Mack... Même Stan Lee en personne apparaît dans une scène ! Le succès du film annonce une franchise ; prions pour que Johnson ne réalise pas les suites !!

DAUGHTER OF THE EMPIRE

Il en va pour les livres comme pour les gens : en les voyant, on sait parfois qu'on va les détester, les aimer, ou qu'ils vont nous laisser indifférent. Et quelques très rares fois, on tombe éperdument amoureux au premier coup d'œil. La trilogie Daughter / Servant / Mistress of the Empire fait partie de cette dernière catégorie. Publiée pour la première fois en 1987, la série n'a été que très récemment traduite en français ; n'ayant lu que la version originale, je ne pourrai vous parler que d'elle.

Raymond E. Feist avait écrit la série "Riftwar", avec un excellent premier tome Magician, également disponible en français depuis peu. Dans cette série, le monde de Midkemia, de nature médiévale fantastique à tendance heroïc fantasy assez prononcée, est confronté à un mystérieux envahisseur, venu d'un autre monde à travers un portail magique (le rift). La série nous montre le point de vue de Midkemia et de ses habitants, le monde des envahisseurs n'étant pour ainsi dire jamais décrit. C'est donc avec Janny Wurts que Feist a écrit cette trilogie, qui elle décrit le monde de Kelewan - celui des envahisseurs de Midkemia. Ce monde abrite principalement le grand empire de Tsuranuanni, auquel nous allons nous intéresser. Empire fortement féodal, largement inspiré du Japon médiéval, un empereur tout-puissant mais de papier, règne. Le véritable pouvoir est détenu par des grandes familles, des clans, plus ou moins puissants selon leur richesse, leur force militaire, mais aussi leur prestige. Car si force et richesse sont des éléments cruciaux, l'empire de Tsuranuanni possède et applique un code de l'honneur extrêmement développé, très strict et très rigide.

"Daughter of the Empire" commence avec le personnage de Mara, fille du seigneur de la famille des Acoma, ancienne et respectée, mais peu riche, et haïe par un puissant ennemi, le clan des Minwanabi, une des cinq grandes familles à l'origine de la fondation de l'empire. Mara se destine à entrer dans les ordres, au service de Lashima, "déesse de la lumière intérieure". Mais pendant que Mara se préparait à entrer au temple, les Minwanabi ne sont pas restés inactifs, et les Acoma sont au bord de l'extinction. Délaissant son chemin de paix, Mara se voit placée à la tête des Acoma, contrainte de lutter par tous les moyens possibles, non pour prospérer, mais pour survivre. Comme souvent avec certains auteurs anglais ou américains, les livres sont très épais : 530 pages pour le premier tome, 800 pour le deuxième, et 850 pour le dernier. Il faut dire que l'intrigue développée est dense et décrit avec précision et un grand souci du détail le monde de Kelewan, la société, et surtout les jeux de pouvoir - militaires, politiques et économiques - entre les grandes familles. De plus l'écriture des auteurs est réellement très fluide, et les pages se dévorent avec un appétit jamais rassasié ! Rarement livre ne se lût avec autant de plaisir, vous viendrez même à y passer vos nuits. Dans ce premier tome, Mara découvre l'ampleur de la catastrophe qui frappe sa famille, et fait le difficile apprentissage de l'exercice du pouvoir, de la gestion de ses terres et du gouvernement de ses gens. Laissée presque sans défense face à ses ennemis, c'est sur la loyauté, la compétence, la surprise, l'innovation et l'intelligence qu'elle va devoir compter pour survivre.

Loyauté et compétence de ses conseillers, soldats et ouvriers, surprise et intelligence face à ses adversaires, déclarés ou opportunistes, et innovation par rapport aux traditions et code de l'honneur stricts qui règnent dans l'empire. Sans jamais les briser, Mara va les détourner à son avantage, gagnant ainsi quelque répit.Dans ce tome comme dans l'ensemble de la trilogie, le récit se divise en deux ou trois fils narratifs, l'un basé sur les Acoma bien sûr, les autres racontant - parfois mais pas toujours - les intrigues de ses ennemis ou des évènements extérieurs.

Diversité bienvenue, même si les Minwanabi sont quelques peu caricaturaux (ils me rappellent beaucoup les Harkonens dans "Dune"). Impression étrange, on se croirait parfois dans un jeu de stratégie : en effet, on voit Mara partir de presque rien, son armée décimée, son père et son frère tués, et peu à peu gagner des avantages, pour arriver à un point où les Acoma ne sont plus complètement menacés d'oblitération. En relisant "Daughter of the Empire" pour la cinquième fois, j'ai un peu eu une impression d'accumulation : les épisodes s'enchaînent, et Mara en sort à chaque fois victorieuse (même si une victoire peut être coûteuse à certains points de vue). Ceci dit, ce livre se dévore ! Les auteurs prennent le temps de raconter les choses, et ne se pressent jamais. Chaque intrigue est longuement explorée, chaque parole à double sens montrée (là encore on retrouve un peu de "Dune"), et chaque conséquence expliquée. Loin d'être didactique, cette façon de faire permet au lecteur de véritablement comprendre et rentrer dans la mentalité de l'empire de Tsuranuanni.

Le deuxième tome, "Servant of the Empire", met en scène Kevin, troisième fils d'un petit noble de Midkemia, capturé au combat par l'Empire, et vendu comme esclave. Acheté par Mara, incapable de se conformer au rôle d'esclave (cette notion étant liée aux réincarnations successives auxquelles croient les Tsuranni), la confrontation entre sa façon de penser et celle de Mara donne lieu à de nombreux ajustements et innovations. Franchement excellent - encore plus que le premier ! - ce livre nous fait entrer bien plus profondément dans l'Empire. Car si les Minwanabi sont encore très présents, on découvre les "Great Ones", ces magiciens tout puissants qui sont la loi et contre lesquels personne ne peut rien, et les intrigues politiques à grande échelle qui ont lieu, et qui mèneront à une sanglante "nuit des longs couteaux". (Et si de plus vous lisez la série "Riftwar", vous saurez plus de ce qu'il advient à Pug et Laurie)

Ce recul se poursuivra dans le troisième et dernier tome, "Mistress of the Empire", où cette fois les fondations mêmes de l'Empire sont remises en cause. Et que peut donc Mara, même à la tête des désormais puissants Acoma face à des magiciens qui d'un simple geste peuvent balayer toute une armée ?

Cette trilogie fait partie des rares très grandes œuvres de la littérature de Fantasy. Bien écrite (les longueurs sont à mon avis tout à son avantage), basée sur un monde et surtout une société, une mentalité, extrêmement complexes et décrits en détails, variée de par les sujets abordés, son seul défaut est qu'il faut au minimum une cinquantaine d'heures non-stop pour tout lire.
CoeurDePat.


MOI PAZU, TOI SHIHITA

Les deux grandes passions du cinéaste Hayao Miyazaki sont l’écologie et l’aviation. On s’en rend compte dans Laputa - Le Château dans le Ciel, l’un de ses premiers films, réalisé en 1986. La France a (re)découvert ce formidable cinéaste au travers de ses deux derniers films, Le Voyage de Chihiro, et surtout Princesse Mononoke. Du coup, ses distributeurs européens ont décidé de ressortir ses anciens longs métrages d’animation. Celui-ci narre la rencontre de Pazu, petit garçon travaillant dans une mine, avec Shihita, une petite fille qui descend littéralement du ciel.
Celle-ci, poursuivie par de drôles de pirates de l’air et des hommes de l’Armée, semble avoir un rapport avec une mystérieuse ville flottant dans les cieux, et que le père disparu de Pazu, aviateur, a photographiée. Loin du symbolisme de Mononoke ou de la théologie polythéiste de Chihiro, Le Château dans le ciel n’a d’autre ambition que d’être un film d’aventure, au sens noble et pourtant clasique du terme. Une quête, un idéal, des fâcheux, la pureté et l’innocence de l’enfance, le rêve, telles sont les caractéristiques de cette invitation au voyage, que l’on ne saurait décliner, malgré le vieillissement de l’animation et l’aspect comique de la plupart des personnages.

HARRY PELOTEUR

Pour le deuxième fin d’année consécutive, les amateurs de fantasy sont gâtés. En effet, nous avons droit à la deuxième manche du duel Le Seigneur des Anneaux/Harry Potter, qui en plus d’être des succès pharaoniques au cinéma, étaient au départ les deux sagas de fantasy les plus vendues au monde (toutes proportions gardées).
Nous allons nous intéresser à l’apprenti sorcier, qui entame sa deuxième année à Poudlard en ratant son train ! Obligé, avec Ron, de prendre une voiture volante pour se rendre à son école, il va assister à une suite inquiétante de disparitions et de pétrifications. Enquêtant avec ses amis Ron et Hermione, il va découvrir qu’une pièce secrète renferme une créature terrifiante.
Malgré l’ampleur du matériau de départ, ce second épisode est sensiblement du niveau du premier. le réalisateur (Chris Columbus, qui récidive donc) passe moins de temps à poser les bases de l’univers, ce qui permet à l’intrigue de respirer un peu. Le petit Daniel Radcliffe, héros de la saga, a musclé son jeu, ce qui le hisse au niveau de ses camarades. Parmi les nouveaux venus, on notera la composition jouissive de Kenneth Branagh en enseignant imbu de sa personne et, accessoirement, totalement lâche. sa scène de duel avec Severus Rogue (Alan Rickman, excellent en ténébreux) est un moment de cabotinerie tordant.
Les effets spéciaux sont d’un niveau tout à fait adapté au film ; les “gros” morceaux de celui-ci (la poursuite des araignées géantes, le match de quidditch, la séquence de la chambre des secrets) sont plutôt réussis. Malgré son aspect “film pour enfants”, l’avantage de ce film est d’être visible par tous les publics, même par des gens ne connaissant pas l’oeuvre originale ou le premier film (on a testé).

GHOST CHEAP

Premier film fantastique de l’an 2003, Le Bateau de l’Angoisse (Ghost Ship en VO), est un remake d’un “classique” des années 50. N’ayant pas vu l’original de Jack Castle, votre serviteur se contentera ici de vous parler de la “copie” des années 2000, réalisée par Steve Beck.
En 1963, l’Antonia Graza, un paquebot de luxe italien, disparaît dans le Détroit de Bering. Près de 40 ans plus tard, Jack, un jeune opérateur radio, en prend une photo aérienne. il propose à l’équipage de l’Arctic Warrior, un remorqueur d’Anchorage, de der afin d’en prendre possession, avec tout ce qu’il contient. Alléchés par cette perspective, Murphy (Gabriel Byrne, vu dans Smilla) et ses associés tentent le coup. Ils vont trouver le bâtiment, qui s’avère complètement vide. Mais leur arrivée va déchaîner les horreurs surgies du passé. On n’en dira pas plus, même si la suite réserve peu de surprises. En effet, il s’agit là d’une classique histoire de fantômes. le film atteint globalement son objectif : atmosphère envoûtante et glauque à souhait, effets de surprise habilement placés, casting sans stars mais efficace. A ce titre, on notera le premier rôle de Julianna Margulies (l’ex-infirmière-chef des Urgences), un rôle à la Ripley d’Alien, loin d’être ridicule, ou celui de Karl Urban (Eomer dans Les Deux Tours). Au croisement (en haute mer) de Titanic, La Chose et Hantise, ce film sympatoche (avec un passage “techno” plutôt pas mal) reste un bon divertissement, à louer en video si vous en avez marre des blockbusters.

SIGNES DE FAIBLESSE

Soyons réaliste. Signes n’est pas le meilleur des trois derniers films de M. NIght Shyamalan. Loin de là. Après les fantômes de Sixième Sens et les super-héros d’Incassable, le petit prodige s’est ici attaqué aux extra-terrestres, autre thème-phare du cinéma fantastique. Sans oublier de réciter ses classiques (Spielberg et Hitchcock pour les plus visibles), la recette semble à présent éculée. Graham Hess est un ancien pasteur qui a perdu la foi à la suite de l’accident de voiture qui a couté la vie à sa femme. Un matin il trouve ses champs défigurés par d’étranges figures géométriques, les fameux crop-circles. Ce n’est que le début d’une menace folle. Avec son frère (interprété avec brio par Joaquin Phoenix, flamboyant dans Gladiator) et ses deux enfants, Morgan et Bo, il va se barricader dans sa cave.

Coups de théâtre, musique empruntée aux films de SF des années 1950, regards terrifiés, plages d’humour placées pour faire baisser la tension, Shyamalan connaît la chanson. En plus il est servi par un quatuor de comédiens (Mel Gibson en tête, en pasteur qui veut renier son ex-vocation) en parfaite adéquation avec le sujet. Alors, me direz-vous, si les ressorts marchent, si les comédiens et la musique sont au poil, qu’est-ce qui ne va pas ? L’accord entre tous ces éléments. Shyamalan joue encore le jeu des symboles chromatiques (observez les vêtements des personnages au fur et à mesure que la tension monte) et il y a toujours cette langueur, ce côté contemplatif, si propre au cinéma indien.

Mais la mayonnaise ne prend pas. La situation se décante alors qu’on ne comprend pas vraiment pourquoi, le réalisateur s’attribue un rôle-clef dans l’intrigue ; son jeu fait pâle figure à côté des vrais comédiens, et surtout, SURTOUT, la toute dernière scène (trop américaine, diront certains) assassine définitivement un film qui avait déjà du plomb dans l’aile.


PANIC ROOM

Personnellement, pour ma part, dans l'humble solitude de mon esprit partagé, bref, à mon avis : Panic room est soit très réussi, soit complètement raté. Et croyez-moi, je ne compte pas trancher ici. Je suis allée voir un certain film : l'histoire d'une jeune femme fraîchement divorcée et décidée à reprendre ses études, qui emménage avec sa fille dans une nouvelle maison, et qui dès la première nuit, doit affronter un trio de cambrioleurs. Je suis ressortie en ayant vu un autre film : l'anatomie d'une pièce hermétiquement close sous tous ses angles, y compris en coupe murale et en câbles téléphoniques. Surtout, n'en concluez pas que je n'ai pas aimé. Ce serait inexact, et, je pense, injuste pour le film. Retraçons brièvement le synopsis : une femme (Jodie Foster) et sa fille diabétique emménagent dans une immense maison sophistiquée et lugubre à la fois ; la caractéristique de cette demeure étant qu'elle a appartenu à un millionnaire paranoïaque, qui s'était bâti une "panic room". La panic room, sorte de chambre forte dont l'accès est impossible une fois la porte close de l'intérieur, contient matériel de survie, système d'alarme vidéo de la maison, ligne téléphonique vers l'extérieur.

Elle renferme aussi, tout le suspense du film est là, le trésor de l'ancien propriétaire. Ce que recherchent les cambrioleurs se trouve donc dans la panic room, où se sont réfugiées très logiquement l'héroïne et sa fille à leur intrusion. Questions : comment vont-ils rentrer ? Comment vont-elles sortir ? En théorie, ce sont bien ces deux interrogations qui motivent le scénario. Dans les faits, il faut le reconnaître, on se fiche un peu des différentes tentatives des personnages pour entrer ou sortir. L'histoire de cette femme et de sa fille rebelle n'intéresse pas David Fincher; sans doute l'héroïne manque-t-elle de cette fascinante fêlure qui dans tous ses précédents films, lui avait donné matière à exploiter son talent de mise en images. Que peut-il tirer des personnages tels qu'ils lui sont donnés ? Rien. Il se concentre alors sur la "panic room", multipliant les prouesses visuelles pour filmer toujours différemment le refuge devenu piège. Et des idées de mise en scène, D. Fincher en a. Peut-être un peu trop, finalement, pour le bien de son film : ce n'est pas un thriller, c'est un exercice de style (même si parfois, l'un n'empêche pas l'autre). J'applaudis à deux mains la performance du réalisateur, qui n'est responsable ni du manichéisme politiquement correct du scénario (revoilà le "bon nègre"), ni de la faiblesse des retournements de situation.

David Fincher a rempli son contrat, brillamment. Il nous donne à voir un film intéressant, un film qui sollicite l'esprit critique. Mais ce n'est en aucun cas un suspense. Combien peut-on ménager de coups de théâtre dans une histoire close sur elle-même à ce point-là ? Les seules circonstances où l'idée de la chambre close fonctionne, c'est dans les romans policiers à énigmes. Peut-être D. Fincher ne s'est-il pas réellement investi dans son film. Et peut-être Jodie Foster a-t-elle eu du mal à remplacer Nicole Kidman. Honnêtement, je crois que le suspense aurait été plus crédible avec cette dernière, quelque chose comme : la rousse évaporée face aux dangereux maniaques, ou plutôt un truc du genre "je suis belle et féminine, mais je suis une femme des années 2000, vous ne m'aurez pas comme ça". Plus sérieusement, je reste persuadée que le type de personnage induit par la présence purement physique et éminemment évocatrice de Nicole Kidman aurait apporté un plus au film. Jodie Foster est cependant très bien : tendue et réceptive à la fois, affolée et déterminée, bref, un concentré de ce qui fait Jodie Foster dans ses meilleurs rôles. Il manque juste un soupçon d'âme à son interprétation. Sa sensibilité se distille sur la longueur, au fil de petites touches très fines, et dans ce film, elle n'a tout simplement pas le temps d'"incarner" le personnage, de l'habiter. Alors elle joue bien, C'est sûr, comme un stradivarius pourrait produire un beau son même manié par un violoniste débutant. Mais lorsqu'on dispose d'un tel instrument, on prend le temps d'y réfléchir, et on se demande s'il n'est pas capable, à lui seul, de faire naître l'émotion que l'on désire. Je ne suis pas convaincue que D. Fincher aime les acteurs. Je crois par contre qu'il adore raconter des histoires, et que la mécanique très linéaire de "Panic room" est à l'opposé de sa manière de penser. Il n'y a pas de message caché dans ce film, rien d'autre qu'un défi. L'imagination technique du réalisateur ne peut s'appuyer sur aucun biais scénaristique pour s'exprimer. Davantage d'espace réservé à Jodie Foster, un personnage moins caricatural pour Forrest Whitaker, auraient sans doute changé la donne. Dans l'état actuel des choses, D. Fincher a réussi un film froid, qui tourne à vide mais qui tourne magnifiquement, et dans lequel éclate son talent incontestable. S'il est passé à côté d'une réalisation de genre, il a marqué le film de son empreinte ; au vu du scénario, on peut trouver ça plutôt audacieux de sa part. Au vu des acteurs qu'il avait à sa disposition, on peut lui reprocher un certain manque d'ambition. Plus difficile de manier des personnalités comme J. Foster ou F. Whitaker qu'un Brad Pitt, sans doute ! Mais le résultat est de toute manière intéressant, ce qui n'est déjà pas si mal, et il a réussi un beau portrait de pré-adolescente. C'est donc un film à conseiller.
Bérengère



LE REGNE DU FEU

Dans le genre artistique vaste qu’est la fantasy, il existe des sous-genres. Les histoires de dragons sont un de ces sous-genres. Et dans l’histoire du cinéma, il y a eu peu de films réellement réussis. On citera Coeur de Dragon pour la catégorie très bon, et Donjons et Dragons dans la catégorie nullissime. Pourquoi une telle pénurie pour une créature aussi mythique et aussi populaire ? Parce que, justement, le dragon est un animal issu de l’imaginaire collectif, mais à part des représentations aussi diverses qu’intéressantes, il est très difficile de donner vie à ce monument artistique. Difficile au niveau visuel, en tout premier lieu, car créer un animal tout en écailles constitue l’un des derniers défis des effets spéciaux.
Le projet de Rob Bowman (réalisateur émérite de nombreux épisodes de la série X-Files et du long métrage du même nom), a donc, au départ, de fortes chances d’échouer. Il n’en est rien. De nos jours, un couple d’archéologues met à jour une galerie millénaire dans les profondeurs de Londres ; hélas, une créature depuis longtemps endormie va en surgir, pour engendrer une vague de terreur sans précédent. On retrouve 20 ans plus tard leur fils, Quinn (Christian Bale, étonnant), seul rescapé de l’accident initial, en leader d’une poche de résistance aux dragons dans un château. Il va se heurter à Denton Van Zan (Matthew Mc Conaughey, à mille lieues de ses rôles dans Contact, Lone Star, Le Droit de tuer ?, Amistad, U-571...), soldat américain aux méthodes plus radicales.
Grâce à un dragon étonnant de réalisme (il n’y aura bientôt plus d’aspect “plastique” au cinéma), le film est un petit bijou de suspense (le metteur en scène est, il est vrai, un expert en la matière), de rythme et de réalisme. Passons sur le scénario, d’une simplicité basique, qui permet au contraire une lisibilité accrue, pour saluer la performance des comédiens (Mc Conaughey est complètement hallucinant et halluciné). Une très bonne série B.

CECI EST UNE SIMULATION

Que se passerait-il si les acteurs étaient tous remplacés par des créatures numériques ? C’est déjà le cas, me direz-vous, on place volontiers des pixels à la place de certains animaux, on améliore la plastique de certains par ordinateur (je pense notammment à Demi Mooore dans Striptease)... Mais que se passerait-il si l’on créait entièrement par le biais du virtuel une star du grand écran ?
Cette question, Andrew Niccol (Bienvenue à Gattaca, le scénario de The Truman Show) la pose et apporte quelques éléments de réponse. Il faut dire qu’il cherche toujours à titiller l’identité. Viktor Taransky, réalisateur sur le déclin à Hollywood, cherche à redorer son blason au travers d’oeuvres complexes. Un jour un fan, petit génie du virtuel, lui lègue un logiciel permettant de créer de toutes pièces des personnages. taransky, au bord du gouffre, se résout à créer Simone, alliage du physique et des voix de plusieurs actrices connues. Jackpot ! Tout le monde l’adore, veut la rencontrer.. Mais Taransky entretient le mystère autour de son égérie (bien obligé...), et finit par se laisser dévorer par cette femme parfaite. Mais au lieu de bénéficier de son aura, elle lui échappe (à voir cette cérémonie des Oscars, où elle “oublie” de le remercier...). Il cherche donc à casser son image, en la rendant vulgaire, fasciste, droguée... Rien n’y fait !
Alternant les scènes de drôlerie extrême (un attaque gentillette envers Hollywood, le réalisateur étant Néo-Zélandais, mais ayant pu monter son film grâce à des capitaux ricains) et d’une grande réflexion sur le pouvoir de l’image et ses limites, on a là un film léger, posant des questions plus cruciales qu’il n’y paraît. Al Pacino, que l’on ne présente plus, campe un réalisateur totalement dépassé par sa créature ; il se montre très à l’aise dans le registre pas si facile de la comédie. En face de lui, la fameuse Simone est interprétée (virtuellement) par Rachel Roberts, non créditée au générique. A noter la présence sympathique de Catherine Keener (Dans la peau de John Malkovich), productrice et ex-femme de Taransky. S1m0ne est un très bon divertissement, à voir sans hésiter.

HEUREUX POTTER
Mais quel est donc ce phénomène d'édition dont tout le monde parle depuis presque un an ? Cette série qui fait exploser les carcans de la littérature pour enfants ?
Alléché par les avis des uns et intrigué par les dithyrambes des autres, je m'applique à découvrir Harry Potter. Quatre tomes (sur les sept prévus) sont sortis à ce jour. Et j'adore ! Harry Potter est un jeune orphelin élevé (détesté serait un terme mieux adapté) par ses oncle et tante. Il est un jour convoqué pour s'inscrire à Poudlard, l'Ecole des sorciers. Il découvre alors un autre monde, peuplé de créatures fantastiques et d'aventures épiques. C'est un univers dont on n'aimerait pas sortir. L'imagination débordante, le vocabulaire inventif et la verve de Joanne Rowling construisent une œuvre à inscrire au panthéon de l'Imaginaire, aux côtés du Seigneur des Anneaux et de L'Ile au Trésor. Loin d'être sclérosé par un contexte traditionnellement moyen-âgeux, le récit doit beaucoup à son ancrage dans le réel et notre époque : Harry va en cours, fait du sport (ah ! le Quidditch !) et possède une psychologie d'un garçon de son âge. Même si vos 12 ans sont loin derrière vous, vous ne pouvez passer à côté d'Harry Potter. Au fait, un film a été tourné et devrait sortir en France à la fin de l'année.

SHREK ET MAT
En plein dans le mille pour Dreamworks ! Le studio fondé par Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen vient de planter une nouvelle épine dans le pied du géant Disney.
Shrek est l'histoire de l'ogre éponyme, qui va aux toilettes et pue du bec, qui vit tout seul dans son marais. Mais un jour il est envahi par les créatures des contes de fées, déportées par Lord Farquaad, un petit noblaillon (c'est le cas de le dire !) qui a des rêves de grandeur.
En échange de son marais, Shrek doit aller chercher une princesse prisonnière d'un dragon dans un sombre donjon. Même Disney n'a pas osé faire un film sur un concept aussi plat, me direz-vous. Quoique... Mais Shrek joue sur les canons du conte de fées pour mêler action et humour finaud, et nous scotche au mur.
Le réalisme est tel que l'on croirait voir jouer les doublures-voix : Mike Myers (Austin Powers 1, 2, 3...) dans le rôle-titre, l'excellentissime Cameron Diaz (Charlie et ses Drôles de Dames, notamment) en princesse pleine de surprises, et Eddy Murphy (euh... Dr Dolittle ? désolé) en âne (il n'a jamais été aussi bon).
On oublie très vite qu'on est dans un dessin animé, pour s'attacher aux personnages. Bref, une grande œuvre de cinéma, au-delà des clivages de genre et de forme.

LE TROU DUCHOVNY
La comédie de l'été a rencontré la S F, et la rencontre n'est pas forcément heureuse. 15 ans après Ghostbusters, Ivan Reitman nous ressert la recette d'une bande de pieds nickelés face à des créatures en apparence invincibles. Ce coup-ci, les fantômes ont été remplacés par des extraterrestres. Un astéroïde s'écrase sur la terre, transportant avec lui la vie, à l'état unicellulaire.
Mais l'air de la Terre va faire se développer les amibes à vitesse accélérée : champignons, insectes, reptiles, mammifères... A ceci près que les créatures en question ne ressemblent à rien d'actuel ou passé sur notre bonne vieille planète. Un groupe de scientifiques cherche la parade... Les situations sont l'occasion de faire des flatulences, des grimaces.
Et le remède trouvé pour stopper cette invasion concurrence sur le plan du ridicule celle d'Independance Day. De toute évidence, David Duchovny (Mulder dans X-Files, pour ceux qui ne le sauraient pas encore) cherche à casser son image en -notamment- montrant son postérieur, bien aidé par le clown télévisuel Orlando Jones et la superbe Julianne Moore (auréolée de sa reprise du rôle de Clarice Starling dans Hannibal). Un bon divertissement.

JE SUIS ALLE DANS LE JURA ET J'AI PAS TROUVE LE PARC
At'tion ! Les dinos débarquent encore ! Le troisième opus de la série la plus rentable de tous les temps (hormis les Star Wars) est arrivé cet été.
Après l'échec critiique (mais pas commercial) du second épisode, on pouvait attendre le pire de Jurassic Park III. Nos craintes se sont vite atténuées.
Spielberg a visiblement repris les rênes de son bébé (dino, oui je sais, y'en a des lourds), même si la réalisation a été confiée à Joe Johnston (le très honnête Jumanji, avec Robin Williams). Le professeur Alan Grant (Sam Neill, héros du premier film) se laisse convaincre (moyennant des arguments sonnants et trébuchants) d'aller sur Isla Sorna, le fameux site B du Jurassic Park.
Pour retrouver le fils d'un couple d'industriels en compagnie de ceux-ci. Le film est bien mené, efficace, ménageant des instants de poésie entre les classiques poursuites d'humains par des reptiles géants. Deux nouveautés : les raptors, terreurs du premier épisode, communiquent entre eux, et le T-Rex a trouvé un rival de taille en la personne du Spinosaure, doté d'une crête dorsale assez impressionnante.
Tea Leoni (Bad Boys, Deep Impact) et William H. Macy (Urgences, Fargo) courent très vite, et les ptérodactyles ne sont pas très sympas. Efficace. Trois regrets cependant.
Premièrement, la présence de Laura Dern (Sailor et Lula, Jurassic Park) réduite à deux scènes, une au début, l'autre à la fin. Deuxièmement, les dinos ne font plus peur, même s'ils sont toujours très bien réalisés.
Et pour finir, la fin très (trop) ouverte sur une suite. Rendez-vous dans deux ans pour JP4.

TU NE BANDERAS POINT
Un film américain avec une vedette qui ne joue pas la surenchère, c'est suffisamment rare pour être signalé. Boudé par les media, Le Tombeau vaut cependant d'être vu.
La scène se passe de nos jours. Une jeune archéologue israëlienne (Olivia Williams) découvre un mausolée dans une cave de Jérusalem. Le corps découvert là serait présent depuis 20 siècles, et porte des marques aux poignets, aux pieds, mais aussi une blessure au côté.
L'analogie avec une certaine personne est vite faite. Le Vatican est alerté, et dépêche sur place un enquêteur, le père Matt Gutierrez (Antonio Banderas, comme toujours impeccable). Celui-ci se heurte à la détermination de ceux qui l'envoient, mais aussi à la colère des Juifs (on ne souille pas une sépulture) et à la convoitise des Palestiniens.
Dans la ville trois fois sainte, il est difficile de louvoyer entre les eaux. Mais le corps gardera-t-il son mystère jusqu'au bout ? Un thriller théologique sans fioriture, efficace et qui plus est, intéressant. En effet, que se passerait-il si l'on découvrait le tombeau du Christ ? .
Petit bémol cependant. Que Gutierrez, prêtre sud-américain, s'exprime en anglais avec les Israëliens et les Palestiniens, cela peut se comprendre. Mais pourquoi un Israëlien parle-t-il également en anglais à un autre Israëlien ? De même pour les Palestiniens... Soit il y a un truc qui m'échappe, soit les Américains oublient que tout le monde ne parle pas la langue de Shakespeare...

CARIE MOVIE 2
Malgré les dénégations de l'équipe lors du premier opus, voici la suite de la parodie la plus délirante depuis Hot Shots ! En effet, après les slasher movies, les frères Wayans se sont cette fois attaqué au thème de la maison hantée.
On retrouve ainsi Shorty et ses amis aux prises avec un fantôme très porté sur la chose. Mais ce coup-ci, la coupe est pleine ! Après un début très prometteur, qui parodie de la meilleure façon L'Exorciste, le film sombre dans une débauche de crasse, de dégueulis et de pets. La limite du supportable est dépassée lorsqu'un des acteurs décharge une tonne de sperme sur sa petite amie, qui voulait juste l'aider à ne pas avoir froid dans une chambre froide !
Beaucoup de films sont bien sûr hachés menus par la tronçonneuse des Wayans Brothers, aidés par 6 autres scénaristes (!). J'aimerais bien savoir lequel a écrit la parodie de L'Exorciste... Il y a quand même des passages plutôt sympathiques, concernant Charlie et ses Drôles de Dames, ou le passage où Shorty, amateur d'herbe, se fait fumer par une plante géante sous amphéts'...
Mais l'ensemble reste lourdingue, indigne du premier épisode.

YAMAMOTO KISSEKASSE
Après l'étourdissant Shrek (voir ci-dessus), un autre exemple des avancées technologiques en matière d'animation a fait son apparition dans le paysage cinématographique :
Final Fantasy. Adapté du célèbre jeu vidéo (33 millions d'exemplaires vendus dans le monde - le dixième épisode doit sortir pour Noël 2001 au Japon) par le créateur du jeu, Hironobu Sakaguchi, le film se veut révolutionnaire. Sur le plan de la technique, il l'est sans conteste.
Premier film en images de synthèse "photoréaliste", il montre également des acteurs entièrement virtuels semblant doués de vie propre. Il paraît que la moitié des animateurs était mobilisée pour les cheveux de l'héroïne. Ces japonais me feront toujours sourire. Dans un futur proche (2069 pour être précis), le monde a été envahi par des extraterrestres fantômes. Dans des villes-boucliers, des scientifiques, parmi lesquels Aki Ross, tentent de rassembler les esprits qui permettront de repousser les envahisseurs. Ces esprits se rencontrent dans les êtres vivants.
Oui, je sais c'est nul comme scénario, mais c'est à peu près tout ce que j'ai compris. Akira, dans un style légèrement moins réaliste, atteignait mieux son objectif. C'est peut-être d'ailleurs pour ça que j'ai jamais réussi à jouer à ce type de jeu vidéo.
Marqué par le goût du mécanisme (ceux qui connaissent Gunnm et Apple Seed savent de quoi je parle), le film est pourtant époustouflant visuellement. Il paraîtrait que l'équipe d'animation a déjà de quoi réaliser un second épisode. Par pitié, éjectez les Américains du scénario !

MATELAS SIMMONS
Hypérion, sorti au milieu des années 80, a sonné comme un coup de tonnerre dans la littérature de SF, alors sclérosée.
Souvenez-vous, c'était l'histoire d'un groupe de pélerins qui se rendait sur la planète Hypérion, animés par des motifs très différents. Ils y rencontrèrent le gritche, une créature humanoïde proprement terrifiante. Leurs aventures se sont achevées dans La Chute d'Hypérion. Le cycle mêlait habilement Heroic fantasy, Space Opera, thriller spirituel, cyberpunk et j'en oublie.
Véritable démiurge, Dan Simmons a décidé d'écrire des suites, en premier lieu Endymion. Raul (prononcer ROL) est un jeune aventurier né sur la planète Hypérion. Il est sauvé de la condamnation à mort (pour meurtre) par Martin Silenus, le poète qui a écrit le poème épique Les Cantos d'Hypérion, qui lui demande de sauver sa nièce des griffes du gritche, qui l'a emmenée dans les Tombeaux du Temps près de 300 ans plus tôt. Dans le monde d'Hypérion, la vie peut être rallongée par le biais des traitements Poulsen ; mais on peut aussi ressusciter via l'action d'étranges cristaux vivants appelés les cruciformes, récupérés par l'Eglise (appelée la Pax) pour d'évidentes raisons symboliques. Les péripéties du voyage d'Endymion et de la petite Enée sont le prétexte pour découvrir d'autres mondes, d'autres modes de vie, de pensée.
Visiblement, Simmons prend plaisir à étaler ses qualités de visionnaire, d'amateur de voyage, mais aussi de créateur d'univers. C'est de l'aventure à la Conrad, mâtinée de péripéties à la Raymond Chandler.

VIDOCQ EST MORT !
Après les Rivières Pourpres et Le pacte des Loups, voici LE nouveau film français de genre. Dans le style "Seven en 1830", je sors Vidocq.
Celui-ci est le chef de la sûreté de Paris. Il pourchasse un mystérieux individu, l'Alchimiste. Celui-ci le tue au début de l'épisode. Un étudiant, Etienne (Guillaume Canet, le futur Bébel entrevu dans La Plage et les Morsures de l'Aube), enquête sur cette disparition.
Premier film tourné en numérique à être sorti en salles, Vidocq bénéficie du savoir-faire et de la technique de Pitof (réalisateur de la seconde équipe d'Alien la Résurrection), mais aussi de la présence au casting de poids lourds (Gérard Depardieu, André Dussollier)..
Vidocq est un personnage qui a réellement existé, mais dont la vie trépidante comporte quelques zones d'ombre. Cela donne prétexte à des effets spéciaux du plus bel effet. Le film en lui-même a beaucoup de qualités, mais il lui manque ce petit supplément d'âme qui aurait pu en faire un chef-d'œuvre.

BURTON, PARCE QUE JE LE VAUX BIEN
Et voilà donc le blockbuster de Tim Burton, le déifié réalisateur des deux premiers Batman, de Beetlejuice, d'Edward aux mains d'Argent... On attendait beaucoup du remake (inutile ! inutile !) du chef-d'œuvre de Franklin J. Schaffner (1969), et la montagne a accouché d'une souris !
Un astronaute (Mark Wahlberg, Boogie Nights) suit son chimpanzé dans une espèce de trou noir et se retrouve sur une planète où les hommes sont les esclaves des singes. Il va s'attacher à les faire se révolter contre leurs pérsécuteurs. Proche de l'intrigue du roman originel de Pierre Boulle, cette nouvelle mouture pêche dans bien des domaines : un scénario approximatif, une réalisation balourde (y'a pas d'action, un comble pour ce type de film) et même des personnages inutiles !
J'en veux pour exemple la fille du chef des humains (le mannequin Estella Warren), au demeurant pas désagréable à regarder, qui passe son temps à lancer des regards de jalousie vers la femme-chimpanzé-scientifique de service (Helena Bonham Carter, Frankenstein), amoureuse du bel étranger. Et quand elle a une scène, c'est celle des adieux à la fin. La belle gonfle sa poitrine, s'avance vers l'astronaute et... Clap de fin de Tim Burton.
Bref un projet casse-gueule de A à Z, et qui s'est viandé lamentablement. A retenir néanmoins, l'interprétation outrageuse de Tim Roth (Pulp Fiction) en général gorille avide de pouvoir.

STAR WARS : EPISODE II ATTACK OF THE CLONES OR WHEN THE YOUNG PADAWAN ANAKIN SKYWALKER STARTS HIS FALL INTO THE DARK SIDE OF THE FORCE AND WHEN HE STARTS A LOVE STORY WITH THE FORMER QUEEN PADME AMIDALA BECOMEN SENATOR OF THE NABOO PLANET, WHO TRIES TO FIGHT THE COMMERCE FEDERATION

Bon, ben voilà, j'ai raconté tout le film dans le titre.
Non, je plaisante ! Je suis donc allé voir l'un des films les plus attendus de l'année (on est gâtés, avec le Seigneur des Anneaux, Spiderman et Men in Black 2, hein ?), un peu échaudé par la bouillie précédente de George Lucas (voir l'un des premiers numéros d'Ansible, il y a 3 ans).
Alors inutile de se voiler la face : l'Attaque des Clones est bien meilleur que la Menace Fantôme. Lucas, qui est quand même loin d'être un imbécile, a visiblement entendu les critiques du monde entier, qui se focalisaient sur deux gros points : le rapport effets spéciaux/direction classique qui penchait outrageusement du côté des techniciens d'ILM, et la présence horripilante du dingoïde Jar Jar Binks.
Dans ce deuxième épisode, on a encore de longs passages purement numériques, visiblement Lucas ne tient pas plus d'une heure trente de métrage final derrière la caméra, mais il y a du mieux. Et l'affreux bipède aux longues oreilles est réduit à deux scènes, largement suffisantes, qui auraient d'ailleurs pu lui être retirées.
Et quand on sait qu'il s'agit d'un être virtuel, et pas d'un acteur caché sous un costume, on imagine que sa suppression n'aurait pas vraiment lésé quelqu'un, à part le doubleur…
Dix ans après les événements relatés dans la menace fantôme, l'ex-reine Padmé Amidala (Natalie Portman, décidément très bien dans ce rôle), devenue Sénatrice pour sa planète Naboo, tente de contrecarrer l'action de la fédération du Commerce (alliée en secret aux Jedis noirs, les Siths), qui essaie d'amener un maximum de planètes à faire sécession de la République.
Cible de nombreux attentats, Amidala est sous la protection des Jedis, et en particulier d'Obi-Wan Kenobi (Ewan Mc Gregor, pas mal du tout) et de son jeune padawan (apprenti Jedi) Anakin Skywalker, désormais incarné par Hayden Christensen. De fil en aiguille, Obi-Wan découvrira qu'un sénateur fait construire en secret une armée de clones, répliques exactes du chasseur de primes Jango Fett.
Celui-ci est décidément un personnage mystérieux, puisque Lucas annonce qu'il est le véritable héros de cette trilogie. Serait-il le Sith Darth Sidious, qui semble tirer les ficelles dans l'ombre ? On aura peut-être une réponse dans l'Episode III, en 2005…
Nos amis sont confrontés au Comte Dooku, incarné à l'écran par la légende vivante du film fantastique Christopher Lee. En fâcheuse posture, ils seront secourus par Mace Windu (Samuel L. Jackson, qui semble beaucoup s'amuser) et Yoda, que l'on voit enfin en action. Le clou du film est même de son fait, puisque l'on voit Yoda se battre contre Saruman, euh pardon, Dooku. Il s'agit là d'une scène incroyable, où le grésillement des sabres laser le dispute à la virtuosité aérienne des combattants.
Ah là là ! Le fantasme absolu de tout fan de Star Wars enfin réalisé ! Rien que pour cette scène, le film vaut le coup d'être vu et revu !
Pour le reste, l'idylle naissante entre Anakin et Padmé s'intègre bien dans l'histoire, malgré des passages assez "glucose" (ils se roulent ensemble dans l'herbe, attention, Star Wars, c'est chaud !), et l'on commence à voir les implications avec le second cycle.
Boba, fils de Jango Fett, deviendra le chasseur de prime qui vendra Han Solo à Vador ; on comprend bien ici ses raisons. Des raccourcis scénaristiques sont quand même à déplorer. On voit même des Samsonite !
Cet Episode II est de bonne facture, sans atteindre l'intensité de l'Empire Contre-Attaque, auquel Lucas le comparait facilement. Il laisse toutefois espérer un Episode III d'un haut niveau !


L’Homme de Jérusalem - David Gemmell
Après le cycle consacré à la nation Drenaïe, l’éditeur français Bragelonne continue de nous offrir les romans de David Gemmell, et c’est tant mieux. L’Homme de Jérusalem est le premier d’un nouveau cycle intitulé Les Pierres de Sang.
Sur une Terre dévastée par un cataclysme, Shannow est une célébrité : toujours prêt à aider la veuve et l’orphelin contre les pillards qui massacrent et exploitent les gens innocents. Sa dextérité aux armes à feu est légendaire, ainsi que sa quête d’une cité perdue, aujourd’hui enfouie sous les eaux. mais cet homme fait peur en raison même de son habileté et de son caractère impitoyable : il se croit investi d’une mission divine qui le pousse à exterminer les méchants de ce monde. Un jour, cependant, une femme s’offre à lui par reconnaissance et révèle l’homme caché derrière la cuirasse. Aussi, lorsqu’Abbadon, qui se croit l’envoyé du Diable, s’en prend à lui et à la femme qu’il aime, Shannow va bouleverser le monde et contribuer à détruire un empire que tous croyaient indestructible.
Résumer un roman de David Gemmell n’est jamais facile, tant ceux-ci sont riches en rebondissements et en personnages hauts en couleurs. ce quatrième opus édité en france reprend néanmoins plus ou moins les ingrédients qui ont fait le succès des précédents romans : un héros surhumain mais vieillissant et qui ne manque jamais de se moquer de lui-même, une femme au caractère bien trempéqui révèle les failles de Superman, des seconds couteaux qui se demandent toujours ce qu’ils font là, qui se disent qu’ils n’y arriveront pas et qui accomplissent des miracles, des méchants très méchants et l’indispensable traître. On pourrait se dire que lire sans arrêt des histoires au canevas identique est lassant. il n’en est rien, grâce au style de l’auteur, enlevé, guilleret et toujours ironique avec ses super-héros. De plus, le monde qu’il crée autour de ses personnages se révèle fouillé, soulève de nombreuses questions et l’on a hâte de découvrir les autres romans prenant place dans cet univers. Enfin, même si c’est toujours plus ou moins la même histoire, on ne peut que reconnaître sque David Gemmell sait admirablement la raconter et l’on ne peut pas s’empêcher d’être envoûté, une fois de plus, par ce merveilleux conteur d’histoire(s).
Hélanye Driel
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SPIDEY-BILE

Voici donc l’adaptation au cinéma du comics le plus populaire de tous les temps. Le film, en projet depuis plusieurs décennies (le personnage a en effet été créé en 1965 par Stan Lee), voit donc le jour devant la caméra de Sam Raimi (..., Mort ou vif, Un Plan Simple, Intuitions...).
Peter Parker est un étudiant quelconque, souffre-douleur de ses camarades. Un jour où ils visitent un centre de recherches sur les araignées radioactives, il se fait piquer accidentellement par l’une d’elles. Dès lors, sa myopie disparaît, sa musculature frêle se renforce, et il découvre qu’il peut projeter des fils de toile, comme les arachnides.
Il décide de mettre ces dons au service de la Justice et se fait appeler Spider-Man. Grâce à des mouvement de caméra parfois fabuleux (comme loorsqu’on suit le Tisseur pour une plongée sur la 5ème avenue de New York), à un scénario qui laisse une part à l’humour (comme quand Peter découvre ses pouvoirs), et à des rebondissements fréquents, le film est une réussite.

Même si l’on peut déplorer que Tobey Maguire (Pleasantville), qui joue le rôle-titre, malgré son physique quelconque qui sied bien, soit également un acteur quelconque. On regrettera également l’absence prsque totale de “fond social”, plus développé dans X-Men, par exemple... Par contre, il faut souligner la performance de Willem Dafoe, qui joue super-vilain schizophrène Bouffon Vert au rire démoniaque, et celle de Kirsten Dunst (Virgin Suicides), la petite amie du héros, qui a bien “grandi” depuis Entretien avec un Vampire.
Bref, un bon divertissement, à hauteur de la série animée, mais pas du comics, nettement plus étoffé. Cependant, le film a eu tellement de succès qu’’un Spider-Man 2 est en production (voir niouzes).


Les Hommes en noir 2

Ben oui, c’est le titre du film, non ? Eh bien là où je l’ai vu, oui ! Bon, vous connaissez tous l’histoire, je ne vais pas... Qui a dit non ? Bon alors je raconte pour l’Ambassadeur de la planète Xiphonz, mais ouvrez vos neuf oreilles, votre Excellence, je ne vais pas répéter.
Dans les années 1970, la Princesse Loara, de la planète %*$^¤# (c’est imprononçable, vous avez remarqué ?), vient chercher refuge sur terre pour mettre un petit soleil en sécurité. Mais survient Serleena, la méchante princesse de la planète @#%$µ (ah ben non, c’est pô la même), qui l’abat.
Car entre-temps, aidée par l’agent K. (Tommy Lee Jones, avec une choucroute sur la tête), Loara a renvoyé une capsule contenant le petit soleil vers sa planète. 25 ans après, Serleeena revient, sous l’apparence d’un top-model (l’appétissante Lara Flynn Boyle) pour récupérer le précieux objet, qui n’a en fait jamais quitté la planète bleue.
J. (Will Smith) va donc récupérer K. , redevenu Kevin, guichetier à la Poste, pour le réintégrer dans les Hommes en Noir (bah quoi, ce sont des hommes habillés en noir, non ?).
Comment ça, vous vous en foutez de l’histoire ? Ah ben ça tombe bien, le réalisateur, les scénaristes et les acteurs aussi ! Les effets sont comme toujours irréprochables, les créatures assez délirantes, les acteurs (le duo Smith-Jones en tête) hilarants... Je vous recommande la chevauchée par Will Smith d’un ver géant dans le métro de New York, ça vaut le détour, surtout quand l’acteur pousse les mêmes cris qu’un dingo en chaleur.
Mais le vrai héros du film, c’est Frank, oui, Frank le petit bulldog extraterrestre qui parle et qui veut devenir un Homme en Noir... Frank est une bombe sexuelle, un acteur prodigieux, avec un charisme à faire pâlir Brad Pitt lui-même... Frank est un bien meilleur Homme en Noir que Michael Jackson !
Et puis, si vous ne me croyez pas, allez voir le film, vous passerez un très bon moment !


SCOOBY-DOO, OU ES-TU ?
Un peu inutile pouvait sembler l’adaptation “live” du dessin animé loufoque qui a bercé notre jeunesse. Mais à la vision du résultat, on doit réviser cette opinion. Le film, réalisé par Raja Gosnell, respecte bien l’esprit de la série. Les interprètes prêts à faire de l’auto-dérision, Sarah Michelle Gellar, qui interprète Daphné, en tête. A ce titre, la scène où elle parodie Buffy est assez sympa.
Deux ans après s’être séparés, les 5 membres de “Mystères et Cie” (Daphné, Véra, Fred, Sammy et Scooby-Doo) sont appelés par Mondavarious (le surprenant Rowan Atkinson, plus connu pour son rôle de Mr Bean), propriétaire de Spooky Island, un grand parc d’attractions d’où des étudiants repartent transformés.

Coup de chapeau aux animateurs de Scooby-Doo, le chien gaffeur, qui n’est pas outré et reste dans les limites de son double animé, mais aussi à Matthew Lillard, (Scream, Cursus fatal), l’interprète de Sammy, qui joua le plus souvent face à un bout de scotch dans ses scènes avec le chien.
Une pincée de fantastique, des scènes délirantes (dont un mélange d’âmes assez jouissif), une réalisation dynamique composent un honnête divetissement.


SPIELBERG MINORISE CRUISE
Après le spectaculaire A.I., qui nous avait quelque peu laissés sur notre faim, notamment en raison d’une fin ratée, voici le dernier film du prodige Steven Spielberg. L’enfant émerveillé et naïf d’E.T. et A.I. laisse ici la place à un réalisateur solide et chevronné, à l’aise avec les effets spéciaux et les histoires alambiquées.
Car, tordu, Rapport Minoritaire l’est assurément. En 2080, la société Précrime expérimente son concept révolutionnaire d’arrestation des criminels avant qu’ils ne commettent leurs forfaits. Ces interventions reposent sur des prémonitions de 3 jeunes gens, les “précogs”. John Anderton (Tom Cruise), chef du groupe d’intervention, y croit dur comme fer.

Jusqu’au jour où c’est son visage qui apparaît comme étant celui d’un meurtrier. Mais il découvre aussi que, parfois, les trois prodiges-cobayes ne sont pas d’accord dans leurs visions ; on appelle cela un rapport minoritaire.
Palpitant de bout en bout, bien interprété (arrêtez de tirer sur Tom Cruise !), sans concession (le héros n’est pas si “clean” qu’on pourrait le croire), fouillé voire complexe (il ne faut pas sortir de la salle pendant la projection, sinon on perd irrémédiablement le fil), Minority Report, sans être un chef-d’oeuvre, est quand même un très bon film, pêchant des idées dans Le Fugitif, Memento, entre autres.
Certainement l’une des meilleurs adaptations de l’oeuvre de Philip K. DIck, avec Blade Runner et Total Recall. Petite précision : Minority Report sortira en France le 2 octobre 2002.


ATTAQUE ! DAVID
Le Postulat de départ d’Arac Attack est assez simple : reprendre le canevas d’un bon vieux nanar des années 1950 (en l’occurrence Les Monstres attaquent la ville) pour, avec les moyens techniques des années 2000, en faire un bon petit film d’humour/SF sans prétention.
C’est l’entreprise dans laquelle se sont lancés Roland Emmerich et Dean Devlin, d’ordinaire bien moins inspirés (Godzilla, Independence day...), qui, se cantonnant le rôle de producteurs, laissent la réalisation au scénariste Ellory Elkayem.
Celui-ci réussit le tour de force de nous rendre une copie sérieuse, une bonne série B, emmenée par david Arquette (surtout connu pour son rôle de flic débile dans la trilogie Scream) et la jolie Kari Wuhrer.

Des déchets toxiques tombent accidentellement dans une rivière du Nouveau-Mexique. Des araignées, qui y boivent commencent à grossir démesurément. En quelques jours, certaines tarantules sont grandes comme des camionnettes. Les riverains s’organisent pour exterminer les méchantes bêbêtes.
Ne se prenant quasiment jamais au sérieux, le film renferme quelques scènes de bravoure (comme la poursuite de motos par des araignées sauteuses géantes), ou complètement foutraques (des araignées passent en hennissant devant une maison où l’on regarde un western)...
Techniquement irréprochable, joué de manière outrée (la présence de Doug E Doug, transfuge de Rasta Rockett, est un signe qui ne trompe pas), bien mené, voici un bon petit film à louer si l’on veut se marrer entre copains.

UN BRUCE EN VERT INCASSABLE

A l’aube de l’année 2000, un OVNI a fait irruption dans le paysage cinématographique. Sixième Sens, troisième long-métrage du jeune réalisateur Maloj Night Shyamalan, a bousculé les habitudes : un metteur en scène inconnu, un acteur has-been (Bruce Willis), une histoire vaguement fantastique. A l’arrivée, Sixième Sens est devenu le 10ème film le plus rentable de l’histoire du cinéma. A peine un an plus tard, on prend les mêmes et on recommence. David Dunn est un homme médiocre, il a raté sa carrière de sportif de haut niveau mais ne dort plus avec elle. Un jour il échappe à un effroyable accident ferroviaire. Le problème, c’est qu’il est le seul survivant, et qu’il n’a même pas une égratignure. Il est alors contacté par Elijah Price (Samuel L. Jackson, qui arbore une coiffure improbable), propriétaire d’une galerie consacrée aux comics, qui a la particularité d’être fragile comme du verre à cause d’une maladie rare des os. Selon lui, Dunn serait une sorte de super-héros d’une résistance extrême (sinon absolue)), voué à répandre le bien autour de lui. Dunn le prend d’abord pour un dingue avant de réfléchir à sa situation et de se transformer en justicier de l’ombre. Et ça le fait. Bruce Willis es transfiguré (ce n’est plus l’acteur de Piège de Cristal), l’histoire se tient tout en glissant dans un fantastique somme toute très américain, et on est encore surpris à la fin. On retrouve (avec une joie toute cinéphilique) les éléments qui ont fait le succès de Sixième Sens : une écriture extrêmement maîtrisée, un jeu des symboles très subtil (à l’indienne), et un faux rythme lent propre au cinéma indien. Un très grand film.

PLANETE ROUGE DE HONTE
En 2065, la terraformation de Mars a sérieusement commencé. Des sondes contenant des algues ont été implantées sur la planète rouge. L’une d’elles ne répond plus. Une mission humaine est envoyée pour enquêter. Celle-ci est commandée par une femme (Carrie-Anne Moss, Matrix et Memento) mais ne comporte pas d’acteur de couleur. Pour le politiquement correct, c’est déjà raté. Mais lorsqu’ils arrivent à proximité de Mars, , un incident technique les oblige à quitter le vaisseau (on a beau dire, la technologie russe, ça tient mieux !), en laissant leur commandante se débrouiller pour réparer en orbite. Les gars, menés par Val Kilmer (pour le pire, Top Gun, Le Saint, L’île du Dr Moreau, pour le meilleur, je cherche encore), arrivent donc sur Mars pour niquer les martiens s’ils existent. Et deux d’entre eux meurent connement (il faut bien le dire) tandis que leur robot d’exploration, Amee, pète un processeur et se prend pour le prédateur d’Alien. Et puis vient LA révélation du film : on peut respirer sur Mars ! La cause n’est même pas crédible. Et pendant ce temps, Carrie-Anne Moss se balade en petite culotte (comme Sigourney Weaver dans Alien, tiens, tiens) dans un grand vaisseau vide. Tout juste apprend-on (un peu de manière décalée, comme si le scénario avait été achevé durant le tournage, style L’Arme Fatale 4) que Kilmer et Moss ont failli faire crac-crac durant le voyage. Le but du viril héros, alors qu’il est poursuivi par des millions d’insectes bizarres, va donc être de revenir dans le vaisseau toujours en orbite. Et par miracle, une sonde russe échouée là depuis un demi-siècle va lui en fournir le moyen (qu’est-ce que je disais !). où l’on apprend qu’un modem américain de 2065 est compatible avec un logiciel de navigation russe de 2010... La réalisation est plate, les arguments sont nuls, les acteurs (Val Kilmer en tête -mais ce n’est pas nouveau) plutôt inexpressifs derrière leurs casques et même sans... Il reste quelques moments sympas, comme lorsque Kilmer, au moment de quitter le sol de Mars, brandit un doigt devant la caméra en disant Fuck this planet ! Intéressant... Après le blockbuster mystique de Brian de Palma (Mission to Mars), le navet d’Anthony Hoffmann marque le deuxième rendez-vous manqué des Amerloques avec Mars. On attend donc le westernien Ghosts of Mars de John Carpenter (New York 1997, Halloween, L’Antre de la folie...) comme la dernière chance... Mais vraiment la dernière.
A voir pour les cuisses de Carrie.

L’EXORCISTE A POIL DEVANT LE PRISU !
13 mars 2001 : votre serviteur est invité à l’avant-première de la ressortie en version intégrale de l’un des films les plus cultes de ces 30 dernières années : l’Exorciste ! L’accroche de l’affiche est alléchante : « Le film le plus terrifiant de tous les temps comme vous ne l’avez jamais vu ! ». Si je me souviens du film que j’ai vu à 13 ans, il y a des trucs terrifiants, des têtes qui se tournent à l’envers, des corps complètement tordus, des maquillages saisissants... Version intégrale ? Tout le monde va vomir dans la salle ! Je propose à plusieurs personnes e m’accompagner, aucune ne veut, sans doute à cause de leur estomac fragile. J‘y vais donc seul, muni d’un sac idoine. Bon, pour ceux qui ne connaissent pas, je rappelle l’histoire : une jeune fille est sous l’emprise d’un démon probablement venu d’Irak, et un vieux prêtre (Max Von Sydow, excellent comme à son habitude) en assiste un plus jeune dans l’exorcisme. Le film est le prétexte à une suite de scènes-chocs : transformations physiques, lévitations, mutilations, torsions impossibles... L’atmosphère est oppressante, mais pas dans une salle de 500 places au milieu de crétins qui rigolent au moindre hurlement de la Bête. Le film dure deux heures, et pas une scène (ou alors elle n’apporte rien à l’histoire) n’a été rajoutée. L’Exorciste est et reste un chef-d’œuvre du cinéma fantastique, mais cette version n’apporte rien à celle que tout le monde connaît déjà. William Friedkin (le réalisateur) et William Peter Blatty (le romancier et scénariste) avaient juste besoin de payer leurs impôts.

ASTERIX ET LATRAVIATA’RTAGUEUL A LA RECRE
Mais pourquoi Astérix dans Ansible, me direz-vous ? Il n’y a pas de fantastique ni de SF dans Ils sont fous ces romains ! Certes, mais on atteint avec ce 31ème album un sommet de surréalisme, voire de ridicule. Je vais m’expliquer, même si la plupart d’entre vous l’ont probablement déjà acheté à l’heure où vous me lirez. Entouré du plus grand mystère (pour cacher son indigence ?), cet album est sorti le 14 mars simultanément sur toute la France (3 millions d’exemplaires, tant qu’à faire dans le pharaonique...). Bon alors, c’est l’anniversaire d’Astérix et d’Obélix (nés le même jour, c’est pratique) ; leurs familles leur offrent un glaive et un casque qui appartiennent en fait à Pompée, le rival de César ; celui-ci envoie dans le petit village qui résiste encore et toujours à l’envahisseur une actrice, Latraviata, maquillée comme Falbala, dont Obélix a jadis été amoureux. Arguant d’une amnésie bien pratique, elle essaie de séduire les deux Gaulois afin de leur dérober les objets. Bref, il ne se passe pas grand-chose, ce ne sont que quiproquos, rencontres fortuites entre le village et Condate (Rennes), où sont séquestrés les pères des deux amis. En plus d’être une opération commerciale typique de la paranoïa de son auteur (Uderzo), c’est une œuvre artistiquement discutable : il ne dessine pratiquement plus (il n’a que deux doigts non atteints de paralysie) et les couleurs ont l’air d’avoir été faites sur ordinateur ; de plus, les personnages (mis à part les parents d’Astérix et Obélix) et les situations ont déjà été utilisés par le regretté Goscinny. Bref, à force d’exploiter le filon, il se dilue.

ORSON SCOTT CARD : PLUS DE CREDIT
Les Enfants de l’esprit était l’un des ouvrages les plus attendus de la Science-fiction, au même titre que L’Héritage de Saint Leibovitz. Ce récit, qui clôt le cycle d’Ender, initié par La Stratégie Ender, tourbillon de virtuosité et d’originalité (justement récompensé par les prix Nebula et Hugo), sombre dans un galimatias mystico-poussif (normal, c’est un Mormon). Souvenez-vous : Ender c’est un petit garçon qui, dans un futur relativement éloigné, est élevé pour devenir un stratège militaire. Il réussit si bien qu’au cours de ce qu’il croyait être une énième simulation, il vaporise intégralement la civilisation la civilisation des Doryphores, alors ennemi juré de l’humanité. Par la suite, dans La Voix des Morts et Xénocide, il va tenter de trouver un foyer pour la dernière Reine des Doryphores, sauvée in extremis de la mort ; il va également tenter de trouver la paix de l’esprit en épousant une veuve sur la planète Lusitania, au milieu de cet étrange petit peuple des Piggies. Dans cette troisième suite, on assiste à la lente agonie d’Ender, entouré par sa famille véritable et d’adoption, mais aussi à la disparition puis à la renaissance de Jane, sa compagne-intelligence artificielle (dont l’origine reste obscure). Andrew Wiggin, alias Ender, n’est plus le héros du cycle ; on suit plutôt la renaissance physique de Jane (dans le corps d’une des filles adoptives d’Ender), les tribulations de son frère Peter dans des sociétés orientales ou les états d’âme de ses enfants adoptifs et de ses 3 ex-femmes (la vie mormonne). Il nous tarde qu’Ender casse sa pipe, un comble pour un personnage dont on ne pouvait se détacher dans La Stratégie Ender. L’ensemble est très bavard et se perd dans des discours politico-religieux dans la droite ligne de Xénocide. Arrêtez d’écrire des suites !

LES STRYGES SONT PARMI NOUS !
Un coup de cœur BD en marge de l’actualité. Depuis maintenant 3 ou 4 ans, un jeune scénariste, Eric Corbeyran, construit un multivers tournant autour du mythe des stryges. Qu’est-ce qu’un stryge ? (je dis bien un) C’est une créature humanoïde ailée dont on retrouve la trace dans de nombreuses civilisations. Récupérant un ensemble d’éléments de mode d’aujourd’hui (X-Files, les jeux de rôle...) et des littératures d’hier (Lovecraft, entre autres), Corebeyran construit un réseau qui vise à instiller une sourde inquiétude sans pratiquement rien dévoiler, à tenir en haleine jusqu’à la dernière page. La première série, Le Chant des Stryges, superbement mise en images par Richard Guérineau (on en reparlera de celui-là, croyez-moi), narre les investigations d’un groupe disparate, un écrivain, un ancien du FBI (tiens, tiens...) et un étrange jeune femme qui se fait appeler l’Ombre au sujet de créatures gardées dans les locaux du gouvernement américain. Un cinquième volume va clore le cycle en juin 2001, sans probablement dévoiler grand-chose. La deuxième série porte sur l’univers des jeux de rôles ; le Maître de Jeu compte deux volumes et devrait s’achever sur le troisième. Coincé sur une île déserte en Bretagne, un groupe de joueurs teste un «grandeur nature» qui tourne à la chasse où le gibier est l’humain. Grégory Charlet dessine ce cycle. Le premier volume du troisième volet vient de sortir ; Le Clan des Chimères narre le destin d’un petit noblaillon du 14ème siècle, dont le fils a été substitué à la naissance par d’étranges créatures ailées. Michel Suro, encore un inconnu, assure la partie graphique. Une quatrième série est en préparation. Il est difficile de comprendre où Corbeyran veut en venir, mais il a le mérite de créer des histoires de qualité (voir par ailleurs Le Fond du Monde, Sales Mioches ou Graindazur, chez divers éditeurs).
Site officiel : www.stryges.com

ROSWELL, WELL, WELL
Juste quelques mots sur une série SF “soft” qui a débarqué depuis quelques mois sur la petite lucarne hexagonale. Roswell est en effet diffusé le samedi soir, en troisième position de la trilogie du samedi, sur M6. On y suit les mésaventures de trois lycéens de cette petite ville du Nouveau-Mexique, qui ont été recueillis enfants par des gens du coin, et qui sont persuadés d’être des extra-terrestres. Tout en essayant de retrouver leurs origines, ils doivent empêcher le shérif Valenti (William Sadler, habitué des seconds rôles) de découvrir leur secret. Mais comment savent-ils qu’ils viennnent d’ailleurs ? Eh bien, ils possèdent des dons pas courants : faire léviter certains objets, écouter un CD simplement en le collant sur l’oreille... A noter qu’ils adorent le tabasco et en mettent dans tous les plats (si ça, ça ne prouve pas qu’ils viennent de Mars, je veux bien être pendu !). L’un d’entre eux, Max, a la pouvoir de guérir les blessures par imposition des mains ; c’est comme ça qu’il a peu à peu conquis le coeur de Liz (Shiri Appleby), qu’il a mise au courant de son secret. A mi-chemin entre X-Files et Buffy, ces aventures légèrement fantastiques sont produites par Kim Manners, habitué des tribulations de Mulder et Scully. Les trois adolescents sont (très bien) interprétés par Jason Behr (aux grandes oreilles), la gironde Katherine Heigl et Brendan Fehr(qui ressemble à Fox Mulder avec 20 ans de moins). Le tout est introduit dans le générique par une mélodie entêtante de Dido, la révélation pop américaine du moment. Une série sympathique à suivre.

LEO, C’EST PAS DU CARPACCIO !
Depuis 1995, le dessinateur Leo (Trent) a lancé une OPA sur la bande dessinée de SF. ses histoires se passent plusieurs siècles dans le futur. Les terriens ont lancé des vaisseaux dans l’espace pour trouver des mondes viables et installer des colonies sur de lointaines planètes. certains de ces vaisseaux se sont perdus sur des mondes à la faune et la flore totalement inattendues. Ainsi les protagonistes du premier cycle, Aldebaran, sont confrontés à une créature polymorphe, la Mantrisse, qui apparaît périodiquement pour délivrer des cachets de non-vieillissement. Servi par un graphisme réaliste un rien flamboyant, l’oeuvre délivre des messages fondamentalement humanistes (mais pas gnan-gnan) plutôt rares dans le space-opera. Kim, personnage récurrent d’Aldebaran, devient l’héroïne de Bételgeuse, le second cycle. partie à la recherche d’un premier vaisseau sur Bételgeuse-6, elle arrive, à la tête d’un petit groupe, sur les lieux du débarquement pour découvrir que la petite colonie s’est scindée en deux. D’un côté, une communauté où tout le monde est libre et respecte son prochain, où les scientifiques croient en l’intelligence supérieure des iums, sortes de pandas indigènes ; de l’autre, un système dictatorial, militaire, qui milite pour la colonisation de la planète. Avant d’appeler des renforts, Kim décide d’observer les deux camps. Après la parution du tome 2, Les Survivants, on ne peut déjà plus s’en détacher ; et son rythme haletant nous fait presque oublier Aldebaran, qui était déjà un chef d’oeuvre. A noter que cet univers a désormais son site officiel : www.aldebaran.ws

L’ACCROCHE-COEURS PERDUS EN ATLANTIDE
La guerre du Vietnâm est un lourd traumatisme pour la jeunesse américaine des années 60. L’auteur le plus populaire du pays (qui n’y est jamais allé) a voulu apporter une pierre au Mur des Lamentations américain. Au travers de quatre époques (1966, 1966, 1983 et 1999), on va suivre l’évolution de Bobby Garfield, gosse de Harwich, et de ses amis, pris dans de drôles de jeux. Disons-le tout de suite, c’est dans la description de l’enfance que King se montre le meilleur, en ce qui concerne l’ambiance et la description psychologique des personnages. Comme dans Ca, Charlie et La Petite fille qui aimait Tom Gordon. Mais pour le coup, on peut se demander quelle utilité ce long assemblage de nouvelles (555 pages - une paille dans l’œuvre du Best-Sellarus Rex !) roman. S’il n’y avait eu que la première novelette, le livre aurait été d’un niveau exceptionnel mais le reste gâche tout. Peu à l’aise avec le conflit des années 1963-75, King s’embrouille et se délite. Bon, c’est vrai, ce « roman » lui permet d’introduire de nouveaux personnages lui permettant d’étoffer ses cycles de La Tour Sombre et du Talisman (voir aussi par ailleurs). Autre faiblesse : il n’y a presque plus d’élément de surnaturel ou d’horreur, ce qui faisait la marque de fabrique de l’auteur.

AUCUNE TOILE AUSSI LOINTAINE
La jaquette d’Aucune étoile aussi lointaine avait de quoi allécher : Depuis l’aube des temps, ils sont les rois de l’espace. Plus vite que la lumière, ils ouvrent des routes nouvelles, découvrent des mondes inconnus. [..] Voici l’histoire d’un enfant qui devient un homme en brisant les chaînes de son propre destin. Inspirée des mythes marins et des aventures à la Conrad, une aventure qui retrouve le ton de la légende... Mazette ! Serait-ce donc le nouvel Hypérion ? Dans ce roman très ambitieux, Serge Lehman (F.A.U.S.T.), chef de file de la SF française, nous propose de suivre les tribulations d’Arkadih, jeune prince qui rêve de partir sillonner les routes de la galaxie. Son obstination et une petite voix mystérieuse vont transcender ses fantasmes et le lancer aux trousses d’un étrange objet de métal, émanation du Mal absolu. Arkadih va croiser des races sapiens exotiques, lier sa vie à quatre femmes très différentes et devenir une véritable légende de son vivant, au cours d’une odyssée qui durera 9 000 ans. L’écriture est presque maîtrisée, on retrouve en effet des résonances de récits mythiques et mythologiques. La force du roman réside dans la description des doutes qui habitent Arkadih tout au long de son périple à travers la galaxie. Les paradoxes temporels gagneraient cependant à être mieux décrits et développés. Ceci n’est pas un chef-d’œuvre, mais déjà un bon roman, ce qui est rare. Lehman est un véritable écrivain. La SF française existe, faites-le savoir.

LE RETARD DE LA MOMIE
En 1999 La Momie avait proposé une nouvelle forme d’aventure archéologique : comme du Indiana Jones avec des morceaux d’humour dedans. C’était frais, spectaculaire et bien réalisé. Du pur entertainment, en somme. Encouragés par le succès proprement planétaire du film, les producteurs et le réalisateur, Stephen Sommers (Un cri dans l’océan) en remettent une couche deux ans plus tard. On retrouve donc Rick O’Connell (Brendan Fraser, qui a pris du poids), Evelyn (Rachel Weisz, très mignonne), qu’il a épousée, et le frère de cette dernière, Jonathan (l’excellent John Hannah de Pile et Face), égaux à eux-mêmes, face à la momie du grand prêtre Imhotep (Arnold Vosloo, plus inexpressif que jamais). Mais des trouble-fêtes viennent compliquer le jeu. Il s’agit de la réincarnation d’Ankhsounamon, la maîtresse d’Imhotep (Patricia Velasquez, la potiche de service), qui cherche à réveiller Imhotep pour contrecarrer le retour du Dieu Scorpion, qui a autrefois menacé l’autorité de Pharaon. Le réveil de celui-ci provoquerait l’invasion du monde par l’armée d’Anubis, des hommes-loups. Rajoutez à ce canevas (assez mince, il est vrai) un ersatz d’Eddie Murphy dans un dirigeable, un gosse de 8 ans qu’on a constamment envie de baffer, et des pygmées morts-vivants (déjà vus dans les Gremlins), et vous obtiendrez un film 100 % Pop Corn qui n’a d’autre intention que de divertir. Le film commence par une scène de fouilles (comme dans Indiana Jones, Jurassic Park, ou même Belphégor) et n’est qu’un copier-coller de séquences plus ou moins réussies glanées ça et là. L’intrigue suit à peu de détails près celle du premier épisode. Dites donc, pour un budget pharaonique (oui, je sais, elle était facile), vous ne vous êtes pas foulé pour le scénario, les gars ; pour le titre non plus, d’ailleurs (NDLR : The Mummy Returns). S’il y en a un troisième, je veux bien le réaliser. J’ai même des idées pour le titre. La Vengeance de la Momie, The Mummy Vs Predator, MummyStory, La Malédiction de la Momie (The Curse of the Mummy), La Momie pue du Bec (Stinky Mouth Mummy), La Momie Contre-Attaque (The Mummy Strikes Back), La Momie de Mamie (The Nanny Mummy), Les Chroniques de la Momie...

999 – Le livre du millénaire des maîtres du fantastique (Albin Michel)
Al Sarrantonio s’est fixé un double défi : réunir une anthologie du fantastique avant le seuil symbolique du 3ème millénaire, mais surtout faire en sorte que cette somme soit la plus importante jamais réunie. Le résultat est éloquent : plus de 800 pages, 29 récits allant de 5 à 80 pages et un kilo sur la balance. Il s’agit probablement là d’un des ouvrages de fiction les plus lourds jamais édités… Parmi les auteurs, on trouve quelques cadors, tels Stephen King, William Peter Blatty (L’Exorciste), Tim Powers ou encore Ramsey Campbell. Belle entreprise que de lire ce pavé, et une déception à l’heure du bilan. Car la qualité des textes varie entre l’extrêmement abscons (L’Arbre est mon chapeau, Gene Wolfe) au petit chef-d’œuvre (Un été de chien, par Joe R. Lansdale) ; on retiendra tout de même Des Américains morts à la morgue de Moscou, la nouvelle de Kim Newman qui a ouvert l’ouvrage, Répétitions par Thomas F. Monteleone et Ailleurs, de Blatty. La nouvelle de Steve King reste d’un bon niveau, sans être exceptionnelle. En ce qui concerne le compilateur, Sarrantonio fait preuve d’une hypocrisie typiquement américaine : tous les auteurs sont des génies renommés qui lui ont livré des chefs-d’œuvre. Et puis, il n’y a que des auteurs américains dans ce « meilleur recueil de nouvelles d’horreur et de suspense récentes qui soit ». quid de Clive Barker et de Pierre Pelot ? Mieux vaut attendre des recueils des auteurs cités plus haut.

PITCH BLACK : PAS SI NOIR QUE CA…
Pitch Black est la bonne surprise SF de cet été 2000. Prototype du petit film sans prétention, il ne peut qu’agréablement surprendre. Réalisé par le méconnu David Twohy (le très bon The Arrival, dont le sujet était l’invasion extra-terrestre), cette série B est à classer dans la catégorie « bon petit film ». Un vaisseau, suite à une défaillance électronique (même dans la SF, Microsoft fout la merde), s’écrase sur une planète inconnue. Seule une dizaine de personnes survit au krach, dont un dangereux tueur nyctalope (qui voit dans l’obscurité), qui profite de la confusion pour s’échapper. La planète est éclairée par trois soleils, dont la conjonction imminente avec la planète va provoquer une éclipse qui n’a lieu que tous les 22 ans. L’obscurité libère des créatures affamées et cauchemardesques. Entre-temps l’équipage a découvert une colonie humaine et surtout une nacelle de sauvetage. Mais il leur faut parcourir deux kilomètres à couvert dans la nuit noire pour pouvoir la rejoindre avec les batteries adéquates… Sur un canevas ultra-classique, dans la lignée directe d’Alien, le film tient en haleine pendant une bonne heure et demie, porté par l’interprétation de Vin Diesel (le tueur Riddick, vu dans le Soldat Ryan), Cole Hauser (le chasseur de primes camé) et surtout la jolie Radha Mitchell, qui joue là le pilote du vaisseau écrasé (c’est pas de sa faute, elle était dans un aquarium quand ils se sont viandés). Les effets spéciaux sont plutôt bons, et le rythme est soutenu, jusqu’au final qui est plutôt surprenant. A noter qu’une préquelle est en production, qui raconterait les aventures de Riddick.

Une histoire de la science-fiction ; Jacques Sadoul, Coll. Librio, 2000
A la veille du XXIème siècle, l’idée de faire le point sur le dernier siècle de littérature science-fictive s’avère plutôt bonne. Pour que cette initiative soit à la portée de tous, les Editions J’ai Lu (c’est-à-dire Flammarion) ont confié cette tâche à Jacques Sadoul, grand théoricien français du genre, dans le cadre de sa collection à F, Librio. Celui-ci a découpé son œuvre en tranches temporelles variant de 20 à 35 ans. Plutôt que d’écrire un long essai sur le genre, Sadoul a gardé le schéma éditorial qui a fait le succès public de la collection, c’est-à-dire la découverte de textes parfois inédits. Ainsi il s’agit plus d’une anthologie que d’une « histoire ». chaque volume (125 pages environ) est cependant introduit par un bref historique mentionnant, outre les auteurs présents, les grands mouvements, les œuvres majeures et l’histoire de l’édition spécialisée. On y trouve donc non seulement des nouvelles des grands auteurs, mais aussi des curiosités, comme une pseudo-correspondance d’un lecteur d’un e importante revue. L’édition française n’avait pas d’anthologie générale de la S F ; Jacques Sadoul a comblé en partie cette lacune, gêné par le format Librio.

SOLDIER : A BAS LES OGM !
Une curiosité que ce petit film de SF, qui a pour unique vedette Kurt Russell, en compagnie de Jason Scott Lee et Connie Nielsen (vue dans Gladiator et Mission to Mars). Todd (Russell) a été élevé depuis son enfance (en 1996) pour devenir un super-soldat. A 40 ans, il est un vétéran, le meilleur de sa compagnie. Mais une nouvelle génération de bidasses arrive, issue d’un patrimoine génétique modifié ; Todd est littéralement jeté au rebut sur une planète-dépotoir. Il est recueilli par une communauté de naufragés, dont la bonté le touche profondément, lui dont les sentiments avaient été étouffés pour être un combattant invincible. Mais les méchants super-soldats prennent la planète pour un terrain de manœuvres et Todd va se fâcher tout rouge. Un film bien servi par de bons effets spéciaux, assez drôle par son aspect militaire (comme quand Russell persiste à appeler « Mon Lieutenant » la femme qui l’a recueilli). Une bonne détente.

DESTINATION FINALE : BUT PRESQUE ATTEINT
Voici le film pop-corn de cet été. Grâce à une belle affiche et à une bonne bande-annonce, ce long métrage a piqué notre curiosité. Une classe de lycéens américains s’apprête à prendre l’avion pour un séjour à Paris. Mais Alex (l’un des lycéens), dans une prémonition, voit l’avion exploser en vol. on l’expulse de l’appareil avant le décollage, ainsi que cinq de ses camarades et un professeur. L’avion explose, comme l’a vu Alex. Pas de survivants. Mais la Mort n’a pas eu ce qu’elle voulait et va s’appliquer à réparer l’erreur. ce scénario, développé par des anciens de X-Files, aurait pu faire un bon épisode de la série. Même avec cet air de déjà-vu, le postulat de départ reste intéressant. Le film aurait gagné avec une ambiance un peu plus oppressante. Le rythme est assez enlevé, car les péripéties et les fausses pistes sont nombreuses. Devon Sawa est plutôt convaincant en adolescent sans traits particuliers, sinon celui d’être prévenu des prochains agissements de la Grande Faucheuse dans cette ténébreuse affaire. Un point qui reste agaçant : les clichés sur la France (deux-chevaux, béret, baguette, bal-musette…) qui perdurent. Interrogé sur cette scène, le réalisateur a déclaré que c’était « l’image qu’en avait son public » (c’est-à-dire les adolescents boutonneux américains). Moi aussi ça m’énerve.

X-MEN : CLASSE X PUISSANCE 10 !
Les X-Men est un comics créé par Stan Lee en 1963. Il raconte la destinée et les aventures de plusieurs groupes de personnes, affublé de pouvoirs paranormaux (absorber les souvenirs, contrôler la météo, se régénérer instantanément...), qui souhaitent trouver leur place dans un monde “normal”. Certains souhaitent maîtriser leurs facultés dans un but pacifique et se retrouvent à l’école du professeur Charles Xavier (d’où la lettre X) ; d’autres se rallient à Magnéto, qui veut dominer le monde avec ses “mauvais mutants”. Une adaptation vient enfin de voir le jour, dirigée par Bryan Singer (Usual Suspects, Un Elève doué), qui ne connaissait pas le comics au départ du projet. L’adaptation relevait donc de la gageure. Tom de Santo, fan de la série, a pourtant relevé le défi. Il a écrit un script dans son coin, puis l’a soumis à Marvel, éditeur de comics, puis à la Fox. Une guerre couve entre les mutants et les humains. C’est du moins ce que croit Magnéto, maître du magnétisme dont la haine trouve ses racines pendant l’Holocauste. Il s’oppose au Professeur Xavier (Patrick Stewart, le Commandant Picard de Star Trek), qui recherche les mutants via un amplificateur d’ondes mentales. Il trouve ainsi Wolverine (Hugh Jackman, la découverte du film), qui possède un squelette en adamantium (incassable), et Malicia (Anna Paquin, vue dans La Leçon de piano), qui absorbe les souvenirs et les pouvoirs de ceux qu’elle touche. Cette dernière va devenir la proie de Magnéto, qui veut s’en servir pour étendre la mutation au monde entier. A l’écran, le résultat tient de la bonne surprise. Les personnages, bien que nombreux, sont tous plutôt bien respectés, avec l’accent mis sur les personnages de Wolverine, Magnéto et Malicia. servi par de bons effets spéciaux et un casting pourtant hétéroclite (un acteur shakespearien, deux ex-mannequins, un catcheur pour ne citer que les figures les plus marquantes), Singer a réussi un véritable tour de force pour ce qui était au départ un film de commande. Celui-ci ayant fort bien marché aux States, une suite est prévue, avec la même équipe. En fait, chacun des 10 personnages pourrait faire l’objet d’un long métrage.

L’HOMME SANS OMBRE : COMME DU BACON SANS OEUFS
Le savant fou du cinéma mondial, j’ai nommé Paul Verhoeven (Total Recall, Starship Troopers, Robocop, Basic Instinct, Showgirls…) s’est attaqué à l’un des mythes de l’imaginaire fantastique : celui de l’homme invisible. Il s’est attaché le concours d’une valeur sûre, Kevin Bacon (Footloose, L’Expérience interdite, La Rivière sauvage, Hypnose…), en clamant haut et fort qu’il ne fait pas un remake de la comédie de John Carpenter. Bacon joue un physicien, Sebastian Caine, qui travaille pour le compte du Pentagone sur l’invisibilité. après le succès de l’expérience sur un gorille femelle, il décide, malgré l’avis contraire de ses collaborateurs, de tester le sérum sur sa propre personne. Mais son métabolisme et son esprit sont irrémédiablement touchés et il ne peut redevenir visible. Sa nature dérangée se révèle alors au grand jour (si l’on peut dire !) : mégalomanie, concupiscence… pour préserver sa nouvelle condition, il décime ses collègues laborantins sans raison particulière, à l’intérieur du bunker. Les deux tiers du film se résument à une traque claustrophobique sublimée dans Alien ; le monstre qu’est devenu Caine semble indestructible (grillé, électrifié, haché menu, il se relève toujours), et ce n’est que bruit et fureur. Le film est lent, recèle peu de moments d’humour (sauf quand Kevin Bacon présente ses fesses à ses collègues juste avant de «partir») ; le scénario est minuscule et certaines scènes frôlent le ridicule : je veux qu’on m’explique comment fait Elizabeth Shue pour garder son pantalon sec et propre après s’être à moitié noyée, et baignée dans le sang ! Les acteurs sont transparents (ça, je l’ai piqué), et même Bacon n’a jamais eu aussi peu à jouer. Il faut dire qu’il a passé presque tout le tournage sous des masques ou des costumes verts ou bleus, effets digitaux obligent ! Parlons-en des effets : ils représentent les vrais attraits du film, en particulier lors des scènes où Bacon devient invisible. Leur texture fait encore un peu plastique, mais le résultat est impressionnant ! Après le morphing (Terminator 2), les logiciels reconstituant la peau et les écailles (Jurassic Park et Jumanji), le Bullet–time (Matrix), c’est un nouveau pas en avant. Les ordinateurs sont désormais capables de tout reproduire visuellement.

APPARENCES : PAS TROP CLAIR
Un film fantastique avec deux super-stars à l’affiche ? Il y a de quoi craindre le piège. Pourtant Apparences se positionne dans la catégorie des “ça aurait pu être pire”. L’histoire, celle d’une maison hantée par l’esprit d’une femme qui réclame vengeance, est d’un grand classicisme. Elle aurait pu prendre place dans la collection “Terreur” de Pocket. Harrison Ford, quoiqu’un peu vieux pour le rôle (il a 57 ans) est un peu absent ; à croire que son charisme s’étiole avec les années...Pourvu que le prochain Indiana Jones (écrit par le réalisateur de Sixième sens, miam !) arrive vite ! Michelle Pfeiffer, annoncée comme très se”nsuelle, n’est pas très fraîche non plus. Mais son jeu reste ferme et sérieux, et elle colle bien à ce personnage tourmenté, qui doute de la loyauté de son mari. Robert Zemeckis (les trois Retour vers le futur, le très beau Contact et Forrest Gump) est un bon artisan, à l’aise avec les effets spéciaux discrets. Ce blockbuster est une bnonne série B, sans plus.

L’ELUE NETTE DE KIM BASINGER
Encore un film annoncé comme révolutionnant le cinéma fantastique. Encore une production avec une vedette au générique (en l’occurrence, Kim Basinger, qui se prend pour Bruce Willis), et encore un réalisateur soi-disant spécialiste du genre (Chuck Russell, responsable de The Mask et L’Effaceur, a plutôt fait dans le burlesque -et il continue !). La belle Kim (pas très fraîche) se retrouve avec la fille de sa soeur camée sur les bras. Au bout de 4 ou 5 ans, elle a presque réussi à obtenir son adoption, lorsque sa soeur réapparaît, soi-disant guérie par son mari, célébre gourou d’une secte style scientologie. Mais celui-ci est en fait le diable, venu récupérer la gosse qui possèderait des pouvoirs lui permettant de régner sur le monde. Au niveau du scénario, on a déjà vu plus original. Par exemple, qui est le vrai père de l’enfant ? Quels sont ses réels pouvoirs, à part faire tourner un camion de Barbie tout seul ? Rayon acteurs, c’est pas terrible. Rufus Sewell n’a pas l’air très concerné par le côté obscur ; il avait fait bien mieux dans Dark City... Jimmy Smits (les Tommyknockers) a autant de charisme en flic amouraché que moi en huîtreet la gamine ne fait pas partie de ces enfants-acteurs-prodiges auxquels on promet la lune. La réalisation est molle, et aucune image ne reste sur la rétine. La faute, peut-être, aux effets spéciaux minimalistes. C’est pô terrib’.

SCREAM 3 : ET J’AI CRIE... KEVIN, POUR QU’IL REVIENNE !
Face au succès des 2 précédents volets, le studio Miramax a décidé de resservir le couvert pour la série horrifique et cinéphilique la plus populaire (et rentable) de tous les temps. On prend (presque) les mêmes et on recommence : Wes Craven à la réalisation; Neve Campbell (Sidney Prescott), David Arquette (Dewey Riley) et Courteney Cox Arquette (Gale Weathers), sans oublier Liev Schreiber (Cotton Weary), les survivants sur le devant de la scène. Changement notable, le surdoué Kevin Williamson (également auteur de Souviens-toi l'été dernier et Mrs Tingle - sans oublier la série télé Dawson) a été remplacé par la tâcheron Ehren Kruger ( déjà scénariste du très moyen Arlington Road). Ce coup-ci, le tueur au masque coulant se met à décimer les acteurs du film Stab 3, inspiré des événements survenus à Woodsboro (contés dans le premier Scream et Dans le roman de Gale Weathers) ; Sidney, victime "chanceuse" des 2 premières séries de meurtres, avait décidé de rester cloitrée chez elle, travaillant comme conseillère téléphonique pour les dépressifs. Les événements l'obligent à revenir à Hollywood pour trouver le vrai tueur. Autant dire que ce chapitre final gâche un peu les autres volets de la trilogie. Le scénariste se base sur le premier épisode, assez truffé de trous pour expliquer l'origine du tueur et bouleverser ce que l'on croyait savoir ; les facilités sont un peu trop voyantes pour être acceptées: un tueur qui semble se multiplier pour traquer les victimes, des gilets pare-balles ou un pistolet vide aux moments décisifs permettent de rallonger la sauce, un ami cinéphile revenu d'entre les morts à point nommé pour pallier les déficiences déductives des héros. . . Et puis, les scènes semblent presque toutes resucées des deux premiers volets : la blonde qui se fait tuer au début, le tueur assommé qui empêche I 'héroïne de s'échapper vers la sortie, Dewey qui se couvre de ridicule... L'idée du film dans le film était bonne, quoique pas très novatrice, et (oh ! Jouissance !) Sidney flanque une véritable dérouillée à son tortionnaire. Mais on n'a plus peur, au contraire des deux premiers films. Le scénario n'est pas la seule faiblesse du film. Wes Craven semble lassé de filmer des adolescents hurlant au téléphone et des poignards sanguinolents: témoin son récent film avec Meryl Streep en prof de violon (!). Les acteurs, surtout les 2 interprètes principales, semblent plutôt absents, même si le double "stabique" de Gale Weathers vaut le détour. Au final, un film banal de serial-killer sans grande imagination; on est loin du régal cinéphilique de Scream 1 et 2. Kevin Williamson avait digéré la culture du cinéma des 25 dernières années et il en était sorti deux lingots d'or du même calibre. Kruger (sans rapport avec Freddy, quoique..), lui, a eu des problèmes de foie en avalant les deux premiers films et a pondu une brique dont le plaqué or s'écaille en de nombreux endroits.

VALERIO EVANGELISTI : NICOLAS EYMERICH, INQUISITEUR (Pocket)
Il y a 2 ans est apparu un OVNI dans le paysage de l'édition de S.F. En France: un chef-d'oeuvre italien. Jusqu'ici le secteur était réservé aux auteurs anglo-saxons et français. Mais on découvre peu à peu les productions venues d'autres nations. Evangelisti présente ainsi une anthologie de la S.F. outre-alpine, un auteur allemand (Eschbach) pourrait bien être le nouveau Dan Simmons... Mais ne nous enflammons pas et examinons cet ouvrage. Au départ, un jeune savant des années 30 dit avoir trouvé un nouveau carburant (non polluant, 100 % naturel), une puissance qui permettrait à l'homme d'abolir les distances aussi bien dans l' espace que dans le temps ; un siècle plus tard, un vaisseau spatial, mû par ce moyen sans limites, s'approche d'une lointaine planète en quête d'une preuve qui remettrait en question toutes les spiritualités. Et de l'autre côté, nous sommes en 1352 à Saragosse, qui vient d'être ravagée par la peste. Nicolas Eymerich vient d'acquérir (tout en ruse) la charge d'Inquisiteur général du royaume d'Aragon. n soupçonne la Cour d'abriter un rite païen. responsable de manifestations étranges... A priori, rien ne relie ces deux intrigues; il faudra attendre les dernières pages, dans un climax hallucinant, pour trouver une révélation ma foi plutôt intéressante. Evangelisti met l'accent sur l'ascension et la détermination de l'inquisiteur, personnage ayant réellement existé; celui-ci est le héros de deux autres romans (à ce jour). L'écriture est un peu hésitante au début, même si elle rappelle Asimov au même niveau de Fondation, mais gagne en fermeté en avançant dans le récit. Pas de doute, un grand auteur est né !

LE PROJET BLAIR WITCH
FOOTAGE (=PRISE DE VUES EN ANGLAIS) DE GUEULE Vous souvenez-vous de ce film que l'accroche annonçait "aussi flippant que Scream", "aussi tordu que Usual suspects" et dont l'affiche n'était qu'un gros plan de I'héroïne écrasant une larme sur fond noir ? Certains d'entre vous l'ont sûrement vu, suivant le principe du mouton de Panurge. En fait le succès du film repose sur une stratégie commerciale ultramoderne et racoleuse : rumeurs sur Internet et informations scénaristiques aussi sybillines que pour un film de Luc Besson. En 1994, trois apprentis cinéastes partent réaliser un documentaire dans la forêt des Black Bills, à la recherche de la sorcière de Blair . Ce sont les prises de vues de leurs deux caméras que nous voyons à l' écran. Ce prétexte explique la mauvaise qualité de l' image ( dans le genre, Henry, Portrait of a serial killer, était cent fois mieux maîtrisé) et les décors "cheap" du film. Voilà donc nos post-ados en balade dans une charmante forêt, perdant connement leur chemin et en proie à des hallucinations surtout auditives. Car on ne voit rien. et des petits bonshommes de bois pendus aux arbres ne me font pas vraiment peur. L'instigatrice de l'expédition révèle (trop ?) Vite son hystérie latente (Heather Donahue vient d'ailleurs d'être élue pire actrice de l'année) et ses deux compères sont des irresponsables de bout en bout (l'expression cervelle de moineaux correspond d'ailleurs à merveille à ces deux crétins). On comprend pourquoi le film a fait 100 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis, car on y voit trois jeunes adultes américains typiques céder à leur nature débile. Les deux réalisateurs-businessmen du Projet Blair Witch s'y montrent très doués pour filmer des tas de feuilles et de cailloux. Ce film est l'une des plus grandes escroqueries de l'histoire du cinéma, avec peut-être le Godzilla de Roland Emmerich moins sournois.

MATRIX : PREPAREZ- VOUS A ETRE SOUFFLE
Si vous n'aimez pas
- les films de kung-fu
- les films de Hong-Kong, avec des fusillades chorégraphiées
- l' informatique et les réalités virtuelles
- Alice au Pays des Merveilles
- les super-héros
- Les effets spéciaux à outrance
- la Bible
- Keanu Reeves
- les mondes post-apocalyptiques
- Les lunettes Ray-Ban
Alors ne regardez pas Matrix, ça ne vous plaira probablement pas. Car on y trouve tout ça et plus encore. . . La vie telle que nous la connaissons aujourd'hui n'est qu'une façade, un gigantesque écran 3D généré par la Matrice, un ensemble de faisceaux numériques tissant toute chose chacun d' entre nous se trouve en fait dans un cocon placentaire, endormi par des perfusions géantes entretenues par des araignées bio-mécaniques. Car le monde a été dévasté par la Bombe et la Matrice entretient l' illusion. Morpheus (Laurence Fishburne ), chef de file de la "résistance", voit en Neo (Keanu Reeves), un pirate informatique, une sorte de figure messianique capable de combattre la Matrice et de révéler au monde l'insoutenable vérité. Bon d'accord, les références au Nouveau Testament sont hénaurmes et Keanu Reeves se la joue à fond (cela doit être son caractère; souvenez-vous du petit con sûr de lui de l' excellent Speed). Mais lesimages sont d'une telle beauté technique qu'on ne peut qu'être bluffé par la maitrise des frères Washowski (auteurs de l'insolite Bound) ; les dernières avancées techniques ont été utilisées à fond et l'on a même créé des logiciels pour les besoins du film. Les acteurs jouent un incroyable ballet qui fera date dans l'histoire du cinéma. On annonce le tournage imminent de Matrix 2 et 3, coup sur coup. Ca promet I

MISSION TO MARS : MERCI ARTHUR ET STANLEY
Le 12 mai était projeté à Cannes le blockbuster de Brian de Palma (Snake Eyes, Mission Impossible, Pulsions, Blow Out, l'Impasse, Scarface, Carrie...) Décrivant une expédition sur la planète rouge, à la recherche d'un premier équipage mystérieusement disparu. Cette mission. appelée "Mars Ir' (on a de l'imagination à la NASA !) est composée de Jim, un vétéran aigri (Gary Sinise, vu dans Des Souris et des hommes, La Ligne Verte et Forrest Gump), Woody, commandant de la mission (Tim Robbins, Les Evadés notamment), Connie Nielsen, femme du précédent (Soldier et L' Associé du Diable) et Jerry O'Connell (Stand by me, Sliders et Scream 2) qui retrouvent sur place Don Cheadle (Le Diable en robe bleue, Hors d'atteinte et Boogie Nights), retourné dans un état quasi-sauvage à la suite d'événements dont l'explication remettrait en cause tout ce que nous savons... Sur ce schéma ultra-classique, les scénaristes ont cousu l'intrigue de 2001, l'Odyssée de l'espace et des ses trois suites littéraires, toutes signées par Arthur C. Clarke. On pourrait crier au plagiat tant le scénario colle au film-culte de Stanley Kubrick, sans le dépasser. L' accroche de l' affiche française trahissait déjà le "noeud" du film: "Depuis des siècles, les hommes cherchent l'origine de la vie sur Terre... Ils se sont trompés de planète." Eh oui ! Le mystère de la création se tapit sous les sables rouges balayés par le vent martien! C'est peut-être là que le bât blesse: une fin trop hollywoodienne, presqu'autant qu'Armageddon ! Que ferait-on sans les Américains. La première chose à faire, lorsqu'on est à la recherche de survivants dans une base extraterrestre désolée, est-elle de redresser la bannière étoilée ? Autre défaut du film : sa lenteur, même s'il ne dure qu' 1h 40 ! Les personnages auraient mérité d'être approfondis, servis par de remarquables comédiens (mention spéciale à Jerry O'Connell, étonnamment sobre) ; les images sont magnifiques, pour ne pas dire inoubliables, mais on ne peut que se lamenter devant la faiblesse d'imagination des auteurs du script, qui laisse une porte ouverte à une éventuelle séquelle.

LA LIGNE VERTE
Etats-Unis, 1999. Réal. : Frank Darabont. Int. : Tom Hanks, David Morse, Michael Clarke Duncan, Doug Hutchison, Bonnie Hunt... Durée : 3h 15 Après les perles que sont Stand by me, Misery, Dolores Claiborne et Les Evadés, voici donc une nouvelle adaptation réussie de Stephen King. La ligne verte, c’est d’abord un feuilleton paru quasi-simultanément dans le monde au cours de l’année 1996. Les exigences éditrices et le décalage horaire ont décidé du fait qui chaque épisode parut en France avant les Etats-Unis... Durant 6 mois, comme Dickens avant lui, le «Bestsellasaurus Rex» réussit le tour de force de tenir en haleine des dizaine de millions de lecteurs. En France, la collection Biblio (émanation de J’ai lu, c’est à dire Flammarion) a décuplé ses tirages (de 40000 à 500000 exemplaires). Après un phénomène d’édition, ce suspense carcéral est devenu un événement cinématographique. Dans sa maison de retraite, Paul Edgecombe évoque l’année 1935, lorsqu’il fut gardien-chef du Bloc E de la prison de Cold Mountain. Dans ce pavillon des condamnés à mort, il tente d’adoucir les derniers jours des prisonniers avant de les mener à la chaise. Après avoir vu arriver parmi ses subordonnés le jeune Percy Wetmore, arriviste pistonné et voyeur sadique, se succèdent des prisonniers très différents: le cajun Edouard Delacroix (qui apprivoise le personnage le plus surprenant du récit, la souris Mister Jingles), le tueur Wild Bill Wharton, mais surtout le géant noir John Coffey, dont le comportement et surtout le don contrastent avec le crime pour lequel il doit mourir (le viol et le meurtre de deux petites filles). La vie de Paul Edgecombe sera irrémédiablement bouleversée par cette rencontre. Frank Darabont, déjà réalisateur des Evadés, a réuni une Dream Team dans The Green Miles. On connaissait le talent du multi-oscarisé Tom Hanks : il campe ici un gardien-chef de prison déchiré par une infection urinaire et qui est confronté à une série d’événements étranges. David Morse, habitué aux rôles de méchant, est fabuleux dans le costume de son adjoint Brutus Howell. Doug Hutchison, habitué d’X-Files (il y interprète l’élastique Victor Eugène Tooms ), est parfait en gardien pleutre et malsain. L ‘un des mérites de Darabont (scénariste de talent : Freddy 3, The Blob, La Mouche 2) est d’avoir respecté au plus près I’oeuvre de King, n’éludant que des intrigues influant peu sur le fil conducteur ; le résultat dure tout de même 3h15. 3h15 de pur bonheur. Au travers d’une réalisation sensible, d’une interprétation hors pair (mention spéciale à Michael Clarke Duncan, littéralement habité par le rôle de John Coffey), le film délivre un message d’espoir, d’humanisme et d’amour. Certes, le propos est manichéen, les méchants sont très méchants, voire biblique (Coffey est un martyr, une figure christique), mais l’histoire est magnifiquement racontée. Un pur moment de magie.

LES CHRONIQUES DE BLACKSTONE
John Saul, ennemi intime de Stephen King, a voulu lui emboîter le pas dans la voie du feuilleton à diffusion mondiale. Mais contrairement à King, qui s’est placé dans une veine romanesque avec un poil de fantastique, Sou! est resté fidèle à son domaine habituel, c’est à dire le thriller terrifique, avec comme outil principal de psychanalyse la Bible; son confrère de Bangor utilise aussi ces ficelles, me direz-vous. Il semblerait que chacun plagie les bonnes idées de l’autre, car le troisième épisode des Chroniques semble tout droit sorti de Carrie, premier succès de King. Blackstone est une petite ville des environs de Boston. L’ancien asile, situé sur les hauteurs de la ville, doit être transformé en centre commercial. A l’approche de l’échéance, les problèmes pleuvent sur les notables de la ville, liés à des objets maléfiques venus de nulle part. En fait, une ombre hante l’ancien asile désert et distribue ces objets, chargés des souffrances de leurs anciens propriétaires. Certains, comme le journaliste Oliver Metcalf, suspectent une quelconque malédiction, confusément mêlée à cette vieille bâtisse, prison de toutes les peurs, de tous les maux. Mais la réalité est bien pire. Saul maîtrise son sujet, à l’instar d’un Dean Koontz ou d’un Richard Matheson et utilise une technique immortalisée par le scénariste de BD Jean-Michel Charlier, le cliff-hanger : à la fin de chaque épisode (6 au total), consacré à l’un des fameux objets (thème récurrent chez les auteurs classiques de Fantastique), il introduit le suivant en évoquant l’objet, ce qui suscite l’intérêt vif du lecteur. La technique a bien été intégrée par l’auteur, qui offre là une oeuvre quasi-freudienne.

LE MAITRE DE JEU- Corbeyran/Grégory Charlet, Ed.Delcourt
Kyle Mc Allister est un maître de jeu reconnu. Recruté pour tester un nouveau jeu de rôle, il rassemble trois joueurs émérites et les entraîne sur une île déserte.Pendant ce temps, Quentin, jeune infirme et internaute de talent, emménage bien malgré lui dans un château pour le moins lugubre. Il y découvre un vieux livre, narrant l’histoire d’un notable allemand du début du siècle qui se serait rendu sur une île pour y rencontrer un stryge, créature surnaturelle, et disparaître... Fort de ses prémonitions et d’une carte maritime, Quentin décide de mener son enquête. De son côté, Kyle a déjà perdu un de ses joueurs. La partie ne fait que commencer.
Corbeyran, passé maître dans la création de mondes parallèles et dans les trames fantastico-policières (voir à ce sujet la préface de Pierre Christin dans le Grand Magasin), lance une nouvelle série corollaire au déjà culte Chant des Stryges. Il a bien digéré les modes des 10 dernières années (pêle-mêle : jeux de rôles, X -Files, Tim Burton et Terry Gilliam) et il en ressort une oeuvre d’un intérêt grandissant, à la fois pour les adultes et les enfants (avec les séries Sales Mioches et Graindazur). Corbeyran craint l’angoisse de la page blanche mais ne la connaît pour l’instant pas (8 albums signés de sa plume en l’espace d’un an).

VOYAGE - Stephen Baxter ;Ed. J’ai Lu (Coll.Millénaires)
En partant de la non disparition de Kennedy à Dallas en 1963, Baxter a réalisé l’oeuvre proprement titanesque de reconstituer l’évolution de la conquête spatiale par les Américains, pour arriver au premier homme sur Mars en 1986. Le parti de l’uchronie est donc pris; mais c’est une uchronie technique. Baxter décrit de l’intérieur les compagnies aérospatiales, les contractants matériels, la Direction de la NASA et l’entraînement des astronautes. On regrettera l’absence de représentation du public ( car les Américains sont fous de conquête spatiale ), mais aussi la lecture aride, plus centrée sur les événements et les moyens, au détriment des personnages. Mais l’entreprise force

LES AUTRES
Je vois une bande annonce très attirante, voire même alléchante et je me dis, en mon for intérieur ainsi qu'à mes voisins (Juliette et Yannick en l'occurrence) : "Heurgh ! Voilà un film que je vais aller voir !".
Alors évidemment les finances étant ce qu'elles sont en période de fêtes, ça a été plus long que prévu mais finalement à force de persévérance, me voilà dans la salle avec ma vénérable génitrice que j'ai réussie à traîner en évitant de lui préciser le genre cinématographique du film (fantastique, elle déteste) et en insistant sur la présence de Nicole Kidman (une des rares actrices qu'elle trouve à la fois belle et bonne… actrice, bien entendu !).
Je commence donc à me délecter à l'avance de cette histoire de fantômes que les critiques annoncent pas mauvaise du tout sans donner trop de détails toutefois (il faut dire aussi, que j'évite de lire trop de critiques avant d'aller voir un film, afin de ne pas être dégoûtée avant ou déçue après !) . Et là je lâche le morceau à la mère : "au fait, je suis pas sûre que ça te plaise : c'est une histoire de fantômes !". Alors hauts cris de la vénérable : " Quoi ? mais tu veux que je fasse des cauchemars pendant six mois, etc ! ". Et moi, de la rassurer : "Meu nan ! Fantastique ne veut pas dire horreur ! Tu confonds tout ! et pis t'as aimé Le sixième sens !" (pour ceux qui auraient vu les films, Les autres et Le sixième sens, vous noterez mon pouvoir de divination !)
Après cette intro un peu longue, certes, entrons dans le vif du sujet, c'est-à-dire la critique du film : je dirais : TRES BON ! voilà maintenant pour en savoir plus, allez le voir !
Je plaisante bien sûr et je vais quand même vous en toucher deux mots.
Sans rire, j'ai beaucoup aimé, même si la fin est un peu plagiée sur un autre film que je ne citerai pas pour ne pas tuer le suspense et surtout pour ne pas faire de redites (il paraît que c'est pas bon dans une critique, les redites !). C'est d'ailleurs, à mon avis, le seul bémol : la fin est déjà vue, mais, comme on ne s'attend pas à ce que le scénariste soit allé pomper si près, ça marche quand même !
En effet, personnellement, et impersonnellement aussi (car les autres spectateurs, d 'après ce que j'ai pu en voir, ont réagi de la même manière), je suis restée scotchée à mon siège ! Car, en l'occurrence, le suspense est bien mené grâce à un jeu d'émotions sur le visage de Nicole Kidman et surtout grâce à une musique bien sentie aux bons moments. Il est à noter qu'il n'y a aucun effet spécial dans ce film hormis la musique et pourtant, il réussit à terrifier ses spectateurs aussi bien qu'un Vendredi 13 (qui, personnellement ne me fait pas franchement peur, pour ne pas dire franchement pas peur) ou un Freddy (qui est un vrai film d'horreur et qui par conséquent, ne m'intéresse pas).
Alors même si ce n'était pas ce à quoi je m'attendais (avoir peur), j'ai pris du plaisir mais je ne le reverrai pas seule dans le noir !
Véronique.



GHOST OF CARPENTER
Et encore un film raté sur Mars, un ! Après la bouse Red Planet, après le très décevant Mission to Mars de De Palma, c'est l'icône John Carpenter qui s'y est frotté, et qui s'y est piqué. Sur l'ambiance "western" que le maître clame sur les toits depuis 4 ou 5 ans (c'est un peu lassant, à force), il a plaqué un environnement extra-terrestre et futuriste cheap, tout en plaquant des éléments de (tous) ses films précédents. Je citerai pêle-mêle Assaut, La Chose, New York 1997, L'Antre de la folie, Fog... Rajoutez à cela une traduction assez approximative (il n'y est pour rien, je vous l'accorde...), des décors minimaux et une intrigue très mince, et vous obtenez un radis noir (limite du navet).
Même si Natasha Henstridge reste très belle (râââ h La Mutante !), elle fait pâle figure dans ce western post-apocalyptique aux vagues relents de Mad Max

La planète sauvage
Le dernier film de John Carpenter se passe sur Mars. C'est une oeuvre crépusculaire
Par : SOPHIE AVON
"Le sujet de "Ghosts of Mars, dit John Carpenter, c'est la guerre." En une phrase succincte, l'un des réalisateurs les plus atypiques d'Amérique qui, depuis presque trente ans, filme les ténèbres, la peur et le combat d'une humanité en passe d'être déshumanisée, donne le ton de sa dernière oeuvre : quatre-vingt-dix minutes de sang et de feu dans une lumière de soleil couchant. On aurait tort cependant de ne voir dans ce film de guerre qu'une version de plus de l'éternel conflit entre bons et méchants. Certes, Ghosts of Mars a tous les ingrédients du genre, mais tout se passe comme si Carpenter infiltrait les conventions pour les déjouer malicieusement et qu'il mettait dans ce détournement sans tapage une sorte de ténacité lasse, de passion douce. Comme, de plus, ses moyens financiers sont limités, que de Mars il ne filme qu'un périmètre circonscrit une petite ville minière et de la guerre seulement quelques explosions, on se sent immédiatement ailleurs. Sur Mars en 2176, certes, mais très loin de la guerre des étoiles, dans une sorte de no man's land abstrait, sauvage et crépusculaire, où, en guise de machines volantes et autres bolides du troisième millénaire, on a affaire à un vieux train pépère qui largue un commando de flics au coeur de la mine.

Un monde en cendres
Déviation de taille, le commando est dirigé par des femmes, et c'est la survivante de l'aventure qui raconte ce film d'action au féminin, la jolie Melanie Ballard (un nom qui est déjà tout un programme), superlieutenant de la troupe, qui rapporte les faits suivant une narration gigogne. Melanie Ballard (Natasha Henstridge, super) a une supérieure (interprétée par Pam Grier, la Jacky Brown de Tarentino) qui la drague sans ambiguïté, sous le regard goguenard d'un subalterne (un homme, eh oui) qui aimerait bien lui aussi avoir les faveurs de la belle. Voilà pour les relations de travail de ce petit groupe qui débarque dans l'enfer de Mars avec pour mission de récupérer le redoutable James "Desolation" Williams, un Noir accusé de crimes en série. Sur place, l'enfer est bien au-delà de l'idée qu'on s'en fait : la ville semble morte, et ce n'est pas une simple façon de parler car, en effet, les miniers ont fait place à des corps décapités qui pendent aux plafonds des bâtiments, quand ce n'est pas un bras ou une main qui roule dans un coin... On peut rêver mieux comme signe de bienvenue, mais à la guerre comme à la guerre, et le commando a le coeur suffisamment bien accroché pour affronter un monde en cendres où rôdent, impalpables et tenaces, l'odeur de la mort et celle de vivants insaisissables.

Une histoire de l'Amérique
De fait, Melanie Ballard a vite fait de comprendre que la ville minière est la proie d'esprits sauvages et revanchards qui se matérialisent en prenant possession de n'importe quel corps humain. Elle a également vite fait de comprendre que, dans ce monde de terreur où l'ennemi s'empare de ses victimes en silence, il vaut mieux se serrer les coudes entre humains, qu'on soit flic ou truand. Le redoutable James Williams devient donc son allié, voire davantage, un ami providentiel et inattendu, ce qui permet à Carpenter d'élire un duo de héros plutôt anticonformistes pour un film dont le réalisateur précise qu'il n'est ni black ni blanc. On ne s'étonne pas outre mesure que les Américains aient boudé Ghosts of Mars qui rejette si visiblement les clichés, donne vie à des personnages hors du moule et montre la violence comme un état sauvage qu'on aurait réveillé par inadvertance, mais qui serait latent. Car les fantômes de Carpenter, qui se livrent à des rites d'automutilation quand ils se sont emparés des corps de leurs victimes, ressuscitent des frayeurs originelles qui n'ont plus grand-chose à voir avec la science-fiction. Elles s'inscrivent plutôt dans le sillage d'une histoire du monde, une histoire pessimiste qui est aussi, bien sûr, celle de l'Amérique. Ghosts of Mars, de John Carpenter, avec Natasha Henstridge, Pam Grier, Ice Cube, Jason Statham. Durée : 1 h 40.


LE POTTER DE TERRE CONTRE LE POTTER DE FER
Dans le dernier Ansible, nous évoquions le phénomène de société qu'est la série de livres écrite par J.K. Rowling, Harry Potter. Comme beaucoup de succès en librairie, c'est devenu un film (euh, pardon, une série de films, puisque le second volet sera probablement terminé à l'heure où vous lirez ces lignes…). Mais comme vous le savez, l'adaptation est très rarement à la hauteur de l'œuvre originale (à l'exception du Nom de la Rose, par exemple). Eh bien, Harry Potter à l'Ecole des Sorciers ne déroge pas à cette règle, même si l'ensemble reste d'une bonne facture. Recentré sur l'intrigue principale (l'arrivée de Harry et sa première année à Poudlard), le réalisateur (Chris Columbus, tâcheron de Mrs Doubtfire et L'Homme Bicentenaire, pour ce qu'il a fait de mieux) a oublié d'insuffler du rythme à ce premier opus. L'histoire originale fourmille de mille petits détails, d'intrigues sous-jacentes, certes difficiles à intégrer dans 2h30 de métrage. Le premier défaut qui saute aux yeux est le décor ; tout est trop propre, trop neuf… Harry et ses amis semblent étudier dans le Château de la Belle au Bois Dormant à Eurodisney, alors que l'atmosphère des bouquins est plutôt sombre. Le jeune acteur qui incarne le héros, Daniel Radcliffe, est trop propre sur lui pour être crédible ; de plus, il ne s'étonne de rien de ce qui lui arrive, alors que Harry Potter vient de l'extérieur du monde de la magie. Au sein d'un casting uniquement composé d'Anglais (exigence de Joanne Rowling), on relèvera surtout les seconds rôles, les amis d'Harry (Ron et Hermione), le géant Hagrid ou encore Rogue (Alan Rickman, seule " star " du casting). A qui la faute ? A Columbus donc, gros feignant qui n'a pas lu les bouquins (laissant le soin à sa fille de 11 ans de le conseiller !), mais aussi au studio, la Warner, qui comme tous ses congénères, musèle l'esprit artistique pour faire dans le commercial et l'hypocrisie du politiquement correct. Tout cela ressemble au Spielberg de ces dernières années, me direz-vous, et vous n'auriez pas tort, car l'ombre du réalisateur d'E.T. plane sur le film et sur la suite, car après avoir laissé tomber l'adaptation du premier Harry Potter, il dit s'intéresser de près à celle du troisième, Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban. Dire qu'on a failli avoir un Harry américain, entrant dans un collège typiquement américain, avec des lycéens complètement américains… Brrr ! Rien que d'y penser, cela me donne des boutons ! Même s'il était prévu qu'Haley Joel Osment (le prodige de Sixième Sens et de A.I.) joue le rôle-titre…Pour les fans de l'œuvre romanesque, c'est une semi-déception ; pour les autres, un film pour enfants à l'intérêt moyen. A noter cependant un bon point, la restitution vigoureuse et prenante des parties de Quidditch, le sport des sorciers. Chris Columbus a fait sa Menace Fantôme !




La Philosophie de la Méduse
Jean-Michel Truong est quelqu'un de tout à fait étonnant. Alors qu'il n'est pas à proprement parler un écrivain de "science-fiction", son livre Le successeur de pierre remporte en 1999 le Grand Prix de l'Imaginaire du meilleur roman français de science-fiction. Ce livre, dont l'action se situe dans un futur proche où la moitié de la population du globe vit dans des habitations isolées du monde extérieur, pratique le "Zéro Contact" et ne communique plus que par le biais d'avatars "interactifs", nous propose de nous interroger sur le devenir de l'espèce humaine, et de l'intelligence. En effet, l'une des thèses de Jean-Michel Truong, que son livre met admirablement en scène, est que l'espèce humaine n'est pas la fin de l'univers, mais principalement (uniquement ?) le porteur, le véhicule de l'intelligence, qui vise à "se répandre dans l'univers et le coloniser". Alors que de très nombreux livres de science-fiction traitent le sujet en envoyant l'homme dans des vaisseaux spatiaux à la conquête d'étoiles toujours plus lointaines, Truong, lui, fait dire par un de ses personnages que les vols spatiaux ne sont que "vaines foutaises" et que : "en vérité (...), l'espèce humaine ne quittera jamais la banlieue terrestre". Voilà qui va sans doute en démoraliser plus d'un. En fait, Truong va encore plus loin, et écrit : "L'homme n'est pas le vecteur approprié pour répandre la vie dans les étoiles." Mais ce n'est pas si grave, car l'homme a bien d'autres choses à faire, et notamment, se trouver un successeur... Et c'est là qu'intervient la pierre du titre. Le minéral, contrairement au végétal ou à l'animal, dure. Il est plus résistant, plus solide, il est... le véhicule idéal. De l'intelligence. En fait, il y a des aspects de ce livre qui ne sont pas sans rappeler le magnifique Les Enfants d'Icare, d'Arthur C. Clarke, qui mettait en scène la fin de l'espèce humaine, dépassée par ses propres enfants. L'espèce humaine n'existait plus en tant que telle, mais se transcendait en... quelque chose d'autre, qu'elle ne comprenait pas tout à fait. Fascinant.

Cette réflexion, cette histoire, est symptomatique du parcours, de la philosophie, de Jean-Michel Truong. Ce n'est pas par hasard qu'il réfléchit sur ces thèmes. A vrai dire, ils font même partie de sa vie. Jean-Michel Truong, 49 ans, né en Alsace, se définit lui-même comme un être hybride : "à la fois alsacien, vietnamien, et cantonnais, à la fois littéraire et scientifique ". Un être alternatif, en quelque sorte, qui lorsqu'il décide de créer la première start-up d'intelligence artificielle le fait "entièrement", et qui, lorsqu'il décide d'écrire un premier roman (Reproduction interdite, chez Plon), "s'arrête de travailler pendant deux ou trois ans pour ne se consacrer qu'à l'écriture". Pour définir son mode de vie, la façon dont il passe d'un métier à l'autre (il a tout d'abord voulu être médecin, puis a été professeur, conseiller en transfert de technologie, directeur de société, écrivain, puis enfin (comme il le dit lui-même) "mère maquerelle" (c'est-à-dire "intermédiaire" pour les grandes entreprises françaises désireuses de s'implanter en Chine), il a une expression : la "philosophie de la méduse". "J'ai la philosophie de la méduse - nous dit-il - qui se laisse emporter par les courants ; et qui est aussi la philosophie du judo, que j'ai appris dans ma jeunesse. En fait, j'ai appris à ne pas m'opposer à la force, mais au contraire à la subvertir, et à la mettre à mon service. Je n'oppose pas ma volonté aux événements, et je m'en suis toujours très bien trouvé." Son propos, merveilleusement illustré par son livre, est donc à son image : paradoxal en apparence, mais en apparence seulement. Truong nous dit que ce qui compte chez l'homme, ce n'est pas la forme, la carcasse... c'est l'âme (ou "l'intelligence", si l'on préfère). C'est elle qui dure, c'est elle qui constitue notre véritable identité. En fait, Le Successeur de pierre est certes un excellent thriller, un bon polar, un beau récit philosophique, et un livre de science-fiction particulièrement original, mais c'est surtout un grand roman humaniste, contemporain.
David CAMUS


© Rendez-vous Ailleurs, n°26, janvier-mars 2001

FROM ZELE
Drôle de projet que ce From Hell. A la base, on retrouve la BD éponyme réalisée par Alan Moore et Eddie Campbell (Ed. Delcourt), un pavé de 500 pages salué par la critique et les lecteurs. Réalisée par les inattendus frères Hughes (Menace II Society), cette adaptation se propose d'exhumer le mythe de Jack l'Eventreur, maintes fois (mal)traité.
Londres, 1888. Dans le Quartier de Whitechapel, un étrange maniaque massacre méticuleusement un groupe de prostituées. L'inspecteur Abberline (Johnny Depp), opiomane medium, mène l'enquête. Il va rencontrer Mary Kelly (Heather Graham, lumineuse dans Lost in Space, Boogie Nights, Austin Powers 2), dame de petite vertu de son état, et le Dr William Gull (Ian Holm, vu dans Le Cinquième Element, Le Seigneur des Anneaux), médecin de la famille royale ; ce qu'il va découvrir pourrait bien faire vaciller l'Empire Britannique...
Sur ce canevas somme toute plutôt classique, les frères Hughes ont bien cadenassé leur coup. Une réalisation sobre, très éloignée du fameux montage MTV auquel on nous a habitués, des acteurs impeccables (avec à leur tête Depp), des effets spéciaux discrets mais efficaces.
Deux petits regrets cependant : la dilatation des pupilles de l’Eventreur quand il pète un câble, un effet en décalage par rapport au reste du film, et l'aspect "propre" d'Heather Graham, qui joue une prostituée de la fin du 19ème siècle, rappelons-le. Ces bémols mis à part, From Hell est un bon petit classique sur le sujet.


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